S. O. S.

Chapitre vingtième

Levi était attablé avec ses amis. Tous étaient réputés pour avoir de mauvaises notes, un mauvais caractère, un comportement exécrable. En somme, ils étaient les cancres de la classe mais la risée des professeurs qui ne cessaient de les rabaisser. Ils étaient une bande d'amis unie, solidaire et téméraire. Rien ne les arrêtait, pas même le désir de pouvoir et la cruauté.

-Regarde qui voilà, dit l'un d'entre eux.

-La truie, répliqua Levi.

Une jeune fille aux formes généreuses avançait dans la cour. Elle avait les cheveux ramenés en une queue de cheval, de grosses lunettes rondes et noires, et un appareil dentaire. Depuis quelques temps, elle était devenue le jouet préféré de Levi et sa bande.

-Bouboule ! Comment tu vas, aujourd'hui ?

Elle sourit lorsque Levi apparut devant elle. Elle avait beau se faire maltraiter par lui, elle en était follement amoureuse.

-Bonjour, marmonna-t-elle.

Il secoua ses cheveux.

-J'ai une surprise pour toi, lui dit-il dans l'oreille. Rejoins-moi au hall sportif après les cours.

Elle hocha la tête vigoureusement. Elle était persuadée qu'il était un gentil garçon influencé par ses vils amis, elle voulait qu'ils tombent amoureux comme dans un film et qu'ils cachent leur relation aux yeux de tous. Hanji croyait dur comme fer que Levi éprouvait des sentiments pour elle qu'il ne pouvait assumer à cause de sa bande. Alors, elle ne réfléchit pas en acceptant ce rendez-vous. Elle n'avait aucune idée de ce qui se tramait dans son dos.

Heure convenue, lieu convenu. Hanji se tenait droite comme un piquet devant le bâtiment rénové qui se dressait devant elle. Elle pouvait déjà sentir l'excitation monter en elle. Elle fit un pas en avant, et la porte s'ouvrit sur une salle sombre. Personne à l'horizon.

-Levi ?

Sa voix résonna dans l'immense terrain multifonctionnel.

-Avance un peu, répondit-il au loin. Elle ne le voyait toujours pas mais exécuta son ordre.

Tout à coup, plus aucun bruit ne fit écho. La porte s'était soigneusement refermée derrière elle, elle se retrouvait alors dans le noir le plus complet, à la merci de ses harceleurs.

-Mange, bouboule !

Les lumières se rallumèrent et une dizaine d'hamburgers furent lancés à sa figure. Elle sursauta, tenta de s'échapper, mais Levi avait accouru derrière elle et avait placé ses bras autour d'elle. La scène avait été filmée par des étudiants qui avaient été conviés au spectacle.

Hanji ne mit plus les pieds à l'école les semaines qui suivirent. Elle resta chez elle, enroulée dans une couverture, au téléphone avec Sasha la plupart du temps.

-Je vais me suicider.

-Non, sois patiente ! Je vais te rejoindre bientôt et tout ça sera de l'histoire ancienne. Je vais te remonter le moral. Attends-moi, d'accord ?

Hanji renifla une énième fois et balança un autre mouchoir usagé au fond de la pièce.

-Je suis vraiment si grosse que ça ?

-Absolument pas. Si tu veux, quand j'arrive, je lui casse ses dents.

-Non, répondit Hanji. Ce serait se rabaisser à son niveau. Et puis, je n'ai aucune idée de quel lycée il aura choisi.

Sasha resta pensive un long instant. Elle était impuissante, à cette distance, et devait se résoudre à regarder sa meilleure amie pleurer toutes les larmes de son corps.

Levi, lui, ne pensa plus jamais à ses actes une fois le collège passé. Hanji était une simple inconnue qui avait amusé ses journées et il était passé à autre chose.

Il fut tiré de ses pensées par le bruit d'une sirène policière. Levi se redressa tant bien que mal, son corps lancinant, et tendit l'oreille. Il entendait assez bien les voix des personnes qui marchaient dehors et reconnut celle d'Eren. Il voulut crier, mais son bâillon l'en empêcha. Pourtant il le savait, la fenêtre était légèrement ouverte. Il fallait juste qu'il inspire le plus d'air que possible et qu'il le recrache avec toute la force que ses poumons pouvaient lui offrir.

De nombreux bruits de pas martelèrent contre le sol. Ça s'agitait. Levi se débattait, il tirait sur les cordes qui maintenaient ses mains dans son dos, mais il n'avait plus assez d'énergie que pour s'échapper. Il n'arrivait plus à réfléchir, également. Tout était flou devant ses yeux. Était-ce la fatigue ou des larmes ? Peut-être qu'il s'agissait d'un mélange des deux, après tout. Il se résigna après de longues minutes d'acharnement. Pourquoi appeler au secours ? Ils allaient le trouver. Il avait foi en Eren et son instinct.

Reiner investigua le domicile.

-Rien à signaler, lança-t-il à son équipe.

Bertholdt ordonna au reste des sous-officiers de fouiller les tiroirs.

-Ce genre de bâtiment contient des sous-sols, dit-il soudainement.

-Tout le monde descend !

Le sous-sol fut rapidement atteint. Chaque pièce fut ouverte dans le plus grand des fracas et fouillée. Aucune ne fit exception. Eren observait la scène, impatient, tremblant, dans les bras de Mikasa qui l'empêchait de s'effondrer. Il était très faible.

-Plus vite ! Supplia-t-il.

Il se dégagea de la prise de son amie et progressa dans le long couloir froid, une main collée au mur pour lui permettre d'avancer en toute sécurité. Il cria le prénom de son fiancé jusqu'à ce qu'enfin la brigade atteigne la dernière porte du sous-sol.

Levi entendait Eren l'appeler. Il voulait lui répondre mais son état l'en empêchait. Il se dit qu'en sortant de là, il foncerait à l'église pour marier Eren sur place. Il n'avait plus le temps, la vie l'attendait avec mille et unes surprises. Ils tiendraient une magnifique réception. Ils adopteraient de magnifiques enfants. Il pardonnerait Eren de ne pas avoir toujours été présent pour lui. Levi s'était décidé : il allait croquer la vie à pleine dent et se repentir de ses péchés.

Le crochet de la porte cliqueta.

Eren apparut devant lui, penaud, le teint blanchi mais les mains chaudes contre le corps froid de Levi qui ferma enfin les yeux après s'être battu de longues heures durant avec son propre esprit.