La Marque

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Le lendemain soir, Drago attend sans succès un message d'Hermione. Il a à peine fermé l'œil de la nuit. Il repense à Highgate, à ce parfum providentiel perçu l'espace de quelques secondes. L'étreinte et la compassion de la jeune femme qui le soutenait. Toutes ces choses lui font du bien, mais il ne peut s'empêcher d'y associer une certaine mélancolie. Ces dernières sensations fulgurantes, avant de retourner à la nuit, et si c'était un peu comme le dernier chant du cygne ? Les ultimes soubresauts de ses sens avant de s'éteindre, définitivement ? Qu'adviendra-t-il de lui alors ?

Drago secoue la tête et s'efforce de retourner à son travail. Il n'accepte quasiment plus de nouveaux clients depuis que Granger l'a engagé. Ce soir-là, il peaufine encore et toujours les souvenirs de Jonathan et Edith Granger. Son rythme est plus rapide depuis qu'il a enfin rejoint les années Poudlard. Hermione voyait beaucoup moins ses parents à cette période-là. Seulement pendant les vacances, mais comme elle passait la majorité d'entre elles fourrée chez les Weasley...

Drago soupire. Il a beaucoup pensé à Weasley hier soir. Plus qu'il ne l'a fait depuis des années entières. Qu'est-il devenu désormais ?

Drago sait qu'il est Auror, qu'il travaille avec Potter au Ministère, comme il le désirait. Le duo inséparable œuvre toujours pour combattre les forces du mal. Ça prêterait presque à sourire. Drago ne sait pas vraiment ce qu'il éprouve pour Weasley aujourd'hui. A Poudlard, il n'a jamais réellement pris le temps d'estimer sa personnalité. Il le méprisait par réflexe, par principe. Leurs pères étaient ennemis, leurs familles étaient ennemies. Ils ne pouvaient être qu'ennemis eux aussi. Condamnés à se haïr par une sorte de loi naturelle inscrite plus profondément que la chair, dans l'histoire de leur nom et de leur lignée.

Quels sont ses souvenirs concrets de Weasley ? Un gamin rieur, ce qui déjà à l'époque suffisait à l'agacer. Un adolescent trop grand, trop maigre, trop maladroit. A des années lumières de ce que Drago considérait comme correct. Malin, malgré tout, à sa manière. Sa vivacité et son humour suffisaient à réveiller toute une classe. Son authenticité attendrissait le cœur de professeurs comme Minerva McGonagall. C'était ce qui avait touché Granger, également.

Drago soupire à nouveau. Si jamais on lui avait dit que dix ans après la bataille de Poudlard, il se retrouverait à revoir son opinion de son ancien ennemi, pour le libérer de tous ses défauts... Qu'est-ce qu'il avait pu être con à l'époque. Qui avait-il, lui, dans sa vie, lorsqu'il était jeune ? Crabbe et Goyle ? Aucun d'eux n'avait jamais été un véritable ami pour lui. Des laquais, tout au plus. Et ce n'était même pas de leur faute : encore une fois, c'était lui qui les avait traités ainsi. Qui en avait fait ses sous-fifres, toujours au nom de cette hiérarchie familiale que tous à l'époque tenaient pour sacrée...

Blaise Zabini ? Un Sang-Pur jusqu'au bout des ongles, jaloux du statut des Malefoy. Il ne traînait dans son sillage que parce qu'il le fallait, parce qu'il était la bonne société à fréquenter. En espérant dans l'ombre qu'il prendrait un jour sa place... S'il savait. Drago la lui aurait volontiers cédée.

Pansy Parkinson ? Une groupie. Une Serpentard mal née, attirée par la fortune, la gloire et la célébrité d'une vieille famille. Quand Drago repense à toutes les heures qu'il a passées avec eux... Tant de moqueries, tant de bavardages futiles, tant de vide. Des heures et des heures de vide. Si on lui demandait aujourd'hui de reconstituer la mémoire de sa propre vie, les quinze premières années ne seraient remplies que de cela : du vide. De la superficialité. Et de la méchanceté gratuite.

Dans les quinze premières années de Weasley, Drago en est sûr, il y a une famille, des rires, des amis, de la chaleur. Il y a Granger. Comment était-elle à l'époque ?

Elle aussi, Drago n'avait jamais réellement pris la peine de la juger. Il la haïssait encore plus profondément que pour son nom : pour son sang. Comment avait-il pu être aussi con ? Être aussi dur, obtus et fermé d'esprit ? Où serait-il aujourd'hui si Granger n'était pas revenue dans sa vie ?

Perfect Sense (Dramione)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant