Le temps que j'ai passé devant ma webcam m'a un peu remonté le moral. Mais est-ce que je peux vraiment me fier au jugement d'un mec déjà surexcité qui a juste envie de se soulager en direct avec un autre ? Je sais, je ne suis jamais satisfait. La diffusion n'était pas privée, du coup plusieurs autres internautes ont commencé à me mater. Une vingtaine de personnes en tout, ce qui est déjà pas mal. Je suis rassuré de n'avoir eu que des bons commentaires. D'après ce que j'ai pu lire mon corps n'est pas aussi dégoûtant que je le pense. Mais encore une fois, à l'autre bout de la fibre il s'agissait de mecs déjà excités. Je connais bien cet état qui fait qu'on finit par trouver des qualités à n'importe quel corps, pourvu qu'il s'expose nu. C'est quand même flatteur et je comprends mieux pourquoi temps de personnes branchent leur webcam. C'est une manière de se rassurer grâce au jugement des autres. Parce qu'au final, beaucoup se sentent seuls...
Sur le quai du métro, je croise le beau gosse qui me fait fantasmer. Enfin ils sont nombreux à affoler mes sens... Nous montons dans la même rame, pour une fois je ne fais pas exprès. De toute façon j'ai perdu tout espoir, je n'oserai jamais l'aborder et lui ne viendra pas vers moi, je ne dois pas être à son goût. Au bout de deux stations je trouve une place. Encore trois stations et c'est le beau gosse qui vient s'asseoir à côté de moi. Il me regarde. Je ne sais plus quoi faire. On dirait qu'il veut me parler. J'aimerais me pincer pour savoir que je ne rêve pas, mais ce serait bizarre. J'enlève mes écouteurs.
– Vous n'auriez pas un mouchoir ?
Super ! Évidemment que j'ai des Kleenex dans mon sac. Il ne voulait pas me draguer juste se moucher. Qu'est-ce que je suis con parfois.
– Moi c'est Adrien. Je ne te serre pas la main.
Son sourire illumine le métro, et ce n'est pas peu dire ! La conversation est entamée. Sans voir besoin d'une application, à l'ancienne, nous convenons d'un rendez-vous pour le soir.
Inutile de dire que pour le reste de la journée je ne suis pas du tout concentré sur ce que je fais. À la salle de sport j'oublie mon boxer dans les douches. Peut-être que je le retrouverai demain ou alors il y a d'autres vicieux comme moi qui vont l'embarquer pour le sniffer. Au travail je fais couler le café sans mettre ma tasse, provoquant une petite inondation qu'il faut vite éponger. En partant j'oublie presque mon portable. Je suis totalement ailleurs. À dix-neuf heures je rejoins le bar dans lequel a lieu notre rendez-vous. Nous discutons de banalités, ce qui est sans doute un peu normal lors d'un premier rencard. Et puis vient l'instant de gêne, lorsqu'on sent bien que le rendez-vous se termine et que personne ne sait comment conclure. Je lui propose de venir chez moi.
À partir de là, il n'y a plus beaucoup de suspense. Nous avons couché ensemble. Et puis il est reparti. Maintenant je suis seul dans mon lit, à la fois heureux parce que j'ai pris mon pied avec un mec vraiment beau, surtout à poil et aussi déçu parce qu'il n'a pas voulu rester. En fait, moi non plus je ne voulais pas qu'il reste. Je ne sais pas ce qui me prend. Il n'y a pas eu d'alchimie. J'avais tellement envie de lui, je le trouvais tellement beau. Et maintenant que ce n'est plus un anonyme, que je le connais un peu, que nous avons fait l'amour, ce n'est plus que le mec avec qui j'ai couché. J'ai conscience que c'était une aventure sans suite. Je me sens tellement vide. Le lendemain, je le croise sur le quai du métro. Il ne me lance même pas un regard. Ce n'est plus un beau gosse, c'est un connard !