XVIII

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Pvd Katsuki :

Le pendule du salon faisait un bruit infernal. Il s'était toujours fait discret pourtant, mais aujourd'hui devant les sept personnes se faisant face dans un silence de mort, il devenait insupportable. Trois mois, cela faisait trois mois et il n'y avait plus d'autre solution, il fallait garder l'étrange petit être qui grandissait en moi. Et maintenant que tout le monde avait été mis au courant, de manière tout à fait terrible d'ailleurs, il fallait savoir qui allait s'en occuper.

C'était ce qui expliquait la présence des deux directrices de Hanka Entreprise dans notre salon, et d'Eijiro entre elles deux, abattu. Nous avions échangé quelques messages, ou plutôt il m'avait envoyé milles excuses pour ce désastre dont je ne lui tenais même pas rigueur. J'aurais voulu mieux lui répondre, le réconforter, mais j'étais tellement perdu et surtout, même si ma famille et lui essayaient de m'épauler je me sentais tellement seul.

Même en seconde je n'avais pas vécu cela, cette impression d'être enfermé dans un autre corps qui changeait sans qu'on le veuille, qui se déformait contre notre gré. Et l'idée de porter un fardeau trop lourd... même en ayant du soutient, je n'arrivais pas à le vivre autrement que comme une douleur interne que moi seul pouvait sentir. C'était mon enfant, mon démon, mon monstre, mon ventre, mon purgatoire. Et le voir vivre et crier pour la première fois dans un hôpital serait le début de mon enfer.

Le pendule cessa de crier et Sekai Kirishima, la plus grande des deux, prit la parole.

- Je suppose que comme nous vous tombez des nues quant à cette nouvelle.

Il avait été convenu que mon père, le plus diplomate de la famille, serait le seul à parler. Il hocha la tête d'un air grave.

- Nous avons appris l'existence de cette grossesse en même temps que vous, oui. Et dans les mêmes circonstances.

"Grossesse". Je haïssais ce mot, il était si caractéristique du mal-être qui me taraudait depuis deux mois. La sensation d'être lourd, gros, laid, sale et de trimballer cette chose vulgaire à la vue de tous partout où j'allais... Je jetai un coup d'oeil à mon ventre, il était pourtant presque plat sous le T-shirt que je portais, peut-être très légèrement enflé comme si je venais de manger, mais cela semblait si naturel, et pourtant j'avais envie de le charcuter tous les soirs.

- Bon, nous allons aller droit au but. Nous voulons qu'Eijiro n'aie rien à voir avec tout ça. Cet enfant vivra puisque de toute façon c'est trop tard, mais ça ne nous concernera pas.

Elle me jeta un regard mauvais comme si j'étais en faute alors que c'était son propre fils qui m'avait suggéré cette solution et aidé à prendre cette décision.

- Bien sûr nous vous verserons une pension si vous le souhaitez mais n'attendez rien de plus de notre part.

Ma mère bondit du canapé, les poings serrés de rage. Je l'imaginais tout à fait capable de gifler cette grande dame, du haut de son mètre cinquante-six et de son boulot de secrétaire.

- Ah parce que vous pensez vraiment que votre fils n'a rien à voir là-dedans ? Il fait être deux pour concevoir un enfant ! Il est normal qu'ils soient deux à s'en occuper !

- Non, les omégas sont réputés incontrôlables, et si j'en crois ce que m'a raconté mon fils, il n'aurait pas pu prévoir ce "dérèglement hormonal" contrairement au votre...

Je serrai la mâchoire et mon père dut intervenir pour empêcher sa femme d'enjamber la table basse et donner un bon coup dans le nez de Madame Kirishima. Je le savais que c'était de ma faute, pas besoin de me le rappeler de cette manière... J'osai poser les yeux sur mon petit ami, il riva immédiatement son regard dans le mien comme s'il n'avait attendu que cela. Ses lèvres frémirent en secouant la tête, il était facile d'y lire "J'ai jamais dit ça". L'autre femme que j'avais pourtant trouvé sympathique pendant l'été lui attrapa le bras fermement et lui glissa un mot à l'oreille. Ses yeux quittèrent les miens instantanément.

Eux, Nous, Ce Monde de Merde [KiriBaku]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant