Et si on essayait ensemble? TOME I

3] Chapitre 14 : Quelque chose d'effrayant

Tyler avait la sensation que plus rien ne serait comme avant.

Il avait été idiot.

Chaque fois que la vie lui accordait un soupçon de bonheur, quelque chose qui lui faisait un peu moins haïr son existence... Cela lui était arraché aussitôt.

Son père.
Son frère.
Alex.

Rien ne le retenait. Ceux qu'il avait autrefois considéré comme ses amis n'avaient pas une seule fois demandé de ses nouvelles. Aucun message. Aucun appel. La seule fois où il avait parlé à l'un d'entre eux, c'était lui qui avait appelé. Après cela, plus rien. Silence radio. Comme s'il n'avait jamais fait partie de leurs vies. Peut-être était-ce le cas en fin de compte.

Tout le monde semblait finir par l'oublier mais lui se souvenait de tout le monde.

Sa mère et son frère, seule famille qu'il ait eu un jour n'était plus là. Cet homme qui prétendait être son père, qui prétendait regretter de l'avoir abandonné et sa femme... n'était pas sa famille. Ils ne le seraient jamais. Ils ne faisaient aucun effort pour tenter de lui parler, pour tenter de créer ce lien qui pourrait faire d'eux, une véritable famille. Il ne savait rien d'eux et eux ne savaient rien de lui.

La seule chose qu'ils partageaient visiblement, était leur lâcheté.

Profiter de leur argent et de leur vie de luxe avait été satisfaisant un moment mais ce n'était pas fait pour lui. Toutes ces choses ne serviraient jamais à remplir ce trou béant au milieu de sa poitrine.

Rien ne le pourrait jamais.

Il en avait assez de se battre. À quoi cela servait puisqu'il était apparemment destiné à une éternité de souffrance et de solitude?

Finalement, peut-être qu'il s'y était condamné lui-même. Peut-être que tout cela n'était que le résultat des ses actes. Il avait fait de la vie de sa mère un enfer et l'avait poussé à continuer de se droguer. Il n'avait pas su protéger son frère et l'avait ainsi laissé mourir. Il avait frappé son père et l'avait donc poussé à le détester avant même qu'il ne le connaisse vraiment. Il avait embrassé Alex et l'avait poussé à le fuir comme la peste.

Chacun de ses actes, chacun de ses choix... ne semblaient être que des erreurs.

Mieux valait-il pour lui et pour tout le monde qu'il n'ait plus l'occasion d'en faire un.

Tyler observa un instant la seringue qu'il tenait au creux de sa main.

Il n'y avait pratiquement pas touché depuis que Alex et lui s'était rapproché, depuis qu'il détestait un peu moins cette pseudo famille et cette vie... Il ne s'en rendait compte qu'aujourd'hui. Il se rendait compte aussi à quel point cela lui avait manqué.

Alors, sans l'ombre d'une hésitation, il enfonça l'aiguille au creux de son avant bras.

Il se laissa doucement tomber, le dos contre le matelas et ferma les yeux, se délectant du poison qui, peu à peu, semblait se répandre dans chacun de ses membres.

Il avait la sensation de flotter.

Enfin, et pour la première fois, il se sentit incroyablement léger.

C'était beaucoup plus intense que toutes les autres fois, probablement parce qu'il savait que c'était la dernière fois.

Il s'était toujours demandé si c'était vrai, que l'on voyait sa vie défiler avant de mourir.

Et bien, dans son cas, c'était vrai.

Il aurait aimé que cela soit des souvenirs heureux, mais il n'en avait pas.

Il se souvint de la fois où il avait cinq ans et que son beau-père et ses "amis" l'avaient forcé à boire de l'alcool. Il avait tout recraché et avait toussé à s'en époumoner. Leurs rires gras et incessants avaient longtemps résonné à ses oreilles alors qu'il comprenait pour la première fois le mot humiliation.

Il se souvint de la fois où il en avait huit et que sa mère lui avait demandé de lui faire une piqûre pour qu'elle ne soit plus "malade". Ses mains tremblaient beaucoup trop pour qu'elle puisse le faire elle-même. Il avait réussi et il avait sourit, parce qu'une fois fait, sa mère ne tremblait plus. Elle semblait guérie.

De la fois où il avait treize ans et qu'il rentrait de l'épicerie où il avait été faire -voler- quelques courses. Il était rentré et avait trouvé la maison anormalement silencieuse. Son beau-père n'était pas là. Il avait grimpé les escaliers pour rejoindre son petit frère, heureux de lui apporter de quoi manger. Il l'avait trouvé étalé sur leur matelas, une balle logée au creux de sa poitrine. Sa mère, faisant un mauvais trip dans le canapé du salon, n'avait absolument rien vu ni même entendu.

De la fois où il en avait quinze et qu'il avait regardé, un sourire aux lèvres, son beau-père se faire menotter et brutalement embarquer par la police. Il se souvient aussi de l'annonce de sa mort ayant eu lieu en prison. Sa mère avait pleuré durant des jours. Lui, il n'avait jamais été aussi joyeux.

Et il se souvint, de quelques mois auparavant, lorsque sa mère était allongée sur son lit d'hôpital. Il ne l'avait jamais vu aussi mal en point. Il était resté des jours auprès d'elle sans jamais qu'ils ne s'adressent un mot. Tout deux savaient qu'elle allait mourir mais aucun d'eux n'étaient tristes. Il se souvint de ses dernières paroles; "tu vas avoir une belle vie maintenant, meilleure que la mienne".

Alors, à cet instant, Tyler eut une pensée pour sa mère et comme il ne pouvait pas prononcer un mot, il pensa;

Encore une fois tu t'es trompée, maman.

Tyler n'eut pas peur de mourir. Au contraire, il se sentait serein, paisible.

Finalement, il ne faisait que rejoindre les siens.

Catherine décida de rejoindre l'étage après qu'elle ait compris que Tyler ne comptait pas descendre de lui-même pour dîner.

Elle monta tranquillement les escaliers, chantonnant une mélodie qui lui était resté dans la tête depuis la veille.

Elle toqua doucement à la porte avant de l'entrouvrir.

-Tyler, on va passer à table. Tu...

Catherine resta immobile sur le pas de la porte, incapable de bouger.

-Brian, murmura t'elle avant de se mettre à crier, Brian. Brian!

Son mari accouru. La vision de sa femme, affolée et de son fils, étendu sur le lit, inerte, fit battre son cœur à une allure folle.

Il se précipita vers son fils, hurlant à sa femme d'appeler une ambulance alors qu'il implorait à son fils de rester avec lui.

Entre les murs de cette maison résonna durant de longues et interminables minutes, les cris et les supplications de ces deux êtres déchirés... Si bien qu'aucun d'entre eux n'entendit les sirènes résonnaient dans la rue déserte à cette heure ci.