Sa vraie nature

2.

Patrick aurait du mal à dire à quel moment exactement il a commencé à se poser des questions. Difficile de raisonner quand il s'agit de pulsions. Les faits sont les suivants. D'abord, il ne fait plus beaucoup l'amour avec sa femme. Sans doute que le mariage finit par user l'intimité, ce n'est pas toujours vrai mais assez répandu. Lui voudrait bien, mais du côté de sa femme il y a toujours une excuse : trop fatiguée, mal à la tête, indisposée... Pourtant, il fut une époque où tout cela ne posait aucun problème et où ils ne s'endormaient pas avant d'avoir fait l'amour, parfois plusieurs fois. Patrick, frustré, devrait comme la plupart des hommes commencer à fantasmer sur d'autres femmes. C'est en général dans ce genre de situation que l'un des membres du couple finit par aller voir ailleurs. On ne peut pas réprimer ses envies et quand le sexe prend le contrôle, il est possible que l'on finisse par faire n'importe quoi, quitte à le regretter après.

La deuxième modification est le regard que Patrick porte sur son meilleur pote. Ils se connaissent depuis le lycée, ils continuent à se voir régulièrement. Le dimanche matin, c'est la tradition, ils font leur footing ensemble. Récemment, Patrick s'est surpris à regarder son meilleur pote d'une manière totalement différente. Il s'en souvient très bien : il courait derrière lui. Une situation assez habituelle. Sauf que cette fois-ci, il avait les yeux rivés sur les fesses de son pote. Comme hypnotisé, il ne pouvait pas détacher son regard. Et il a apprécié de fixer ces fesses musclées se dessinant sous le short. Il a eu envie de les toucher, les caresser, se coller contre elles. Depuis, il a du mal à ne pas fantasmer en pensant au joli petit cul de son pote. Il aimerait s'ôter cette idée de la tête, il n'y arrive pas.

C'est toujours en plein milieu de la nuit que Patrick se connecte au site de discussions. On peut dire qu'il y retrouve des « amis », des mecs avec qui il a déjà discuté et qu'il retrouve avec plaisir pour exprimer des pensées qu'il juge encore comme impures.

« Tu ne mets jamais ta cam ? »

« Trop risqué, je ne suis pas seul à la maison. »

« C'est dommage, j'aime voir un mec se faire plaisir. »

« Moi aussi. »

Patrick n'a jamais vraiment vu un mec en cam, mais il aime mater des pornos de beaux gosses en solo, c'est presque pareil pour lui.

« Tu as déjà eu des potes de branle ? »

« Euh, non, c'est quoi le principe ? »

« Des mecs qui se retrouvent pour mater des pornos. »

« Sympa comme idée. »

« Ça te tente ? »

Patrick hésite. Il a évidemment conscience que le terrain est glissant. Le fait de se connecter à ce site pour discuter avec d'autres hommes n'est qu'une première étape. Il devrait arrêter avant d'aller trop loin mais c'est comme s'il ne pouvait pas. Il est devenu accro à ces discussions et reste frustré les jours où il ne peut pas se connecter.

« Il y a un site spécial pour ça, qui met en relation les mecs qui aiment ce genre de délire. »

Parce que l'internaute avec lequel il discute habite dans le sud de la France, d'après son profil, donc ils ne pourront pas tenter l'expérience ensemble.

« Je te donne l'adresse. »

Sans hésiter, Patrick va voir le site où des mecs postent des petites annoncent pour inviter ou être invités à des séances de plaisir entre hommes. Il y a quelques propositions pas trop loin de chez Patrick. Il se crée un compte ! Cette fois-ci il va mettre une vraie photo sur son profil. Juste son torse, mais c'est une nouvelle étape. Le simple fait de montrer la réalité signifie déjà qu'il est dans l'optique de concrétiser une rencontre. Quand on poste une fausse image, c'est qu'on ne veut pas de réel, puisque forcément rien ne correspondra. Il hésite à valider, mais ce soir, comme tous les soirs, il se laisse guider par ce qu'il a entre les jambes. Et une fois vidé, il n'y pense plus, éteint son ordinateur et va se coucher.

Le lendemain, dans l'après-midi, alors qu'il est au boulot, Patrick reçoit un mail. Il vient du site sur lequel il s'est inscrit. Un mec lui propose de passer pour une bonne petite séance pornographique entre hommes. Il faut presque une heure pour qu'il réponde, les questions se bousculent dans sa tête, il ne sait même pas s'il en a vraiment envie. Enfin, cette dernière partie est fausse. Il veut franchir le pas, l'idée lui plaît énormément et l'excite. Sa réalisation semble beaucoup plus compliquée. Il y a beaucoup de détails à régler.

« Passe, je ne te force à rien. Si ça ne te plaît pas tu peux partir quand tu veux. »

L'homme qui l'invite est assez rassurant. C'est apparemment un habitué de ce genre d'exercice.

« On peut fixer le premier rendez-vous à dix-huit heures. Tu dis à ta femme que tu vas au sport, elle n'y verra que du feu. »

Soudain, l'idée semble parfaitement réalisable. Evidemment, ensuite il faudra assumer, mais rien n'est impossible quand on a vraiment envie de quelque chose. Et Patrick voudrait réellement tester. Il répond pour donner son accord. Il se sent à la fois excité et anxieux. C'est quand même une forme de tromperie, du moins dans son esprit.

Pour le reste de l'après-midi il ne pourra pas se concentrer sur autre chose. Par SMS il informe sa femme qu'avant de rentrer il passe à la salle, elle ne l'attendra pas avant dix-neuf heures. Il prend ses affaires et quitte le bureau. L'adresse du rendez-vous n'est pas compliquée à trouver, le mec habite dans le quartier juste derrière le sien. Il avance dans les rues en regardant autour de lui, sur la défensive. Il ne faudrait pas qu'il croise quelqu'un qu'il connaît. Surtout au moment où il entre dans un immeuble qui n'est pas le sien. Mais le risque à quelque chose d'excitant. Focalisé sur les questions matérielles, il n'a pas pris le temps de penser à ce qu'il se passera une fois dans l'appartement de cet inconnu. Il hésite à sonner. Guidé par son cerveau du bas, il franchit le pas...