Sur le quai et dans le métro, je croise plusieurs mecs qu'à une époque j'aurais considéré comme des beaux gosses. Je les trouve toujours jolis mais sans plus. Je n'éprouve plus aucune pulsion lorsque je les vois. Je m'attache plutôt à regarder la manière dont ils sont habillés, coiffés, rasés. Ce sont simplement des informations pour prendre exemple et rester mignon moi-même. Parce que j'ai une nouvelle responsabilité : celle de continuer à plaire à mon homme. Ma plus grande peur est qu'il se lasse de moi. Je suis bien placé pour savoir qu'être beau ne suffit pas. Il y a des centaines de mecs canons que l'on peut croiser partout dans la rue, dans les transports, au sport ou au travail. Je sais que l'apparence n'est pas ce qu'il y a de plus important, pourtant il faut quand même un minimum pour rester beau aux yeux de celui qui m'aime. Et surtout, je veux qu'il soit fier de moi, fier de marcher à mes côtés, fier de me présenter à ses amis. Comme moi je suis fier de lui...
À la salle de sport, depuis que je suis en couple, j'ai recroisé tous les mecs que je considérais comme des beaux gosses. Aujourd'hui, ils sont juste des mecs parmi les autres adhérents. Eux n'ont pas changé du tout, c'est moi qui me suis transformé. J'ai un nouvel étalon de valeur : mon petit copain. Et comparés à lui, les autres ne sont que moyens. L'homme le plus beau est celui que j'aime, le reste fait partie du décor et est tout au plus agréable aux yeux. Dans les vestiaires, je les croise torse nu ou plus. Je regarde toujours, mais juste pour me comparer. Une fois encore, ce ne sont que des exemples. Et en les voyant je me dis, non plus que je voudrais consommer tel ou tel corps, mais que moi-même je voudrais avoir de jolis abdominaux et de beaux petits bras musclés. Une fois de plus pour plaire à mon homme, qu'il continue à me désirer, que jamais il ne cesse de me trouver magnifique.
Avec mon collègue de travail, les relations sont devenues juste cela : du travail. Il est toujours aussi beau dans son costume qui dessine bien ses formes. Il est toujours aussi gentil. Mais il ne provoque en moi plus aucune envie, plus aucun désir. C'est simplement agréable de l'avoir comme collègue, parce que je préfère quand même un beau jeune homme qu'une vieille défraîchie. Mais à part ça, la gêne a disparu, simplement parce que je n'ai plus aucun fantasme à son sujet. Nous discutons normalement, du travail, de nos vies, il n'y a plus cette barrière invisible entre nous, celle de la tentation. Lui aussi a senti le changement, immédiatement. Il a compris que je suis en couple, sans doute parce que mon regard et mes attitudes se sont modifiés.
Je ne pensais pas que le changement serait aussi brutal. Du jour au lendemain, tous les beaux gosses ont disparu de la surface de cette terre. Il n'en reste plus qu'un, celui que j'aime. Et le mieux dans tout ça, c'est que même s'il n'est plus un anonyme, je le trouve toujours aussi beau, désirable, il est le seul à peupler mes fantasmes. Plus j'apprends à le connaître, plus je le trouve beau...