CHAPITRE 18 : combien de temps ?

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Ange posa sa tête contre la vitre du bus et ferma les yeux quelques instants. Sa journée de cours et la courte nuit qu'il avait passées avaient raison de lui, la fatigue le rattrapait. Il étouffa un énième bâillement et pressa une main sur son front, comme pour atténuer la douleur qui lui vrillait le crâne. Il n'avait cessé de repenser aux paroles de Marin, qui tournaient en boucle dans son esprit depuis une semaine. Si son cœur battait pour lui, sa raison lui dictait de s'en éloigner. Il ne pouvait pas s'engager à nouveau avec quelqu'un, alors que son espérance de vie était désormais si mince. Six ou sept ans, tout au plus. Leïla avait été la seule parenthèse qu'il s'était octroyée. Sa psychologue et ses parents lui avaient assuré qu'il avait droit de connaître l'amour, comme tout le monde et, bien qu'il n'ait jamais été complètement convaincu, il s'était laissé tenter par l'expérience de la romance. Après tout, il était un homme, avec ses envies et désirs. Il avait toujours su, au fond, qu'il la quitterait un jour pour la préserver.

Il avait évité Marin toute la semaine. Ça avait été plus facile que prévu, entre la reprise des cours et l'arrêt de travail du soigneur animalier, il n'avait pas eu à user de stratagèmes pour le fuir. Le plus compliqué était de gérer son cœur, qui s'emballait à chaque message reçu et qui devenait douloureux quand il décidait de ne pas répondre, ou de mettre une distance. Il avait même prétexté un mal de tête pour ne pas aller avec la bande boire un verre, la veille.

Ange poussa un soupir de soulagement lorsque le bus s'arrêta enfin devant la résidence étudiante. Terminer les cours à dix-neuf heures un vendredi soir n'avait rien de plaisant. La nuit était déjà tombée, fraîche et piquante, aussi se pressa-t-il de rentrer au chaud. Il avait déjà prévenu Capucines et Ambroise qu'il les rejoignait dans la cuisine pour le dîner. Il passa déposer ses affaires dans sa chambre et attrapa la barquette de blancs de dinde achetée pour la soirée faritas de ce soir. Chacun apportait des ingrédients et chacun se servirait selon ses goûts.

— Désolé pour le retard, s'excusa-t-il en entrant dans la cuisine.

Ange se figea sur le pas de la porte alors que Marin se tournait vers lui, un sourire aux lèvres. Il lut dans son regard sa joie de le revoir, malgré une pointe de gêne. Le blond sentit son palpitant s'emballer, paniquer. Pourtant, la seule chose à laquelle il songeait, c'était qu'il le trouvait vraiment beau, avec son pull vert sapin.

— J'ai oublié un truc, lâcha-t-il avant de s'enfuir.

L'étudiant claqua la porte de sa chambre et appuya son dos contre le bois. Il posa une main sur son cœur, qui battait la chamade, et se maudit d'avoir fui. Il ne savait même pas pourquoi il avait quitté la cuisine si précipitamment. C'était de leur faute à tous, pourquoi personne ne l'avait prévenu que Marin avait été invité ? Il se serait préparé mentalement, il aurait fait l'effort de discipliner ses mèches blondes, emmêlées par le vent, se serait douché et changé.

L'estomac noué, il balaya des yeux sa chambre, comme s'il pouvait y trouver une échappatoire. Des coups toqués contre sa porte le firent tressaillir.

— Tu as besoin d'aide pour amener des trucs ? questionna Marin.

— Non, non !

Ange porta une main tremblante à sa gorge, désespéré d'entendre sa propre voix si peu assurée. Il inspira un bon coup, vérifia que ses joues n'étaient pas rouges, et ouvrit la porte. Le châtain lui offrit un petit sourire timide qu'il ne lui connaissait pas. Naturellement, il ne pouvait pas comprendre son attitude. Il le voyait bien, Marin ne savait pas comment agir avec lui. Il remarqua son iris vert regarder au-dessus de lui et parcourir sa chambre avec un intérêt mal dissimulé.

— Tu n'as plus mal à la tête ? demanda le soigneur animalier en baissant le regard vers lui.

— Non, ça va mieux.

Entre ciel et merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant