C'est évidemment avec beaucoup d'appréhension que Patrick monte lentement, très lentement, les escaliers qui mènent à son appartement. Il tourne la clé dans la porte, ouvre. Sa femme est assise sur le canapé, jambes et bras croisés. Dans l'entrée, il y a déjà trois valises de prêtes.
– Les enfants ne sont pas là.
Le ton de sa femme est sec, brutal.
– Tu peux prendre tes affaires et partir. Tu reviendras pour signer les papiers du divorce. Ah, et tu es viré de la boîte de mon père.
Calmement, Patrick vient s'asseoir à côté de sa femme. À bonne distance, ce n'est pas le moment de la toucher. Il ne la regarde pas, il ne sait plus comment se comporter devant elle.
– Je n'ai pas totalement triché. Tu es une femme formidable. Belle, douce, gentille, dynamique, intéressante, intelligente. Tu as vraiment toutes les qualités et j'ai une chance énorme de t'avoir rencontrée. Nous avons fait un mariage heureux, j'étais amoureux. Nous avons deux beaux enfants, qui sont vraiment les plus adorables au monde. Mais, j'ai compris que je n'étais pas totalement heureux. Je suis homosexuel, j'aime les hommes, enfin maintenant j'en aime un seul, je suis désolé de te faire tellement souffrir.
– Tu l'aimes plus que moi ?
– Toi et moi, nous avons toujours eu une relation fusionnelle. Mais avec le recul, je me rends compte que c'était une grande amitié, de mon côté ça n'allait pas plus loin. Avec Damien, enfin, tu vois le simple fait de dire son prénom et j'ai le cœur qui bat plus fort.
– Tu n'as jamais ressenti ça pour moi.
– C'est tellement compliqué à exprimer. Je t'aime, d'une autre façon.
– Tu en as pris conscience quand ?
La voix de sa femme s'apaise légèrement.
– C'est un peu la crise de la quarantaine. Je n'ai rien prémédité, je me suis laissé emporter par les événements.
– Quand tu es avec lui, tu es heureux ?
– Complètement. Tout est naturel entre nous, nous avons à peine besoin de parler pour nous comprendre.
– Je veux que tu partes. Je ne sais plus où j'en suis. J'ai besoin de temps.
– Je voudrais dire au revoir aux enfants.
– Ils sont chez mes parents. On essaiera de leur expliquer et tu les verras très bientôt.
– C'est toi qui dictes les règles ?
– C'est toi qui te barres, avec un homme !
Patrick se lève et se dirige vers les valises.
– Tu vas tenir le choc ?
– Je vais aussi dormir chez mes parents, je ne peux pas rester dans cet appartement.
– Tu crois que tu me pardonneras un jour ?
– Laisse-moi.
Patrick jette un dernier regard à sa femme. Il referme doucement la porte de l'appartement. Il vient de tourner une page importante de sa vie.
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Sa vraie nature
Non-FictionPatrick fête ses 40 ans. Il est temps qu'il assume sa vraie nature...