⋅ Partie 2 ⋅

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Appartement Motomiya - 8h21

Le lendemain matin, ce n'est pas la sonnerie du réveil qui tira Naho de son sommeil profond, mais bien la porte d'entrée qui claqua et la réveilla en sursaut. À peine deux secondes plus tard, la porte de sa chambre s'ouvrit et la petite tête de Tohru passa dans l'embrasure.

— J'y vais, onee-chan, dit-il en mettant l'accent sur le suffixe honorifique pour la faire enrager. Grouille-toi, il va être huit heures et demie.

Il fallut quelques secondes à la jeune fille pour que les mots de son frère traversent le brouillard autour d'elle, tant elle était fatiguée. Quand elle comprit la phrase, ses yeux s'écarquillèrent.

— Merde, maugréa-t-elle en cachant du bras ses yeux agressés par la lumière du matin.

Son premier cours commençait dans une demi-heure. Elle avait quinze minutes de marche jusqu'au lycée et devait traverser toute la cour. Et elle devait encore se préparer. Une autre porte qui claque la fit sursauter. Tohru venait tout juste de partir, quelques minutes après Hayato. Mais le connaissant, elle savait qu'il avait boutonné dimanche avec lundi quand il avait enfilé sa chemise, et il avait certainement mal fait le nœud de sa cravate. Après réflexion, elle se dit qu'elle s'en fichait un peu, du moment qu'il avait pensé à mettre ses chaussures aux bons pieds. Tohru ne faisait vraiment pas attention à ce qu'il faisait.

Difficilement, la brune se hissa hors du lit et s'étira, puis se faufila sous la douche, sautant la case « petit-déjeuner » à grand regret. Elle régla le thermostat à la température la plus haute et ferma les yeux, tentant de se détendre. Dix minutes plus tard, elle traversait l'appartement à cloche-pied pour enfiler une de ses chaussettes en même temps qu'elle se brossait les cheveux. Une série de jurons franchit ses lèvres maquillées de rose tandis qu'elle cherchait ses affaires dans tout l'appartement.

— Saleté de cravate, pesta-t-elle en soulevant ses vêtements de rechange à la recherche de sa régate.

Avec ses mocassins noirs, sa cravate en soie mauve ornée du blason de l'école, était le seul élément de son uniforme à être fourni en un seul exemplaire, car son établissement estimait que ce n'était pas nécessaire d'en avoir plus. Et pourtant, le port de la cravate était obligatoire. Si jusque là, Naho ne s'était jamais posé la question, elle songeait actuellement à lancer une pétition au sein de l'école pour que les élèves soient tous approvisionnés en cravate de façon hebdomadaire. Cette même pensée la fit sourire, puis elle eut un flash : elle l'avait retirée la veille pour ce satané match de football. Elle avait repris son veston et avait complètement oublié sa cravate.

— 'Tain Tohru, j'te retiens avec tes idées débiles là, marmonna-t-elle.

Résolue à faire un détour par le Parc des Violettes, elle enfila ses mocassins et attrapa son sac à la volée, avant de verrouiller la porte de l'appartement. Avec une agilité surprenante, elle dévala les escaliers en colimaçon de l'immeuble et déboula dans le hall comme une furie. Elle passa en coup de vent devant sa voisine retraitée avec un « bonjour » lâché à la hâte, avant de sortir du bâtiment en trombe. Elle arriva au Parc essoufflée, mais déterminée à récupérer sa cravate. La porte grillagée du terrain lui résista quelques secondes, tant elle était fébrile à vouloir l'ouvrir, et elle dut s'y reprendre à deux fois avant de réussir à la faire coulisser. Ceci fait, elle se précipita en bas des marches puis vers le banc humide de rosée, qu'elle trouva, à son plus grand désespoir, complètement désert.

— Oh non. Non, non, non...

Son cœur se serra, puis ses yeux gris se posèrent sur un autre objet oublié sur place. Un ballon de football. À sa vue, elle fronça les sourcils, se remémorant bien les événements de la veille. C'était à cause de ce match qu'elle avait retiré sa cravate. De rage, elle frappa dans la balle qui fit ensuite trembler les grillages dans un bruit métallique.

— Football à la... commença-t-elle mais elle s'interrompit.

Son téléphone portable vibrait dans la poche de son veston et elle le sortit. Un message de sa meilleure amie, Rin, qui lui demandait où elle était. Un nouveau juron franchit ses lèvres et elle répondit au SMS rapidement, avant de reprendre sa course, cette fois en direction du lycée. L'idée de la pétition lui revint en tête et elle se dit que ce ne serait vraiment pas du luxe, d'avoir une deuxième cravate.

Sumire Koen ✧ au Parc des Violettes |IE|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant