Chapitre 29 - POV 1.12 (Nina)

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C'est inévitable: à un moment donné, la vie reprend. On se sort la tête du cul, on jette ses mouchoirs plein de larmes et de morves, on balance les restes rassis de junk food, et on se remet à fond au boulot. Il m'a fallu près d'un mois, mais j'y suis arrivée.

A moins d'avoir un grain, c'est inévitable.

Ça m'a quand même fait mal quand j'ai appris qu'il avait fait pareil depuis un moment. Il a repris ses lives et son tryhard pour réintégrer le top solo d'avant sa convalescence. Il finit sa saison en beauté. (Rien d'étonnant, me direz-vous.) Il a même finalement signé pour une autre saison. Je n'ai pas regardé, mais je le sais.

Je devrais être contente. Nuke sera sorti de ma vie aussi vite qu'il y est entré. De façon aussi brève qu'intense. Telle une étoile filante. Certaines merveilles ne sont pas destinées à être tenues entre des mains humaines.

Alors, les choses reprennent leur place. Je stream, je train, je perf', je sors avec les potes. Les jours et les semaines s'écoulent. Je vis. 

Mais quelque part, il y a du froid autour de moi. Du silence. Pour quelqu'un comme moi qui vis les choses à fond avec verve, le silence est forcément amer, je suppose.

Je suis donc d'autant plus étonnée lorsque je vois apparaître le nom de Cutter sur l'écran de mon téléphone qui vibre dans ma main. « Bonjour, Cutter, souhaité-je d'une voix que j'aurais voulu moins sourde.

— Bonjour, Nina. Je te dérange?

— Non. » Et c'est vrai: je suis en train de me préparer pour sortir en boîte, mais rien ne presse. « Ça va? »

Il met quelques secondes à répondre. « Ça me gêne mais c'est pour ça que je t'appelle: ça ne va pas trop. Il ne va pas trop » corrige-t-il. Pour qu'il en vienne à me téléphoner, ça doit être grave. 

Je m'oblige à garder mon imagination en standby et d'écouter avant de m'affoler. « On est à San Francisco pour le lancement du nouveau Furiosa.

— Tu voudrais que je vienne? comprends-je.

— Je sais qu'ça fait cliché et que c'est beaucoup demandé, mais oui, j'espérais que tu puisses venir lui parler. »

J'ouvre la bouche pour accepter aussitôt. Mais je dois apprendre de mes erreurs d'impatience parce que je bifurque vers la prudence: « Qu'est-ce qui se passe exactement?

— Il... » Il soupire. « Le mieux, c'est encore que tu le vois par toi-même. »

Son ton me paraît si désespéré que j'en pâlis. « Cutter, tu commences à me faire peur...

— J'ai peur aussi, avoue-t-il d'une voix basse et tremblante. »

Putain de merde! « Qu'est-ce que tu attends de moi au juste?

— Je ne sais pas trop. Que tu le convainques d'arrêter ses conneries, ou au moins qu'il retourne à l'hôpital.

— Qu'est-ce qu'il a?

— Une bronchite aiguë. Il va mieux mais il a quitté l'hosto contre avis médical et ne veut pas y retourner pour son suivi.

— Il est devenu fou?! m'horrifié-je.

— Il ne fait rien pour qu'on ne le pense pas, en tout cas. S'il continue, sa mère va le faire hospitaliser de force. »

Mais ce n'est pas comme ça que Nuke veut finir. Il ne veut pas mourir dans une salle aseptisée. Il veut vivre. Il voulait...

« Qu'est-ce qui te fait croire qu'il m'écoutera?

— Il a plus de respect pour les femmes que pour les hommes. Et il en a encore davantage pour toi. Même s'il ne fléchit pas, toi, il sera obligé de t'écouter sans essayer de te mettre un poing dans la figure pour te faire taire.

Versus [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant