Aziar #Lui et l'autre monde (Terminé "Nouvelle version")

Chapitre 8

— Pincez-moi, je rêve, soufflé-je, en me laissant tomber une fois de plus sur ce fauteuil moelleux.

Ce dernier risque d'être élu le fauteuil des confidences à l'avenir. Mais bon sang, dois-je penser que tout ce que contiennent les contes pour enfant puissent être vrais ? Cet homme m’a pourtant semblé tout à fait normal. Bizarre, c’est certain vu ce qui me tombait dessus lorsque j’ai dû lui faire face à la traversée de ce mystérieux passage, mais tout à fait banal. Même si ce terme est loin de définir ce genre de personne tant il est intense.

— C'est la réalité Jildaza, me confirme Soazig.
— Donc si je comprends bien, Kenan est un loup-garou ? C'est ce que ça veut dire, on est bien d'accord ?
— C'est ça. Il est un lycanthrope, chez nous les Aziariens. Ici en Bretagne, il est plus connu sous le nom de Bugul-noz.
— Un Bugul-noz ?
— Exact. Il te faut savoir que les portails, servant de passage dans cette dimension, sont tous et uniquement présents en Bretagne. Fut un temps, les créatures de notre monde étaient libres de traverser ces portails. C'est pourquoi la Bretagne recèle d'autant de légendes, m'explique Bleuenn.

Des créatures, songé-je. Alors c’est un fait, les histoires que l’on peut conter dans ce monde sont aussi vraies que l’air que nous y respirons. Néanmoins, je me demande bien desquelles nous parlons. S’agit-il de celles que nous connaissons tous grâce aux écrits fantastiques ? Ou s’agit-il d’êtres totalement différents et inconnus ?

— Légendes, d'où les personnages ou créatures qu'elles regorgent, existent réellement puisqu'il s'agit d'Aziariens, ajoute Soazig.

Je m’interroge sur les légendes auxquelles elle fait référence, car j’ignore s’il s’agit de celles n’appartenant qu’à la Bretagne. Nombre de régions en France ont leur propres histoires. Il n’est pas impossible que ce soit quelque chose n’étant rattaché qu’à cette partie du pays. Vu ce qu’elle a pu m’apprendre concernant Ankou, c’est tout à fait envisageable, car cette dernière est une légende propre à la Bretagne.

— Un jour, la crise des légendes a éclaté et notre peuple a dû se résoudre à fermer ses portails pour le bien de notre monde et que son existence reste cachée des humains. En ce qui concerne le Bugul-noz, pour les Bretons, il s'agit d'un esprit de la nuit qui atteint l'apogée de son pouvoir à minuit, et fréquente les bois et les chemins sous la forme d'un loup-garou. Il emporte les enfants en les cachant dans son chapeau, m'éclaire Tante Bleuenn en me citant un pan de cette légende.
— Donc, il reste toujours des traces de ces créatures venant d'Aziar.
— Oui, tout un tas. Quelques-uns ont réussi à rester cachés.

C’est incroyable ! Toutefois, il me faut à la fois rester concentrée en tempérant cette partie de mon esprit me criant que c’est totalement fou et me montrer raisonnable. Enfin, autant soit peu vu ce que ces aveux recèlent. Des créatures sont apparemment bel et bien présentes, mais cachées.
Dans un réflexe, je fouille du regard les recoins de la pièce surchargée d’œuvres littéraires en tous genres et objets anciens dont j’ignore complètement leur fonction. 

— Mais comment ?
— Certaines des créatures se dissimulent assez bien, au fil du temps, elles ont su acquérir l'art de passer inaperçues. D'autres sont dispersées au milieu des humains, si bien qu'un terrien ne les distingue pas et ne peut noter aucune différence, vu que nous avons la même apparence.
— Vraiment ?
— Pourquoi crois-tu qu'il y ait autant de cons dans la politique ?!
— Tu plaisantes ?! m'exclamé-je.
— Je t'assure que non. Ce sont des Aziariens qui, nés dépourvus de pouvoirs et se sentant inutiles, ont décidé de quitter Aziar pour cette dimension où ils crachent leurs complexes sur la population en agissant comme des crétins et ragotant tout un tas de débilités.

Je prends le temps d'intégrer tout ce que cela veut dire. Que ce soit l'une ou l'autre, elles comprennent mon besoin d’avoir quelques minutes pour accuser le coup. Je prends conscience que les lycanthropes existent et que Kenan en est un. Il semblait tellement humain… Ce dont je fais part à Soazig et Tante Bleuenn.