Chapitre 34

1.6K 161 16
                                    

Jildaza

Nous sommes éjectés de la tornade que forment les corbeaux de Viviane. Durant une seconde, une part en moi pense qu’il peut s’agir là d’un coup foireux de cette dernière. Qui sait ? Nous envoyer ici pourrait très bien faire partie du marché qu’elle a passé avec mon père. En se débarrassant de nous, cela lui offrirait le pouvoir de peut-être régner sur Aziar aux côtés de mon paternel.
Mais non, ça ne colle pas. Vu que Merlin et moi sommes également démons, nous pouvons parfaitement fouler ces terres de souffre que je découvre pour la première fois en y atterrissant dans une sorte de crissement.
Le sol est outrageusement asséché sous nos pieds et nos pas brisent les morceaux de la terre craquelée. Du rouge aux nuances oranges, voire jaunâtres par endroit, il représente bien ce que l’on peut imaginer des Terres Infernales. Elles portent bien leur nom.
J’ai l’impression d’avoir atterri dans une autre dimension. Que ce soit le sol, le ciel et les alentours, il ne semble n’y avoir aucune limite tant les couleurs de ces derniers sont semblables. C’est comme si la terre ne prenait jamais fin, comme si le ciel et elle faisaient partie de la même surface. Cela procure une certaine inquiétude.
Cette partie d’Aziar fait froid dans le dos en offrant pareil spectacle de désolation avec ses allures de fin de monde où seule la souffrance semble régir de tous ses pores éventrés en des failles si profondes que le fond nous est imperceptible. Sans compter les effluves qu’elle dégage, mais qui ne m’atteignent pas.
Seuls des démons peuvent respirer l’air de ces terres de souffre.
Nous suivons les corbeaux qui ont été commandité par leur maîtresse, Viviane, de nous faire apparaître à l’endroit même où sont censés se trouver ma mère et Kenan, si Merlin et sa bien-aimée ont bien visé concernant le lieu supposé détenir mon âme-sœur.
Nous parcourons la zone rougeâtre menaçante où des tornades se forment de nuages rouges causés par la couleur de ce sol diabolique. Quelques éclairs frappent de-ci de-là prouvant que le ciel est chargé d’électricité statique. Nous sommes, à n’en pas douter, au plus proche du vide sidéral régnant après nos dernières frontières.
Mon cœur est fendu à l’idée que ma mère se trouve ici depuis toutes ces années où je la croyais éteinte. Seule, abandonnée… Je n’imagine pas sa dose de courage à avoir pu contrer cette solitude terrifiante en gardant espoir. Il faudra que je comprenne aussi comment elle s’y est prise pour survivre dans de telles conditions, car à part avoir à portée de main une fontaine de Jouvence, je sais qu’il n’y a pas d’autres solutions pour entretenir son immortalité.
Mais lorsque je vois le paysage qui se tient devant et autour de moi, j’ai bien du mal à penser que cela ait pu être une possibilité que d’y avoir eu recours.
Soudain, Merlin pointe du doigt les corbeaux.

─ Regarde, ils se sont enfin arrêtés, m’indique-t-il.

En effet, ces derniers tournoient au même endroit. Mon cœur s’accélère.

─ Vite ! Fonçons ! m’écrié-je. Ce n’est sûrement pas eux, ils ne tiendraient pas à la surface à cause de l’air saturé de souffre.
─ Peut-être ont-ils tenté une échappatoire, lance-t-il en pressant le pas à mes côtés.

Je le dépasse et sprinte jusqu’à une masse sombre qui devient deux silhouettes lorsque les corbeaux s’écartent à mon arrivée. Non ! pensé-je, épouvantée. Merlin arrive à ma hauteur tandis que je tombe à genoux à côtés de Kenan et ma mère. Leur bouche est entrouverte et asséchée. Leurs traits tirées et poussiéreux. Et mon Dieu ce que l’état de ma mère est préoccupant. Il l’est tant que je peine à la reconnaître.
Je ne perds pas de temps et extirpe la fiole de ma cape que je m’empresse de décapuchonner.

─ Aidez-moi à soulever leur tête, sollicité-je Merlin.

Je leur verse ensuite de l’eau de Jouvence entre leurs lèvres, chacun leur tour, et attends une réaction de leur part. Kenan ouvre aussitôt les yeux, vif comme les éclairs frappant le sol à divers endroits, tandis que ma mère papillonne des paupières avec beaucoup plus de mal alors que sa respiration rauque m’inquiète.

Aziar #Lui et l'autre monde (Terminé "Nouvelle version")Où les histoires vivent. Découvrez maintenant