Versus [Terminé]

Chapitre 65 - POV 1.24.1 (Nina) - Suite alternative

Après mûre réflexion, j'en arrive à la conclusion qu'il doit y avoir trois sortes de futures mariées.

La première, qui en rêve comme du plus beau jour de sa vie, parfaite princesse de conte de fée, qui est plus probablement extrêmement déçue une fois la journée préparée si longtemps finie, la robe rangée au placard, le si beau fiancé vautré sur la canapé la main dans le slibard, et qui en parle des années plus tard avec verve et enthousiasme pour continuer de se persuader – elle comme le monde entier – que c'était tout ce qu'elle avait toujours voulu.

La seconde qui fait ce qu'elle peut avec ce qu'elle a, en rêve sans l'oser, et n'en sort ni plus heureuse ni plus déçue, mais peut certainement s'en souvenir avec un petit sourire vrai, un brin nostalgique.

Et enfin, celle qui se dit que c'est juste un rituel à passer qu'elle espère voir se finir au plus vite, et n'attend rien en tirer si ce n'est l'officialisation d'une vie à deux.

Il est facile de deviner dans quelle catégorie je me range.

Ce que je retiens des préparatifs c'est, qu'heureusement, mon joueur a tenu promesse: il a expédié les demandes de ces dames trop enthousiastes, en prenant décision sur décision, jusqu'à ne laisser à mon choix que celui de ma tenue. Pour m'éviter de devoir en choisir deux, il a même accordé de passer devant le maire au matin, en tenue civile – pas trop décontracte non plus –, avec le simple comité réduit de nos témoins.

Le grand jour J – comme dirait la fille à marier numéro 1 –, au matin, Nuke n'a d'ailleurs pas eu l'air de faire autre chose que de signer un énième contrat professionnel. Et pourtant... Lorsqu'il a contemplé nos signatures côte à côte sur le document officialisé devant le magistrat, sa respiration s'est alourdie sous sa contenance inaccessible. Son émotion en était plus intime, uniquement perceptible à moi qui le connaît si bien.

J'ai supporté le reste des cérémonies comme un passage obligatoire. Je n'en garde que des souvenirs de Nuke à nouveau, qui est parvenu à me partager et me faire gagner par ses bouleversements: par son sourire qui me foudroie, l'alliance entre les doigts autour du mien; par la beauté de sa main alourdie par la chevalière et l'alliance qu'il garde sur la même phalange, prenant conscience que je pourrai la voir ainsi chaque jour; par la tendresse de son baiser aérien mais prolongé; par ses bras solides qui m'étreignent dès que nous sommes à l'abri des regards de la foule restreintes de nos proches; par le "je t'aime" murmuré d'une voix rauque d'émoi au creux de mon oreille.

Mais c'est aussi la surprise de l'arrivée de SamouraïDie pour me faire remonter l'allée vers l'autel qui fait perler les larmes à mes yeux. Son étroite accolade est celle de l'image paternelle qu'il est pour moi depuis que j'ai dix-sept ans. D'ailleurs, en lui serrant la main, Nuke est d'une telle raideur qu'il pourrait bien s'agir de mon père! 

Le reste de la journée est plus détendue, avec les potes qui rejoignent la famille pour la célébration. L'unique ordre de Nuke repose sur l'impératif qu'il me glisse avant de se joindre au cercle de collaborateurs qu'il se devait d'inviter: « Ne te change pas. C'est ma prérogative d'époux de t'aider à sortir de cette robe. » Je ne sais ce qu'il détecte dans mon expression lui répondant, mais cela fait apparaître les fossettes de son sourire. Je les vois plus en vingt-quatre heures qu'en trois ans! Après sa sérénité professionnelle du matin, la transition est presque impudique.

Cela me fait réviser mes jugements: il se pourrait finalement qu'il n'y ait que deux sortes de futures mariées. Il se pourrait que numéro 2 et 3 ne forment qu'une.

Et au final, je m'amuse vraiment à la fête que tout le monde considère comme la mienne. (Un avis que je ne partage pas.) C'est pour moi l'occasion de rencontrer des gens qui entourent Nuke dans l'ombre depuis des années et y retrouve de vieux amis du gaming dont j'ignorais même qu'on en partageait la fréquentation.