- Ella, je veux avant tout que tu te sentes en confiance ici. Personne ne te veut le moindre mal.
La voix du docteur Moore se veut bien entendu rassurante mais la jeune femme n'est pas d'humeur à se laisser embobiner par des paroles mielleuses.
Rien ne peut lui faire oublier où elle est en ce moment.
Et ce ne sont ni les murs grisâtres, ni la petite fenêtre au bois abîmé, ni les barreaux de fer qui la traversent qui pourront lui donner ne serait-ce que l'illusion qu'elle est en liberté dans ce lieu.
Elle serre nerveusement le tissu du bas de son tee-shirt sans lever les yeux du sol en parquet.
- Ella tu m'as compris ? demande le psychiatre d'une voix toujours aussi douce qui exaspère l'adolescente.
Elle soupire et hoche doucement la tête.
- Oui, dit-elle dans un souffle.
Sa voix est éraillée et faible, comme si toute force l'avait abandonnée.
- Bien. La décision de ta mère a été très courageuse de privilégier la santé de sa fille à la douleur d'être séparée d'elle.
Ella ne peut s'empêcher de pouffer, ses nerfs la lâchant.
- Tu trouves ça drôle ?
Le psychiatre fronce les sourcils et fixe attentivement l'adolescente.
- Oui, c'est complètement hypocrite. Ma mère a juste voulu se débarrasser du poids que je représente pour elle.
Le docteur Moore pince ses lèvres et se met à noter frénétiquement des phrases sur son carnet.
- Si c'est ce que tu ressens, laisse-moi te dire que ce...
- Non je ne vous permets pas de me contredire sur ce point.
Ella relève la tête et croise le regard du médecin, une lueur de colère irradiant son visage.
- Vous ne connaissez pas la mère. J'ai bien vu votre jeu avec elle. Vous êtes complètement aveuglé parce que vous voulez vous la taper mais elle est tout sauf une mère qui se sacrifie pour son enfant chéri.
Le médecin se racle la gorge, gêné.
- Oui, heu, c'est important que tu puisses exprimer ton point de vue sur ton entourage.
- Peut importe ce que je pense ou dis de toutes façons ce qui importe c'est la façon dont vous allez interpréter mes propos.
Le docteur Moore est un peu déstabilisé par l'attitude de sa patiente.
Elle qui d'habitude est très réservée voire muette pendant les séances, se montre agressive et effrontée.
Il ne sait pas comment se comporter ayant peur d'aggraver la situation.
Il ne faudrait pas qu'elle se braque et se montre récalcitrante à la thérapie ou alors cela pourrait durer des mois pour l'aider à aller mieux.
- Tu sais Ella contrairement à ce que tu penses être internée ici n'est pas une punition, bien au contraire. C'est une opportunité qui pourrait te permettre de t'épanouir dans le monde dans lequel tu vis. Si je me souviens bien de ce que tu m'as dit une fois, tu te sens souvent différente des autres personnes comme si tu étais...
Il baisse les yeux et cherche dans ses rapports des séances passées.
- Une étrangère de passage ! Ce sont bien tes mots n'est-ce pas ?
Ella détourne les yeux et fixe le parc dehors.
- Oui, et vous en avez déduit que c'était moi qui avait un problème de sociabilisation.
Le psychiatre ignore ce qu'elle vient de dire et poursuit son speech avec une question :
- L'image que tu exprimais montrait bien que tu ne te sentais pas à ta place et en particulier au lycée, c'est toujours le cas ?
- Il y a eu un meurtre abominable là-bas il y a quelques temps... murmure-t-elle, pensive tout à coup.
- Que ressens-tu à propos de ça ?
Ella n'en sait rien. Mais elle ne peut pas lui dire que ses cauchemars sembler lier à cette mort.
- Je suis triste, répond-t-elle tout simplement en espérant qu'il n'essaiera pas de creuser plus loin.
- Fais-tu toujours ces rêves étranges dont nous avons discuté à plusieurs reprises ?
- Oui.
- Tu as dit à ta mère que les brûlures que tu as sur le corps viennent de cauchemars dans lesquels il y a des incendies ?
Ella hésite mais préfère mentir.
- Je n'ai aucune brûlure.
Soulevant ses cheveux elle se tourne dos au médecin.
- Voyez par vous-même ! C'était peut-être une réaction de ma peau face au stress !
Elle se retourne et pose ses bras sur les accoudoirs du fauteuil.
- Enfin ta mère est médecin elle sait discerner deux types de lésions il me semble Ella...
La jeune femme plisse les yeux.
- Il ne vous est jamais venu à l'esprit qu'elle exagérait ?
Le docteur Moore remonte ses lunettes sur son nez car elle ont tendance à glisser quand il a la tête trop longtemps penchée en écrivant.
- Quel intérêt elle aurait à faire ça ?
Ella lève les yeux au ciel, agacée par ses questions.
- Je n'en sais rien moi pour avoir un prétexte pour se débarrasser de moi. Elle ne supporte pas d'avoir une fille à problèmes.
Des larmes de tristesse coulent le long des joues pâles de l'adolescente au fer et à mesure de la conversation mais elle s'efforce de ne pas s'effondrer.
- Tu as l'air fatiguée. Nous allons arrêter pour aujourd'hui et je vais te laisser aller te reposer dans ta chambre.
- Je peux me promener dans le parc ? demande Ella d'une toute petite voix.
- Bien sûr. Ce n'est pas une prison ici ! dit en souriant Travis.
- Alors je peux rentrer chez moi ?
Son sourire s'évanouit et son air devient grave.
- Considère que tu es chez toi ici pour le moment Ella et tout se passera bien.
- Donc ça va mal se passer.
Elle se lève et sort de la pièce en fermant doucement la porte, inutile de faire du grabuge et de montrer sa colère car cela agraverait sûrement la situation.
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Moonlight Shadow [Roman fantastique court - Terminé]
ParanormalComment sait-on où commence la folie ? Ella est une adolescente sans réels problèmes. Mais en entrant au lycée, une série d'événements s'enchaîne et bouleverse sa vie. Son petit ami la quitte du jour au lendemain sans explications et disparaît de l...