⋅ Partie 9 ⋅

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Berge sud du lac Kawaguchi - 16h10

C'est dans un silence de plomb que Naho suivit Nosaka à travers le quartier, en direction de ce fameux « endroit mieux adapté ». La brune marchait à côté du joueur de l'Inazuma Japan et lui jetait, de temps à autre, un regard curieux, quand elle n'était pas occupée à regarder les environs.

Ils remontaient le boulevard qui longeait le lac Kawaguchi. Ce n'était pas une route très utilisée le week-end : à l'exception de quelques vélos et voitures, presque personne ne circulait. La chaleur de l'après-midi avait cependant éloigné les enfants de leurs consoles, jusqu'aux abords du lac dont l'eau mirait l'azur du ciel. Leurs cris de joie et leurs rires mêlés au faible battement des vagues sur le sable constituaient une mélodie typiquement estivale, qui ne cesserait qu'au mois de septembre, à la chute des températures.

Naho se décida à sortir de son mutisme quand elle constata qu'ils avaient déjà parcouru la moitié du boulevard, sans même qu'elle ne sût où ils se rendaient. Une question lui brûlait les lèvres depuis quelques minutes déjà.

— Où est-ce que tu m'emmènes, concrètement ?

Nosaka la regarda du coin de l'œil puis il esquissa un sourire narquois. Ce satané sourire, qui lui arracha un soupir.

— Sur un meilleur terrain. On est presque arrivés, ne t'inquiète pas.

Si elle fut surprise qu'il lui réponde avec autant de sincérité, elle ne le montra pas. Elle tiqua seulement quand il prononça la fin de sa phrase.

— Je ne suis pas inquiète, c'est bon... finit-elle par admettre en détournant le regard. Pourquoi on n'est pas restés au terrain du parc ?
— Parce qu'il n'est pas adapté.
— Oui, ça, j'avais compris, mais... en quoi il n'est pas adapté ?
— Il est en terre battue, ce n'est pas idéal pour jouer au football.

N'osant pas s'aventurer dans un domaine dont elle ne connaissait presque rien, la jeune fille préféra rester silencieuse. Après quelques longues secondes sans un mot, elle observa son compagnon de route en catimini. Il regardait droit devant lui, ses yeux gris fixés sur l'horizon, le visage serein. De ce point de vue, il avait l'air moins calculateur et irréel qu'à l'ordinaire, donc terriblement plus humain, ce qui ne manquait pas de décontenancer Naho. De plus, la lycéenne n'arrivait pas à chasser de son esprit l'image de tout à l'heure, quand il avait cédé ses bracelets à Kou et Natsu sans la moindre hésitation.

En y repensant, elle comprit alors que si les deux petits garçons l'avaient vue en compagnie du grand Nosaka Yuuma, Tohru serait forcément au courant d'ici les deux prochains jours. Et merde.

— J'ignore si tu connais cet endroit... reprit le footballeur après ce long silence, tirant ainsi la brune de ses pensées.

Ils venaient de déboucher sur un large parking bétonné. Des arbres le bordaient de toutes parts, masquant les infrastructures alentours, à l'exception de l'entrée et de grands escaliers immaculés qui menaient à un bâtiment au toit incurvé. Naho fit un tour sur elle-même pour balayer les lieux du regard, avant de refaire face à Nosaka.

— Non, ça me dit rien, avoua-t-elle en haussant les sourcils.
— Ce n'est pas très loin de chez toi pourtant.

La lycéenne fronça les sourcils, sous l'incompréhension. Comme si ça changeait quelque chose ? Elle nota également qu'il savait où elle habitait. Bien sûr, elle s'en doutait, mais le fait qu'il l'admette à voix haute ne la rassurait pas énormément.

— Donc tu m'as fait marcher dix minutes pour venir sur un parking ? s'étonna-t-elle.
— Pas vraiment. On va aller plus loin que le parking.
— Tu me rassures, lâcha-t-elle, non sans une pointe d'ironie.

Il commença à gravir les marches des escaliers et après un énième soupir, elle le rejoignit au pas de course. Sitôt arrivée au sommet, Naho profita de la hauteur pour mieux observer l'endroit où elle se tenait. À en juger les nombreux stades qu'elle aperçut – elle en compta trois mais était certaine qu'il y en avait d'autres encore, Nosaka l'avait amenée dans un complexe sportif. Cela ne la surprenait pas tant que ça de sa part, puisque selon les dires de Kou et Natsu, il était membre de l'équipe nationale de football. En revanche, ce qui la dérouta, ce fut les différents types de stade : il y avait à sa droite un terrain de base-ball ainsi que des courts de tennis et à sa gauche, par-delà les arbres, elle distinguait une piste d'athlétisme.

— Tu aimes la vue ? s'enquit Nosaka à ses côtés.

La brune se tourna vers lui et comprit alors qu'il lui parlait du lac Kawaguchi en contrebas, dont elle avait en effet une vue imprenable depuis le haut des escaliers.

— Ça va... souffla-t-elle en laissant son regard se perdre dans la contemplation du lac.

C'était presque aussi chouette que ce qu'elle avait la chance de voir depuis la fenêtre de sa chambre. Elle fut un instant tentée de l'emmener pour lui montrer – lui prouver – que la vue était bien meilleure chez elle, depuis sa fenêtre, avant de se rendre compte de ce que cela impliquait de l'inviter dans sa chambre. Bien qu'elle trouvât l'idée ô combien absurde, car cela n'arriverait jamais, elle la balaya aussitôt de son esprit.

— Il est où, ton terrain « mieux adapté » ? demanda alors la jeune fille en tâchant d'ignorer son embarras grandissant.
— Par ici, répondit le rouge en prenant le petit sentier de droite et elle lui emboîta le pas.

Le sentier longeait le bâtiment principal, qu'ils contournèrent pour déboucher sur un terrain de football perdu au cœur d'un bosquet. À mieux y regarder, la brunette comprit alors que ce bosquet n'était qu'une infime partie de la forêt Jukai, dernière barrière entre eux et le Mont Fuji. Néanmoins, bien que minuscule comparé à cette étendue de vert, le terrain lui sembla suffisamment immense quand elle posa le pied sur l'herbe synthétique.

— Voilà le terrain où on s'entraîne d'habitude, expliqua Nosaka.

Il scrutait Naho de son regard incisif, ce qui la fit tressaillir. Tout en s'efforçant de garder les idées claires, la brune se concentra sur les paroles de son interlocuteur. Nosaka et elle étaient seuls sur ce terrain, pas d'autre membre de l'équipe nationale à l'horizon, ce qui n'était pas pour la rassurer.

Sans un mot, le rouge s'empara d'un ballon dans une panière près du banc de touche, puis il se dirigea vers le centre du terrain. Une fois à destination, il se tourna à demi vers Naho pour lui adresser un sourire narquois.

— Tu viens ?

La demoiselle inspira longuement, paupières closes, puis se força à rejoindre Nosaka. La mâchoire serrée, elle se planta devant lui, complètement dépitée. Il eut un sourire suffisant, ce qui lui valut un regard plein d'amertume de la jeune fille, qui se mettait en place. Aujourd'hui, elle récupérerait sa cravate. Et demain, Nosaka Yuuma disparaîtrait de sa vie.

Sumire Koen ✧ au Parc des Violettes |IE|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant