Chap 1, l'Acternité

154 17 74
                                    

La pluie tombait sur les pavés mouillés de Londres. Mais les pavés n'intéressaient pas Cendre, qui considérait les toits beaucoup plus attrayant. Les tuiles trempées claquaient mollement sous ses chaussures tandis qu'il finissait sa ballade nocturne quotidienne. Arrivé en haut d'un vieil immeuble, il rentra par une lucarne et posa son sac sur la petite table de son appartement sous les combles. Dans ce sac reposait tout les bijoux de la duchesse de Manchester.

***

10 h 30. Le journaliste Theodorus se penchait sur les dossiers qu'on lui avait fourni le matin même. Encore un vol, de génie qui plus est, car aucun indice ne laissait supposer ne serait-ce que l'ombre d'un coupable. Alors Theodorus enchaînait les cafés et les cigarettes en fixant ce dossier duquel il devait pondre un article fantastique. Tu parles d'une galère !

- Alors... dit-il en passant une main dans ses mèches blondes. Que dire sur ce voleur mis à part qu'on ne sait rien sur... sur rien en fait.

Il but une gorgée de café comme pour se donner du courage, tout en fusillant sa feuille blanche de ses yeux verts. Carrant son mètre soixante-dix dans le dossier de son fauteuil, il ébouriffa ses mèches blondes déjà passablement en désordre et se remit au boulot.

- Un autre coup de génie du voleur secret... Hum, le titre n'est pas vraiment ce que je souhaite, mais bon, c'est accrocheur donc ça fera l'affaire !

Il commença à écrire une ébauche qui servirait d'article. Puis au bout de dix minutes, il n'en put plus, alors il sortit dehors pour se changer les idées.

Dehors, la foule allait bon train tandis que Theodorus partait à la recherche de son bistrot préféré, quand une Mécamoto faillit le renverser sans autres forme de procès.

- Chauffard ! cria Theodorus.

Le motard ne réagit pas plus que ça, et le journaliste ne tarda pas à le voir disparaitre au coin de la rue, ses cheveux châtains en pétard agités par la vitesse.

Theodorus ramassa son chapeau tombé à terre, et entra dans le Café du Bougeoir.

À peine installé à sa table, le barman se dirigea vers lui pour lui demander :

- Alors, les nouvelles ?

Le barman adorait savoir tout avant les autres, et Theodorus appréciait tout autant les réducs qu'il avait en retour.

- Un petit remontant avant, veux-tu, j'ai la gorge sèche ! négocia Theodorus.

Le barman accepta et servit un verre de bière ambrée au journaliste avant de lui reposer sa question initiale.

- Pour commencer, le roi des voleurs a encore frappé cette nuit. Chez la Duchesse de Manchester en prime, et, comme d'habitude, aucun indice n'a été laissé, soupira-t-il avant d'ajouter :

- Il pourrait laisser un indice, au moins. Ça rendrait les choses plus palpitantes et mes articles n'en seraient que plus intéressants ! plaisanta Theodorus.

- Il ne serait pas aussi intéressant si il avait des failles, ton voleur, rigola le barman.

- Oui, mais je gagnerait mieux mon pain ! plaisanta Theodorus.

- Tu auras les moyens de t'acheter un moyen de transport, dans ce cas !

- Bof, quand je vois les chauffards qu'il y a dehors ! J'ai failli me faire renverser rien qu'entre les bureaux et ici !

- Eh oui, soupira le gros bonhomme. Les gendarmes ont quelques problèmes en ce moment avec les Mécamotos. C'est pas du tout régulé, ces engins...

Le journaliste but une nouvelle gorgée avant de grogner de mécontentement.

- Et puis je n'aime pas ces engins. C'est gros, ça fait beaucoup de bruit, et ça te fait un trou dans le porte monnaie... Mes jambes me conviennent parfaitement ! Elles sont sûres, ne font pas de bruit et sont écologiques !

- C'est vrai... Mais avoue plutôt que ton salaire actuel ne te permet pas d'en avoir, taquina le barman.

En guise de réponse, Theodorus claqua le dos du barman fermement, légèrement énervé par cette remarque qui s'avérait véridique au plus grand malheur de notre journaliste.

- Ne parles pas de ce tu ne connais pas, vieil homme, le charria Theodorus. Bon, il va falloir que j'y retourne, je ne suis pas payé pour venir boire ici...

Sur ce, il laissa de quoi payer sa boisson et repartit en direction de son bureau en flânant sur le chemin.

La journée se passa tranquillement et Theodorus rentra chez lui après avoir livré son article à son patron. Il l'avait finalement intitulé : «le roi des voleurs a encore frappé, la duchesse de Manchester n'y a pas échappé».

Le lendemain matin, le journaliste sourit en voyant les attroupements qui se créaient autour des garçons-journaux, qui hurlaient avec entrain les nouvelles.

- Ça a fait un carton, fit son patron tandis qu'il entrait dans les bureaux du journal. On peut dire que ton roi des voleurs a monté les chiffres de l'Acternité !

Ce fut avec un grand sourire que Theodorus s'assit à son bureau. Jusqu'à ce qu'il aperçoive le couteau mécanique qui y était planté.

Un mot y était accroché.

«J'ai beaucoup aimé votre article à mon sujet, je dois dire que vous me faites une magnifique publicité ! Mais franchement, le "roi" seulement ? Au plaisir de vous revoir, cher Theodorus Jarkins.

Le dieu des voleurs»

Enfin, un indice !!

De la Cendre sur les toits de LondresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant