Au début, nous mangeons en silence. Difficile de lancer la conversation alors que les deux seules choses que je veux lui demander c'est s'il est gay et s'il est célibataire. Je me vante souvent d'avoir un gaydard, qui me permet de repérer qui l'est ou pas. Mais je crois que ces derniers temps il est cassé, parce que chaque fois que je vois un beau gosse j'imagine qu'il est gay, juste parce que j'aimerais bien. Mais bon, dans la réalité tous les beaux gosses ne sont pas gays et je ne peux de loin pas tous les avoir. Alors nous abordons des sujets plus simples, comme les études qu'il a faites, ses jobs précédents, ses passions dans la vie. C'est important aussi de découvrir l'autre et je veux en connaître un maximum. Il est fumeur, et ce n'est pas un détail. Il a tenu toute la matinée sans clope parce qu'il n'osait pas prendre une pause. Est-ce que je suis si impressionnant ? Je n'ai pas le sentiment d'inspirer le respect. Bref, je le laisse faire une pause après le repas, j'attends qu'il revienne dans le bureau pour continuer la formation.
Je dois dire que dans ce monde il y a quand même beaucoup de beaux gosses. Sans doute selon mes propres critères, mais la compétition est rude. Quand je regarde tous ces beaux mâles je ne me sens pas à mon aise. Moi j'estime que je ne suis que moyen. J'ai déjà rancardé des très beaux spécimens, des relations qui se sont rapidement terminées. Sans doute parce que je ne suis pas à la hauteur. Je ne devrais pas cibler les mecs que je considère comme vraiment magnifiques. Il faudrait certainement que je me contente de types moyens, comme moi. Ce qui éviterait le risque de me faire tromper toutes les cinq minutes. Enfin, sans doute que mon raisonnement est débile, inutile d'être ultra beau pour avoir des envies de coucher à droite et à gauche. Je me demande ce que les autres pensent de moi. Parfois j'aimerais pouvoir arrêter les gens dans la rue et leur demander comment ils jugent mon physique.
Je sais, c'est un peu débile. Mais jusque-là je n'ai eu les avis que de mes parents, qui évidemment m'ont toujours dit que je suis beau. De mes amis, qui ne vont pas me balancer qu'ils me trouvent moche. De mes petits copains qui, pareil, n'allaient pas dire que je suis rebutant. En fait, nous ne recevons jamais un avis impartial sur notre physique. Même moi je ne peux pas réellement me juger. Parce que dans le miroir je ne vois pas seulement un physique, je connais tout de moi. Mes bons comme mes mauvais jours. La tête que j'avais à l'adolescence avec l'acné et à quoi ressemblait mon corps quand j'avais trente kilos de plus. J'ai trop d'images de moi dans la tête pour me poser devant mon reflet et avoir la capacité de l'observer de manière totalement impartiale. J'aimerais qu'un ou même une inconnue m'arrête dans la rue et me dise que je suis beau.
Mon collègue revient. Il pue la clope mais ce n'est pas bien grave. J'ai tendance à pardonner pas mal de choses à un beau gosse. C'est injuste, mais la société est comme ça. Nous allons passer l'après-midi devant l'ordinateur. Je ne sais même pas si je suis un bon formateur. Le chef ne m'a pas donné de délais, en combien de temps le nouveau doit-il être autonome ? Il semble apprendre vite, c'est déjà pas mal. La journée est passée rapidement. Maintenant j'ai une belle motivation pour venir au travail. Au moment de se dire au revoir j'essaie de capter un indice, pour savoir si quelqu'un l'attend à la maison ou non. Rien ne transpire, il veut garder sa vie privée et c'est tout à fait compréhensible. Moi il faut que je travaille sur mes hormones, parce qu'après des heures passées à quelques centimètres de ce beau gosse mon boxer est trempé et taché. Est-ce que c'est vraiment désagréable ?