Sa vraie nature

25.

Ce lundi matin, Patrick prend le train pour se rendre à trois jours de conférences dans le sud de la France. Il n'y a pas si longtemps, ces déplacements lui pesaient. Maintenant, ils sont une bouffée d'oxygène, de liberté. Il pense déjà à ce qu'il pourra faire le soir, seul dans sa chambre. Avec ces idées en tête, les conférences de la journée passent beaucoup plus vite. Pour se détendre, avant de passer la nuit devant sa webcam, il profite des services de l'hôtel de luxe payé par son entreprise. Au sous-sol, il y a un hammam. Une serviette autour de la taille, il entre, surpris de ne croiser qu'un seul autre client. Il pensait que beaucoup de ses collègues profiteraient de cet avantage. Mais ils sont certainement tous en discussion Skype avec leur femme, ce que Patrick devrait aussi faire.

– Bonsoir.

– Bonsoir.

Patrick s'installe en face de l'inconnu. Il n'y a pas beaucoup de place, ce n'est pas une excuse pour se coller les uns aux autres.

Il ferme les yeux, puisqu'il est là pour se reposer, se détendre, profiter d'un instant rien qu'à lui.

– Je pensais que cet endroit aurait plus de succès.

– Pardon ?

– Désolé, je ne voulais pas vous embêter.

– Pas du tout.

Patrick fixe le client, puisqu'il a engagé la conversation. Il n'est pas désagréable à regarder. Musclé, bien dessiné, il a étrangement le torse totalement imberbe et, par contre, les bras et les jambes très poilus.

– Je suis le gérant de cet hôtel. J'ai fait construire un espace détente, qui fonctionne bien avec les clientes. Les clients, eux, restent dans leur chambre.

– Les hommes ont moins l'habitude de prendre soin d'eux.

– Oui, enfin les hommes mariés en profitent surtout pour passer la nuit à regarder des pornos, c'est leur moment liberté loin de madame.

– Ce n'est sans doute pas faux.

– Je ne devrais pas le dire, mais nous pouvons voir les connexions entrantes et, le soir, notre réseau est presque à saturation avec tous ces films désormais en HD.

– Alors ils viennent peut-être profiter du hammam plus tard.

– Après leurs petites folies virtuelles, ils dorment paisiblement.

Patrick se contente de sourire.

– Je ne sais pas pourquoi je vous parle de ça. Je ne me suis même pas présenté : Damien.

– Enchanté, Patrick.

– Il y a aussi une salle de musculation au sous-sol, vous pourrez en profiter.

– Merci. Quand je suis chez moi je vais au sport tous les jours, là je veux faire une pause. Il faut parfois laisser le corps au repos.

– Vous avez raison. Je ne vous embête pas plus, vous êtes là pour vous détendre.

Patrick referme les yeux. Il se sent étrangement bien. Lui qui n'est normalement pas à l'aise avec les inconnus, il a le sentiment de partager ce hammam avec un ami. Surtout, il trouve la voix de Damien assez envoûtante, elle a quelque chose de spécial, qui lui a donné des frissons pendant toute la conversation.

– Bien, je vais retourner au travail. Bonne soirée, Patrick.

– Bonne soirée, Damien.

Il ne restera que quinze minutes de plus dans le hammam avant de retourner dans sa chambre. Un instant il hésite avant de se connecter sur les sites qu'il affectionne. D'après ce que dit le gérant, il est possible de savoir qui se connecte à quoi. Soudain, il a un peu honte de ce qu'il veut faire. Mais l'excitation est toujours plus forte et il se laisse aller jusque tard dans la nuit.

Le lendemain, au petit-déjeuner, il retrouve ses collègues. Beaucoup semblent aussi avoir veillé assez tard, et ce n'était sans doute pas pour avancer dans leur travail.

– Bonjour Patrick, vous trouvez tout ce que vous voulez ?

Le gérant supervise la salle du petit-déjeuner. C'est un hôtel de luxe, la satisfaction des clients doit être totale. Surtout quand ce sont des entreprises qui ont réservé, il faut s'assurer qu'elles continueront à faire leurs séminaires ici.

– Oui, je me suis sans doute levé un peu trop tard, il ne reste que des croissants.

– Qu'est-ce qui vous manque ?

– Des pains aux raisins.

– Allez vous asseoir, je vous apporte ce qu'il faut.

Patrick prend place avec ses collègues. Dix minutes plus tard, le gérant en personne lui apporte un panier rempli de pains aux raisins.

– Merci.

– Nous sommes là pour satisfaire les clients. Bonne journée.

Patrick ne peut pas s'empêcher de sourire et surtout de mater les jolies petites fesses du gérant quand il s'éloigne. Il se reprend rapidement et observe ses collègues, qui ne semblent pas avoir remarqué quoi que ce soit.