Chapitre 38 - POV 1.15.1 (Nina)

18 1 0
                                    

Pour les paris, tout le monde a perdu, y compris Nuke. Il a attendu que je sois arrivée chez moi pour tomber malade. Cutter l'a trouvé inconscient, assis sous la douche où il tentait probablement de faire baisser sa fièvre.

Emmené d'urgence, ça fait deux semaines qu'il est en chambre stérile, sous perf'. Pour une connerie d'angine tout ce qu'il y a de plus commun.

Au téléphone, Cutter me dit que les médecins veulent le garder plus longtemps mais que la patience de Nuke s'amenuise. Il a peur d'être gardé là indéfiniment.

Alors, Nuke fait son Nuke, et il quitte l'hôpital après avoir signé la décharge et l'attestation de sortie contre avis médical. Une fois de plus, Cutter me l'apprend. Il me précise que Nuke refuse que je revienne plus tôt qu'il n'est prévu. 

Bien évidemment, je n'en prends absolument pas compte, réorganise mon planning, et prends l'avion dès que je sais qu'il est chez lui.

Quand mon joueur ouvre la porte, je prends le temps de le dévisager avant d'entrer. Je le trouve affaibli, les traits tirés et le teint pâle. Ses pommettes sont barrées par une sonde nasale d'oxygénothérapie.

Je laisse mon sac glisser de mon épaule, prends son visage entre mes deux mains que je viens de ganter, et pose mon front contre le sien. Je ne sens pas son souffle lourd au-travers de son masque. Mais je vois ses yeux se voiler de réconfort. J'opine au doute fragile que je perçois émaner de lui. « D'accord. » dit-il comme on remercie. Il referme derrière moi.


Durant quinze jours, je m'occupe de Wifi en allant, entre autre, courir avec lui. Je fais un maximum de ce que Nuke est prêt à me laisser faire pour le soulager du plus de tâches, tout en me faisant la plus petite possible pour ne pas le déranger dans son travail à domicile où il carbure pour son classement alternatif en plus de tout le reste. Je stream depuis son bureau, sur fond vert, de sorte que personne ne sache que je ne suis pas chez moi.

Quand la compétition officielle doit me ramener à Denver, mon homme va mieux. Je ne l'abandonne pas de gaieté de cœur, mais il est prêt à reprendre le boulot, et donc moi aussi.

Ces deux semaines écoulées me laissent un étrange sentiment entre complicité et tâche inachevée. Nous n'avons pas beaucoup parlé durant ses quinze jours: Nuke est ombrageux lorsqu'il n'est pas au plus haut de sa forme. Cela nous a rapproché plus amicalement qu'amoureusement ou charnellement. Il a vu que j'étais aussi capable de fermer ma gueule plus de vingt minutes et de le voir démuni sans m'apitoyer ou le traiter comme un gosse. On a tous les deux vu que j'étais capable de mieux pour lui.

Et étrangement, ça me laisse aussi un creux sur le sternum. Comme si durant ces deux semaines, je l'avais aussi contradictoirement senti me filer entre les doigts. Je ne comprends pas comment ni pourquoi, mais c'est ce que je ressens.

Nos connexions des semaines suivantes passent par une ligne à la fibre. Nous jouons ensemble aussi souvent qu'on peut, en stream ou juste pour nous. Je ne connais plus que sa voix par le rendu du casque. Les choses ont l'air de reprendre doucement leur place, mais je discerne de la tension dans certains de nos échanges sans pouvoir y trouver une cause. Quand je le questionne, il rit et dit que tout va bien. Je ne le crois pas un instant.

Alors j'ai hâte. Le Casino Tournois approche. Je vais le retrouver chez lui l'avant-veille. Quand je le verrai enfin, je saurai.

_____________________

Le grand jour, j'ai la même boule au ventre en prenant l'avion pour Paris que lorsque j'ai remonté la piste de son avocat en pensant trouver les bureaux de Nuke. Mes mains tremblent pareillement lorsque je monte dans l'ascenseur. J'ai le même souffle coupé quand il ouvre la porte et que la lumière nous inonde de son clair-obscur. Et quand les bras de Nuke m'attirent contre lui plutôt que de m'inviter à entrer comme une étrangère, j'éclate silencieusement en sanglots de soulagement.

Versus [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant