CHAPITRE 19: la liste.

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Ange leva les yeux en direction du ciel lorsqu'il entendit un chant d'oiseau, et se protégea du soleil avec une main. Il identifia un merle qui s'envola au-dessus de lui et disparut au loin. Il referma alors les paupières afin de continuer à savourer la chaleur des rayons. Ses doigts se perdaient entre les brins d'herbe et pâquerettes, jusqu'à ce qu'ils rencontrent une peau douce et chaude. Un index caressa le dos de sa main et il esquissa un sourire alors qu'une ombre vint le surplomber.

- Tu vas t'endormir, souffla Marin en caressant sa joue.

Ange se contenta de secouer la tête, gardant les yeux clos pour mieux ressentir. Des doigts, plus légers que la brise, parcouraient son visage, effleuraient son nez, ses paupières, ses lèvres. Une envolée de frissons parcourut son corps, qui lui semblait aussi léger qu'une plume. Il ouvrit finalement les paupières, incapable de résister à l'envie de le contempler. Marin lui offrit son plus beau sourire, celui qui faisait accélérer délicieusement son cœur. Le châtain n'avait pas mis son cache-œil. Ici, où personne ne pouvait les voir, il n'en avait pas besoin. Ils pouvaient être eux, sans artifice, au milieu des prairies et champs de lavande. Son iris vert le contemplait avec douceur, le couvait d'un regard attendri. Alors, il se pencha vers lui et effleura ses lèvres.

Ange perdit son sourire alors que les battements effrénés de son cœur cessaient. La chaleur le déserta à mesure que le froid parcourait ses veines. Tout était devenu glacé et terne. Ses yeux cherchèrent ceux de Marin, mais il tomba sur son visage inondé de larmes, sur ses lèvres qui criaient son prénom, sans qu'aucun son ne s'en échappe. Une douleur aiguë parcourut son torse qui se souleva sous le choc, et il posa une main sur sa poitrine. La peur le paralysa alors qu'il sentait sous ses doigts un trou béant à la place de son cœur.

Ange se réveilla en sursaut et étouffa un hurlement en mordant le dos de sa main. Il fixa le vide, droit devant lui, à peine conscient des tremblements de son corps. Entendre sa propre respiration, saccadée et irrégulière, le terrorisait un peu plus. Incapable de faire le moindre mouvement, il resta tétanisé alors qu'une goutte de sueur froide descendait le long de sa tempe.

Ce n'est pas réel.

Ange tenta de reprendre le contrôle de sa respiration, mais un son étranglé s'échappa d'entre ses lèvres, entre le gémissement de douleur et le sanglot. Il porta une main tremblante à sa poitrine et constata avec soulagement qu'il n'avait pas de trou. Depuis combien de temps n'avait-il pas fait ce cauchemar ? C'était le genre de mauvais rêve qui touchait souvent les enfants greffés, terrifiés à l'idée de perdre leur cœur, comme s'il était possible de le faire tomber. Heureusement, le sien était bel et bien accroché, dans sa forteresse de chair et d'os.

Le blond frissonna dans le noir, les membres engourdis. Il n'osait plus bouger, son sang semblait s'être glacé dans ses veines. La noirceur de la nuit le paralysait, il était incapable de tendre les doigts pour allumer la lumière. Il se contenta d'écouter, espérant se raccrocher à des sons familiers, mais seul le bruit de sa propre respiration résonnait de façon inhabituelle autour de lui, lui rappelait l'endroit où il se trouvait. Il n'était pas chez lui, il était dans sa chambre, à Brest.

Tel un enfant qui rassemblait son courage, il ferma les yeux et compta jusqu'à trois, avant d'appuyer sur l'interrupteur d'un geste vif. La lumière l'aveugla quelques instants, mais il fut rassuré de voir cet environnement familier. Son regard se fixa sur sa chaise de bureau, sans réellement la voir.

Pense à autre chose.

Ange tenta de saisir une pensée apaisante, mais son esprit le rappeler sans cesse à ce cauchemar. Il ramena ses jambes contre ton torse et les serra, comme pour ériger une protection, juste au cas où. Il se mordit la lèvre et s'obligea à respirer par le nez afin de se calmer. Il sentait les larmes monter, tenter de s'évader, mais il les retint de toutes ses forces, jusqu'à ce qu'elles débordent. Un sanglot lui échappa et il enfouit son visage dans ses bras pour se cacher.

Entre ciel et merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant