CHAPITRE 22 : ce qui n'est pas cool.

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— Salut, maman.

— Ange ! Joyeux anniversaire, s'exclama Caroline Leconte. Tout va bien ?

L'appelé se sentit instantanément plus léger en entendant le son de sa voix. Sa mère avait toujours eu un timbre doux et rassurant. Il tenait tout d'elle : ses traits fins, sa blondeur, ses yeux bleus pailletés d'or, et sa gentillesse. Ange s'en voulait de lui faire sans cesse de la peine, avec sa santé hasardeuse, mais c'était sa maman, il ne pouvait pas la tenir éloignée de lui, même pour la préserver.

Le calendrier affichait le vingt-et-un novembre deux mille dix-neuf. Ange venait d'avoir vingt-quatre ans. Il avait passé la barre des quinze années avec son nouveau cœur. C'était une belle victoire, un bon espoir. Pourtant, comme chaque année, il était terrifié. Gagner une année équivalait à se rapprocher inexorablement de la fin. Il en était déjà au trois quart du temps que lui accordait sa greffe, et l'éternelle question revenait sans cesse. Quand ? Quand son palpitant cesserait-il de le maintenir en vie ? Le temps s'égrainait trop vite.

Ange passait habituellement cette journée si spéciale avec ses parents, qui l'autorisaient à sécher les cours. Il les aidait à s'occuper des animaux de la ferme et voyait défiler toute la journée les habitants du petit village où il avait grandi. Aucun ne manquait jamais son anniversaire. Il se demanda si, cette année, ils penseraient à lui. La réponse à cette question ne tarderait pas.

— Merci. Ça va, et toi ?

— Ça fait bizarre de ne pas t'avoir à la maison, avoua-t-elle d'un ton songeur. Presque tout le village est déjà passé pour nous dire de te souhaiter un bon anniversaire de leur part.

— C'est gentil. Tu les remercieras pour moi, lui recommanda Ange avec un sourire.

— Bien sûr. Tu as prévu quelque chose avec tes amis ce soir ?

— Oui, mentit le blond. On va aller boire un verre.

Ce n'était qu'un demi-mensonge, en réalité, il n'était sûr de rien. Il n'avait aucune nouvelle de ses amis depuis la veille. Il avait passé la matinée à guetter leur message. Il mentirait s'il disait ne pas attendre avec impatience leur « joyeux anniversaire ». Pourtant, les heures passaient et son euphorie à l'idée de fêter son anniversaire avec eux retombait. Ils avaient visiblement oublié. Ange essayait de ne pas leur en vouloir, après tout Capucine et son meilleur ami rentraient chez eux ce soir, pour le mariage de la sœur d'Ambroise qui aurait lieu le lendemain. Néanmoins, il ne pouvait s'empêcher d'éprouver de la rancœur.

— Je suis contente de l'apprendre.

Ange la sentait sincère. Il fallait dire qu'il n'avait jamais eu de vie sociale ordinaire, au point d'inquiéter ses parents. Son entourage se composait de Leïla et des habitants de Vauceau.

— Tu as pu acheter tes billets de train pour Noël ?

— Oui, c'est fait. J'arriverai le vendredi des vacances, vers vingt-heures.

Son cœur s'allégea, alors que l'impatience revenait, comme à chaque fois qu'il songeait à son retour. Il avait hâte de rentrer chez lui. Dans un mois, il reverrait enfin sa famille.

Sa mère lui parla des dernières nouvelles du village, du groupe scolaire qu'ils accueillaient en ce moment, et de son père, qui était actuellement au marché, mais qui ne manquerait pas de l'appeler un peu plus tard.

— Je dois te laisser, soupira Ange en consultant l'heure. Il faut que je retourne travailler.

— D'accord. Passe une bonne journée mon chéri, et profite bien ce soir. Tu prendras des photos ? Il faut que je puisse mettre des visages sur les prénoms de tes amis.

Entre ciel et merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant