Chapitre 55 - POV 3.20 (Nuke) Suite alternative

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Jusqu'à il y a peu, je n'aurais pas tenté d'imaginer ce jour. Si je l'avais fait, il aurait été sous le signe des jours maudits. Je n'aurais éprouvé que répugnance et dédain pour la personne d'après ce jour. Je me serais montré d'une rare violence envers cette personne, de sorte à pouvoir y cacher ma terreur. Et ça ne m'aurait pas rendu très différent des xénophobes de tout poil.

J'ai pu admettre que j'étais terrifié. Et vous Seigneur, m'avez facilité les choses en simplifiant mes choix. Jusqu'à ce que je me mette à organiser moi-même ce jour. Et puis... Vous  m'avez testé comme Vous testez toujours Vos fidèles.

Seigneur, Vous devez quand même avoir un sacré manque de confiance en Vous pour tester ainsi l'Amour de nos âmes! Peut-être est-ce la raison pour laquelle Vous la cherchez en nous.

Je me remets à vous Seigneur. Sans plus prier dans l'espoir de Vous rejoindre au plus vite; sans plus gémir et me plaindre. Parce que l'amour supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L'amour ne passera jamais.

« L'amour ne passera jamais. » C'est la phrase que j'ai dite à ma Nina ce jour. Je ne lui ai rien dit d'autre par crainte que ma confiance en Vous l'effraye plus encore. Il m'a semblé que pour calmer son tourment, le plus important en ce jour était d'en revenir à l'essentiel. Alors: l'amour ne passera jamais.

Grâce à ça, son sourire m'a suivi même une fois les paupières closes.

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Ça ne m'a pas frappé tout de suite. C'est venu plus tard. Avant, j'avais l'esprit trop occupé par les allées et venues constantes et l'attention dont on m'entourait pour m'en rendre compte.

Je venais de passer neuf mois à l'isolation des soins-intensifs, puis deux semaines dans l'unité de neurologie intensive, pour poursuivre mon parcours à la revalidation obligatoire après un si long séjour en USI. Je devais réapprendre à respirer seul, à manger, à bouger...

Ça ne m'a pas frappé quand j'ai pu bouger la tête la première fois, ou quand j'ai pissé dans un gobelet plutôt que dans une paille, ni quand j'ai pu avoir de la vraie nourriture en bouche – prémâchée bourrée de protéines, mais de la vraie bouffe quand même. Pas même lorsque Nina a passé ma chaîne retenant la médaille de mon père autour de mon cou et m'a embrassé, son corps pressé contre le mien sur toute sa longueur, ses cuisses entre les miennes, le tissu éthéré de sa robe plissé entre mes doigts.

Non, c'est arrivé par surprise après plus d'un mois en revalidation, un peu avant qu'on me retire la minerve, quand j'ai pu m'asseoir sur le bord du lit sous la surveillance du kiné. Ça m'a suffoqué si violemment que j'en ai fait une crise de panique qui a relancé la machinerie hospitalière pour quelques heures. J'ai passé vingt minutes au sol et deux jours sous ventilation.

Parce que Rosalie n'est plus là. Et que je ne sais pas comment vivre sans elle. Je ne sais pas qui je suis ou qui je vais être sans elle.

Depuis cette inattendue prise de conscience, la peur reste bloquée sur mon sternum. J'ai beau tout tenter, elle reste là. Même lorsqu'elle s'enlise sous la joie de mes amis qui peuvent enfin venir me voir – Ganesh, Cutter, Javoue, Stage, Steppe, Simon, Flipper, à leur tour –, je la sens tapie. Me raisonner ne sert à rien d'autre que de m'y faire penser plus encore.

Je me sens devenir plus ombrageux de jour en jour, et je me hais de faire subir ça à ma famille après tout ce que je leur ai fait endurer. Aussi insensé que ça soit, j'ai l'impression de trahir Nina en pensant à Rosalie. Bon sang, je pense plus à elle maintenant que lorsqu'elle était encore là!

Je suppose que j'ai besoin de temps. Du temps pour me retrouver seul confronter à moi-même.

Alors je décide de la suite. Comme toujours lorsque je prends une décision, mes dispositions suivent de près. J'attends que tout soit mis en place pour en parler.

Versus [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant