Hermione fait transplaner Malefoy devant l'entrée de chez elle. C'est stupide, une marque de pudeur qui n'a pas lieu d'être, mais elle trouverait décidément trop étrange de le faire apparaître d'un seul coup au beau milieu de son salon. Avec un sourire timide, elle exhume les clés de son sac sans fond et déverrouille la porte. Elle-même redoute un peu ce qu'ils vont trouver. Cela fait plusieurs mois, plusieurs années peut-être, qu'elle ne passe plus ici qu'une ou deux fois par semaine. Le reste du temps, elle vit à l'hôpital auprès de ses parents. Elle ne se préoccupe plus beaucoup du ménage, ni des restes informes qui pourrissent dans son réfrigérateur. Elle ne les voit même plus. Lorsque l'on vit seul depuis aussi longtemps qu'elle, sans aucun souci de sa propre personne, le confort et les convenances deviennent vite les dernières choses qui nous préoccupent.
Hermione réalise ceci à mesure que le soleil révèle son appartement : un séjour étroit encombré de livres et de tapis, dans lequel elle a réussi par miracle à caser un piano droit ; de la poussière sur tous les meubles ; et une imposante collection de repas abandonnés au milieu de traités de médicomagie grands ouverts.
Hermione se racle la gorge d'un air d'excuse tandis que Malefoy, les traits encore tirés par son expérience des dernières heures, pénètre dans la pièce sans rien dire. Hermione se rassure en songeant qu'il serait bien le dernier à pouvoir lui faire des remarques sur son hygiène de vie, mais la réalité est plus triste : dans l'état dans lequel il se trouve, Malefoy est tout simplement trop épuisé pour remarquer quoi que ce soit.
En s'enfonçant dans le séjour, une première porte sur la droite mène à la cuisine, qui n'a plus servi à confectionner de vrais repas depuis des lustres, et une seconde donne sur un couloir exiguë au plancher tavelé. Le temps en a gondolé le bois clair, conférant au sol un aspect mouvant qu'Hermione a toujours apprécié. Il lui donne l'impression de vivre à l'intérieur d'une cabine de bateau ; une de ces magnifiques frégates anciennes du XVIIIe siècle.
Tout au bout se trouvent sa chambre, la salle de bain et la chambre d'amis. Elle n'a pas besoin de plus. Jusqu'à aujourd'hui, la chambre d'amis était même de trop.
– Voilà, dit la jeune femme en désignant le salon. Bienvenu dans mon modeste palace.
Malefoy sourit faiblement :
– C'est très bien.
Plus que jamais à cet instant, Hermione a pitié de lui. Il donne l'impression de pouvoir s'écrouler d'une seconde à l'autre. Elle se souvient de la terreur qu'elle a ressentie, en le découvrant tout seul dans l'obscurité de sa cave, hurlant à pleins poumons, les yeux en sang... C'est une vision qu'elle ne parviendra jamais à chasser de son esprit. Et les visions de Malefoy sont bien pires...
Hermione se racle la gorge, tachant d'éliminer sa gêne :
– Promis, je ne suis pas aussi crasseuse d'habitude... C'est juste que je ne reçois pas beaucoup, et que je ne passe pas beaucoup de temps ici non plus.
– Tu n'as pas à t'excuser. C'est déjà bien mieux que chez moi, et tu le sais.
– Certes. La compétition n'est pas bien rude cependant, tu dois bien l'admettre.
Elle tente un sourire, auquel il réagit à peine. Elle ne pourra sans doute rien tirer de lui tant qu'il ne se sera pas reposé :
– Je vais te montrer ta chambre, dit-elle en s'engouffrant dans le couloir grinçant.
Malefoy la suit comme une ombre. Ses pas réveillent à peine le sol capricieux, à croire qu'il pèse moins qu'un fantôme. Hermione le conduit jusque dans la seule pièce à peu près en ordre de l'appartement : une petite chambre dans des tons bleu pastel, à peine assez grande pour contenir un lit double et une grande armoire en chêne. C'est un peu austère, et définitivement poussiéreux, mais ce sera toujours plus confortable que le matelas défoncé de Malefoy à même le sol de terre battue.

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Perfect Sense (Dramione)
FanfictionA 27 ans, Drago Malefoy souffre d'une étrange maladie qui lui dérobe ses sens, l'un après l'autre, inéluctablement. Tandis qu'il s'enfonce de plus en plus dans la nuit, Hermione Granger, Médicomage, tente de lui venir en aide.