Retrouvailles

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Hermione transplane dans un lieu qui lui est totalement inconnu. Elle se rend soudain compte qu'elle n'a jamais mis les pieds chez Ron, depuis qu'ils se sont séparés des années plus tôt. Elle sait qu'il s'est installé dans un quartier non loin du Ministère, bien sûr. Mais jusqu'à aujourd'hui, elle n'avait aucune idée de ce à quoi ressemblait le lieu dans lequel il vivait, ni comment il vivait.

La première chose qui la frappe, c'est l'odeur. L'endroit est submergé, embaumé, par l'odeur de Ron. Pour Hermione, c'est un vertige émotionnel qui la ramène des années en arrière, dans la chaleur douillette du Terrier, ou dans les salles de classe de Poudlard, lorsque le parfum de Ron venait discrètement se mêler au sien au détour d'un courant d'air. A l'époque, il lui arrivait de sourire pour de petits riens tels que celui-ci. Elle était capable de prédire si Ron se tenait derrière elle, sans même avoir à le regarder. Elle interprétait cela comme un lien spécial établi depuis toujours entre lui et elle, auquel elle avait prêté de plus en plus d'attention au fil des années. Comme le bouquet séducteur de l'Amortentia, l'odeur de Ron était pour elle un mélange d'herbe coupée, de bouillon de poule salé et de feu de cheminée. Quelque chose d'infiniment chaleureux, qui lui donnait envie de se blottir dans ses bras sans plus jamais le quitter. Cette odeur la rassurait. Elle lui rappelait une époque où sa vie était plus heureuse, même si la menace de Voldemort planait alors au-dessus de leurs têtes. C'était l'époque de Poudlard, le temps d'une relative insouciance, de découvertes de chaque instant. Même Ron et elle apprenaient encore à se découvrir, pris dans les émois de l'adolescence. Ils avaient toute la vie devant eux. Hermione avait encore ses parents.

Complètement déboussolée, la jeune femme se raccroche aux mains de Ron dans les siennes :

– Bienvenue, dit-il simplement de son sourire très doux.

Hermione regarde autour d'elle. Elle s'attendait à trouver quelque chose qui ressemblerait à Ron : un taudis mal rangé, avec des chaussettes sales éparpillées un peu partout, et des posters des Canons de Chudley sur tous les murs. Mais il semblerait que le temps soit passé par là ici aussi. Hermione se tient dans un petit salon, étriqué mais confortable, rempli de meubles qui paraissent sortir tout droit du Terrier : de gros fauteuils à carreaux rembourrés, un tapis moelleux aux motifs discutables sur un plancher d'acajou, et des étagères branlantes où s'empile un joyeux bric-à-brac de souvenirs familiaux. Étonnamment, l'ensemble est assez propre, et il y a des livres partout : par terre, dans la bibliothèque de travers, sur les fauteuils et la table basse. Le genre de désordre qu'Hermione voit aussi proliférer chez elle, et pour lequel elle ne pourrait pas vraiment tenir rigueur à Ron.

– Ça te plaît ? lui demande-t-il en constatant son air observateur.

– Beaucoup, lui répond Hermione. Ça te ressemble. En plus... sérieux.

Il se gratte la nuque d'un air gêné :

– Je suis Auror maintenant, tu sais. Je suis forcé d'être sérieux de temps en temps.

– Pas trop, j'espère.

Hermione lui caresse la joue. Tout dans cette pièce lui rappelle les années qui se sont écoulées entre eux. Elle voit à quel point Ron a changé loin d'elle, et cela lui brise le cœur de ne pas avoir été là pour y assister. Pour grandir avec lui, sans qu'ils ne deviennent étrangers. Est-il encore possible de tout rattraper ?

Ron semble lire dans ses pensées. Il la prend par la taille et appuie son front contre le sien, savourant l'instant.

– Je n'arrive pas à croire que tu sois là, lui avoue-t-il dans un souffle.

– Moi non plus.

Ils se sourient. Hermione en oublierait presque Malefoy. Elle oublierait presque tout le reste. La culpabilité palpite là, quelque part tout au fond de son esprit : elle n'a pas dit la vérité à Ron. Si elle se montrait honnête avec lui, il la rejetterait sans doute aussitôt comme il l'a déjà fait auparavant. Mais elle ne veut pas que cela arrive. Lorsqu'il commence à l'embrasser, avec une tendresse infinie, Hermione le ressent dans sa chair : elle est incapable de renoncer à ce moment. Pour rien au monde, elle ne voudrait le laisser lui échapper. Juste un peu, rien qu'un tout petit peu... Et advienne que pourra en suite. Cela fait trop longtemps qu'elle ne vit qu'en s'inquiétant de l'avenir. Rien qu'une fois aujourd'hui, Hermione a envie de se montrer égoïste. De vivre pour elle, dans l'instant présent, de cesser d'être raisonnable, et de se soucier des conséquences. Il y aura largement de quoi être triste plus tard. Tout de suite, elle est heureuse. Elle veut le rester. Une petite bulle de savon isolée de la surface de la Terre, prête à éclater...

Perfect Sense (Dramione)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant