Kenan
J’atterris brutalement sur un sol dur et poussiéreux m’arrachant un gémissement de douleur suivi d’une quinte de toux. Bon sang ! L’air est irrespirable. Quelle odeur ! Cette dernière, pestilentielle, donne la nausée et irrite ma gorge.
Affalé sur la terre que je découvre asséchée à l’extrême, craquelée et rouge, je me hisse sur mes mains et lève mon visage sur l’endroit qu’a choisi Gildas pour finir mes jours.
Une terre de désolation. Peut-être même l’enfer. Ça en a l’allure dans tous les cas. Et ce que j’imagine les émanations. Enfin, je ne suis peut-être pas objectif vu les nombreuses tempêtes de sables rougeâtres qui ne cessent de prendre forme en des tornades menaçantes de-ci de-là et me dissimulant le reste du paysage.
D’ailleurs, l’une d’elles approche dangereusement de ma position en zébrant les nuages pourpres d’éclairs frappant ensuite la terre désertique avec fracas.
Alors que je tente de me relever, mes pieds dérapent et je suis attiré dans le vide. Je chute sur plusieurs mètres de profondeurs dans la faille abyssale sombre qui se trouvait derrière moi et que je n’avais pas vu.
Je tombe et me cogne entre les cavités rapprochées jusqu’à nouveau atteindre le sol dans un bruit sourd. De la roche me réceptionne, empirant mon état. Un craquement dans mon bras retentit sous le choc et m’arrache une plainte.
Je grogne en roulant sur moi-même afin de me relever et d’évaluer les dégâts. Je sens ma guérison de lycanthrope opérer, ce qui est plutôt encourageant. Soulagé, je soupire d’aise lorsqu’elle tarit la douleur et en retrouvant ma liberté de mouvements. Nulles menottes ensorcelées.
Légèrement rasséréné, je tente aussitôt de communiquer mentalement avec Jildaza. J’ai beau me concentrer, c’est un cuisant échec. Une sorte de bourdonnement m’assourdit à chaque tentative, c’est comme si ces lieux étaient brouillés. Satané Gildas, maugréé-je au fond de moi.
Excédé, je pousse un grognement qui se termine en hurlement rageur. Lorsque l’écho de mon explosion s’éteint, en m’apprenant, par la même occasion, que je me trouve très certainement non loin d’une grotte, un bruit étouffé me parvient. Je suis sûr qu’il serait passé inaperçu à l’ouïe de quiconque, mais pas à moi.
Mes sens affûtés de loup me permettent d’entendre ce genre de choses pouvant paraître imperceptibles. Je me concentre, l’oreille aux aguets, prêt à prendre ma forme lupine, sur des pas. Ces derniers sont désordonnés, lents, ils raclent le sol. Peu importe de qui il s’agit, je peux d’ores et déjà avancer que cet être est affaibli à l’extrême, à l’article de la mort.
Tandis qu’il est désormais proche de moi, je fixe l’étroit passage dans lequel j’ai atterri et qui sinue entre les roches noires aussi humides et glaciales que l’extérieur, au-dessus de ma tête à plusieurs mètres, est sec et étouffant.
Je soutiens l’obscurité où s’enfonce le sentier sans cligner des yeux, quand enfin une main apparaît. Frêle, striée de saletés, elle s’agrippe avec mal contre la paroi et la silhouette à laquelle elle appartient, sort enfin des ténèbres.
Il s’agit d’une femme. Elle se trouve dans un état déplorable. Mon cœur se serre à cette seule vue. Par réflexe, je hume l’air et me fige de stupeur : Isobel !
N’en croyant pas mes yeux, je me précipite sur elle et la cueille dans mes bras tandis qu’elle s’apprêtait à s’écrouler d’une seconde à l’autre. Cette dernière laisse sa tête dodelinant, se caler contre ma poitrine sans parvenir à paniquer qu’un étranger puisse la toucher. Aucune réaction. C’est dire combien son état est préoccupant.
Je la porte sur quelques pas et trouve une roche assez plate pour l’y déposer précautionneusement. J’appuie l’arrière de sa tête contre la roche et dégage son visage de quelques mèches humides et gelées. Sa peau est aussi glacée que les parois rocheuses. Elle est frigorifiée, vêtue de ce que je devine devait ressembler à une robe longue légère et blanche. Désormais, elle est en lambeaux, boueuse et suintante.
Soudain, ses mains agrippent mes avant-bras. Elles sont tellement abîmées… Les ongles sont cassés, des cicatrices déforment la peau fine des doigts et la noirceur de la salissure dessine plusieurs coupures sur ces dernières.
Gildas croit sa femme morte. Il pense qu’elle a rendu son dernier souffle de vie le jour où il l’a envoyée croupir ici, pensant s’en débarrasser à tout jamais. Je me réjouis qu’il se soit autant fourvoyé sur la ténacité de son âme-sœur.
Je penche la tête vers la mère de Jildaza afin de capter son regard qu’elle a bien du mal à stabiliser sur moi car ses paupières paraissent ne pas vouloir coopérer tant elle est épuisée. Comment diable a-t-elle survécu tout ce temps ?!
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Aziar #Lui et l'autre monde (Terminé "Nouvelle version")
RomanceJulia est une jeune mère de famille, sous l'emprise d'un homme cruel, et père de son enfant. Elle décide enfin de se sortir de cette vie misérable et chaotique, et quitte le domicile conjugal. Après avoir déménagé chez sa tante, un brin loufoque, en...