Chapitre 39 - POV 1.15.2 (Nina)

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Je n'ai pas entendu le raclement du panneton de sa clé. Nuke s'immobilise quand il a refermé derrière lui et ôté ses chaussures. La transpiration luit sur son front et fait adhérer le t-shirt à sa peau. Son masque médical est décoloré sur les bords, humides. Tout ses muscles sont bandés par l'effort et l'adrénaline. Si la situation était différente, je le trouverai absolument hot! Là, il a surtout l'air de devoir combattre des pulsions de violence.

Son regard intense se pose sur le comptoir, sur le frigo, et enfin sur moi qui me détourne pour ne pas qu'il discerne l'inquiétude qui me ronge.

Je m'assois dans le fauteuil devant mon ordi portable et m'oblige à détendre les épaules pour donner le change. J'envoie un sms pour rassurer Cutter et mets mon téléphone en mode avion pour ne pas perturber l'atmosphère dont a besoin Nuke.

Dans le silence, ses respirations sont lourdes et courtes sans que ça ne soit de l'essoufflement. Je n'arrive pas à comprendre. Alors, je l'observe du coin de l'œil.

Il fixe longuement le comptoir, puis moi, dans une inertie flippante. Quand on se trouve enfermé dans une pièce avec une centaine de kilos de muscles irascibles, je suppose qu'il est inévitable d'avoir peur. Il ne me ferait jamais de mal, je sais. Mais il pourrait tout péter dans son appart' sans que je ne puisse rien y faire.

Son imprévisibilité est terrifiante.

Néanmoins, je continue de parcourir le pad au hasard du bout de l'index.

Nuke finit par bouger. Lentement, presque posément, démentant sa respiration pesante. Il se dirige dans le coin cuisine et sort un poêlon de l'armoire. Il le remplit d'eau qu'il fait chauffer sur la taque. Il ne regarde plus du tout du côté du frigo, de la bouffe, ou de moi. Il reste concentré sur l'eau.

Je commence tout doucement à me détendre. J'entends l'eau frémir. Et Nuke soupire doucement. C'est ce qui éveille mes systèmes d'alarme: ce souffle de lâcher prise, d'anticipation. Un son d'alcôve.

L'adrénaline me fait bondir sur mes pieds au moment où je le vois soulever le manche de la casserole. « Pose-ça immédiatement! » vociféré-je en me dirigeant à grands pas sur lui. Ses yeux me foudroient et il écarte le récipient brûlant pour m'empêcher de l'atteindre. Je me suspens presque à son avant-bras cordé. « Tu comptes en faire quoi? Ajouter de nouvelles marques sur tes jambes ou ton dos?

— Pas devant toi.

— Ça change quoi que t'ailles dans une autre pièce?

— Lâche-moi, Nina. »

Sa voix est placide, mais son regard est aussi en ébullition que l'eau. Ça ne m'impressionne plus: ma colère reflue ma peur. « Il est hors de question que je te laisse faire ça.

— Alors je vais chez Janvier. »

Je me fige. Brûlure ou coupure... Non, il ne peut pas faire ça. Il ne peut pas m'obliger à choisir à quelle douleur je vais le réduire. C'est abominable! « C'est abominable! » répété-je d'une petite voix.

Tout le corps de Nuke se contracte et il fait un pas sur moi, hors de lui. «Je suis abominable! » claque-t-il férocement.

Je le gifle. C'est partit tout seul. Le désarroi, l'effroi et l'indignation mêlées m'ont contrôlée. Le joueur me regarde dans les yeux en reposant lentement la casserole sur le taque froide. Il fait un nouveau pas. Craignant que ce soit pour partir, je le gifle à nouveau, plus fort encore. Son masque se décroche et tombe mollement entre nous. Son torse se gonfle d'une grande inspiration. Ses yeux étincelants ne le sont plus tant de colère que de désir.

J'ai peur. J'ai peur d'où ça va m'entraîner. Mais ce sera toujours mieux que Nuke chez ce cinglé de scarificateur.

Enfin, il lâche le manche et en éloigne sa main. Ça me rend courage et détermination: je suis en train de gagner. Je ferai ce qu'il faut pour aller jusqu'au bout tant qu'aucune nouvelle marque permanente ne souille sa peau.

Versus [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant