Chapitre dix-neuvième

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-Récapitulons, proposa Bertholdt en s'installant dans la salle de réunion, un énorme dossier à la main.

-Erwin est innocent, c'est indéniable, commença Reiner. Il nous a même plutôt bien aidé. Kenny n'a rien à voir avec cette histoire non plus.

-Je reste convaincu qu'Annie est coupable. Tu le sais, elle a un bon casier. Et si elle côtoie Ymir, alors, c'est la cerise sur le gâteau.

Reiner mit ses neurones en marche. Pour lui, quelque chose leur échappait.

-Et si, reprit ce dernier, c'était quelqu'un d'autre ?

-Il faudrait reprendre l'enquête depuis le début, alors. Tu suspectes quelqu'un ?

-Pas vraiment, j'étends juste nos possibilités. On pourrait suspecter Mikasa. Son mobile est simple : la jalousie.

Bertholdt s'étonna lorsque son collègue prononça ce prénom. Il n'y avait pas pensé et trouvait même cette piste assez osée et dérangée.

-Je t'apprécie, répondit Bertholdt, mais là, tu vas trop loin. Le temps passe et la vie de Levi est plus que jamais en danger. Bientôt, il aura disparu depuis six jours.

-On ne peut rien faire d'autre. Le labo analyse le cheveu récupéré sur le gilet, et l'équipe informatique essaie de retracer le message qu'Eren a reçu. On ne peut pas rester les bras croisés et attendre sagement, il faut qu'on continue les interrogatoires.

Annie fut appelée et amenée à nouveau dans la salle d'interrogatoire. Elle regarda les deux officiers avec un regard à la fois moqueur et irrité.

-Vous cherchez au mauvais endroit, réitéra-t-elle. Je ne suis pas la personne que vous voulez.

-C'est ce que tout le monde nous dit, lança Reiner en posant un pied sur la chaise. Il avait pris une pose ridicule, le coude posé contre son genou.

-Ce n'est pas mon problème.

-Pourquoi suiviez-vous Levi, ce soir-là ?

-Je ne le suivais pas, bon sang. C'est une simple coïncidence. Et pour dire vrai, je ne savais même pas que c'était lui qui était devant moi. Je ne le connais pas.

-Vos dernières recherches prouvent l'inverse, nargua Reiner en exhibant le portable d'Annie qui avait été réquisitionné lors de sa garde à vue.

Il fit défiler l'historique de recherche ; toutes indiquaient le prénom du disparu. Annie en fut mal à l'aise et baissa la tête.

-Ce n'est pas la même histoire, marmonna-t-elle.

-Il va nous falloir plus de détails.

Elle leur expliqua ses années au collège, son amour à sens unique, sa dispute.

-En gros, vous êtes têtue et refusez de lâcher l'affaire.

-On peut dire ça. Mais je le répète, ce n'est pas parce que j'aime Eren que je ferais du mal aux personnes à qui il tient. J'ai une conscience, tout de même.

-Vous n'aviez pas de conscience quand vous avez commis ces délits, reprit Bertholdt au plus grand étonnement de Reiner. Où était la compassion lorsque vous avez volé cette dame ? Et quand vous avez harcelé Eren ?

Annie s'avoua presque vaincue. Ils lui retournaient le cerveau à un tel point qu'elle commença à croire à son faux crime.

-Avouez-le, insista-t-il. Vous étiez jalouse de Levi et, ce soir-là, avec l'aide d'Ymir qui vous a fourni un petit sédatif, vous l'avez enlevé. Vous n'avez pas écouté ses cris étouffés et vous l'avez enfermé quelque part. Maintenant, dites-nous où.

Elle porta ses paumes à ses yeux et grogna dans ses mains.

-Arrêtez. Je ne suis pas un monstre.

-Vous pouvez maintenant aimer Eren, continua Bertholdt sur un ton agressif.

Annie se mit à sangloter frénétiquement. Reiner observa la scène, impuissant face à la montée de colère de son collègue.

-Vous vous faites passer pour une petite femme fragile et douce mais vous êtes une criminelle, chuchota Bertholdt, au creux de l'oreille de la suspecte.

-Arrête.

Reiner prononça ce mot en posant sa main sur le bras de Bertholdt.

-Tu t'emportes.


Levi parvint à s'extirper de son lourd sommeil. Il était de nouveau seul dans cette pièce, mais cette fois-ci, ses yeux étaient restés dénués de tout tissu. Il pouvait profiter de sa vue. Ses mains étaient fermement attachées, le limitant dans chacune de ses actions.

Il repensa aux évènements de la veille. Sasha connaissait Hanji. Elle qui était la grande amie d'Eren un temps était désormais devenue son bourreau. Pourquoi ? Que lui reprochait-elle ? Les évènements n'avaient aucun lien entre eux, du moins pas aux yeux de Levi. Il comprenait néanmoins à peu près pourquoi Hanji lui en voulait ; elle était celle qu'il avait harcelée durant le collège avant son déménagement. Il se souvint des mots tranchants qu'il lui avait adressée, des coups bas, des plans foireux pour la blesser mentalement et physiquement. Il s'en voulut et ne tarda pas avant de fondre en larmes. Esseulé dans cet endroit sale, humide et répugnant, il se haït de tout son être tandis que son corps lui provoquait des douleurs toutes aussi atroces les unes que les autres. Il s'en doutait ; il n'allait pas faire long feu.

La nuit était déjà tombée depuis quelques heures. Reiner et Bertholdt étaient toujours dans la salle de réunion, des feuilles éparpillées sous leurs yeux afin qu'ils tentent de défaire les nœuds qui s'étaient immiscés dans l'enquête. Ils étaient exténués, poussés à bout par cette affaire qui ne trouvait pas de fin.

-Il faut absolument obtenir un mandat pour fouiller le domicile d'Hanji.

Bertholdt se réveilla un peu en entendant cette proposition qui résonnait plutôt comme un ordre.

-Tu es borné, dit-il. Attends les résultats du labo.

-Annie est innocente. Regarde, le caissier nous a affirmé qu'elle était passée par là. Et les caméras de l'hôtel dans lequel elle logeait montrent bien sa présence dans les minutes qui ont suivi la disparition de Levi. Elle disait vrai : elle ne faisait que passer par là.

-On n'a pas assez de preuves contre Hanji. Le juge n'acceptera jamais de nous fournir ce mandat.

-On trouvera, le rassura Reiner.

Sept jours. Eren barra au calendrier le septième jour qui s'était écoulé depuis la disparition de Levi. Le soleil se leva, lentement, révélant des couleurs chaudes dans le ciel qui accueillait l'été. Un étrange sentiment naquit dans sa poitrine.

Hanji fut réveillée de force par d'énormes coups envoyés contre sa porte d'entrée. Elle ne se dépêcha pas pour se lever, elle ne s'habilla pas, elle ne remua même pas un petit doigt. Elle se contenta de sourire, les yeux humides, le cœur apaisé.

Sa porte fut défoncée.

Elle brisa son téléphone avec le marteau qu'elle gardait caché sous son canapé-lit.

-La fin est venue, chuchota-t-elle. Désolée, Sasha, de ne pas avoir été à la hauteur.

Hanji ne broncha pas lorsque Reiner lui passa les menottes aux poignets. Eren était là, les bras lâches le long de son corps, les yeux ronds et la bouche-bée.

-Pourquoi ? Cria-t-il.

Elle baissa les yeux.

-De tout le monde, pourquoi toi ? Réponds-moi, pourquoi ?

-Le désir de vengeance te nique le cerveau, répondit-elle dans le plus grand des calmes.

S. O. S.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant