Obsolescence programmée [KookV]

Chapitre 23

Plus le temps passait et plus Jungkook s'attachait à son petit androïde. Ce dernier n'avait plus connu la moindre panne et étrangement, la vie était redevenue telle qu'il l'avait connue. Plus personne ne parlait de Hoseok (comme s'il n'avait jamais existé), l'iBC avait réussi à faire taire les ragots au sujet du désastre du gala, et plus rien d'anormal ne s'était produit depuis maintenant un peu plus d'un mois. C'était une ambiance étrange, profondément dérangeante pour Jungkook, mais personne ne semblait s'en formaliser, comme si tout ceci était absolument normal, comme si tout ce qui s'était passé avait déjà été oublié.

La société regardait vers l'avenir, comme toujours ; le passé n'y avait pas sa place, on ne ressassait pas les accidents, on les enterrait pour les oublier (comme tout le reste) puis on continuait sa route.

Alors pourquoi Jungkook, lui, n'arrivait pas à (et ne voulait pas) oublier ? Probablement parce qu'encore une fois, il n'était pas fait pour cette société.

C'était la mi-décembre et lorsque Jungkook se réveilla, il était aux côtés de V. Il avait pris l'habitude de dormir avec lui, toujours inquiet à l'idée qu'une nouvelle intrusion ne se produise.

Quoique, depuis les agents de l'iBC, Jungkook n'avait subi qu'une intrusion et c'était celle de ses parents qui étaient rentrés une nuit pour profiter d'un jour de repos. Ils étaient venus pour lui souhaiter une bonne nuit et l'avait trouvé dans le même lit que son androïde. Or, puisque la police les avait prévenus d'une tentative d'effraction chez eux deux semaines plus tôt, ils avaient immédiatement deviné que c'était pour se protéger que leur fils dormait avec V.

C'était vrai, mais pas exactement. L'utilité première était bel et bien le besoin de se rassurer : Jungkook dormait sur ses deux oreilles quand il dormait avec son androïde. Néanmoins... bon, eh bien il fallait l'admettre : V lui plaisait. Il n'attendait rien de son androïde, ce dernier ne pouvait après tout strictement rien ressentir. Alors il se contentait de ce que V pouvait lui offrir : de simples étreintes lorsqu'il ne se sentait pas bien, et dormir avec lui chaque nuit. Il n'avait jamais cherché plus, il n'avait jamais sérieusement songé à plus.

Après tout, V ne pourrait pas comprendre ce qu'était l'amour. L'amour, ce n'était pas quelque chose de théorique et qui pouvait s'apprendre, c'était quelque chose de bien plus profond. V avait tendance à tout ramener à la science et à la raison : si Jungkook lui parlait d'amour, lui il lui expliquerait ce que provoquait cette émotion dans le cerveau humain. Si Jungkook parlait de sentiments, V parlerait d'hormones, etc.

Il n'était pas conçu pour aimer ou être aimé. Il était conçu pour être serviable et apprécié comme on pouvait apprécier un ami.

Et un ami seulement.

V était le seul au courant de ses secrets les plus inavouables, il était son confident, celui qui était capable de le rassurer, celui qui le faisait sourire, celui... oui, celui dont il aurait dû savoir qu'il tomberait bêtement amoureux. Depuis le début c'était couru d'avance, pourtant il était resté aveugle, comme s'il avait voulu ignorer les sentiments qui naissaient peu à peu en lui. Il s'était précipité droit dans la gueule du loup avec une naïveté qui l'étonnait, et désormais il se retrouvait piégé par ses émotions, amoureux d'un garçon qui ne pourrait jamais le lui rendre.

Ainsi, ce matin ne fit pas exception et lorsqu'il vit le robot auprès de lui, il se posa la même question qu'à l'accoutumée : qu'est-ce que ça pouvait bien faire de se réveiller aux côtés d'une personne qui partageait ses sentiments ? C'était ça qu'il se demandait lorsque ses pupilles faisaient de V la première chose qu'il voyait chaque matin et la dernière chaque soir. Ils formaient un duo bien innocent...

« V ? »

À l'entente de son nom, le robot sembla sortir de sa torpeur et se frotta rapidement les yeux pour les ouvrir. Il sourit à son propriétaire et lui demanda ce qu'il attendait de lui.