Chap 10, portrait robot

24 8 11
                                    


Le lendemain, tout les garçons de journaux de l'Acternité hurlaient :

- Le visage du voleur enfin révélé ! Son identité reste toujours inconnue, mais l'enquête avance ! Quiconque reconnaîtra ce visage sera le bienvenu au poste de police pour nous faire part de son témoignage !!

Et ça n'en finissait plus !

À peine Theodorus arriva-t-il aux bureaux que son patron lui passa le combiné du téléphone : la police l'attendait immédiatement au poste.

Quelques minutes plus tard et le journaliste contemplait une énorme file de gens qui attendaient leur tour. Il reconnut notamment le barman, qui lui fit signe en le voyant :

- Eh bien tu as fait fort ! Avec ça, impossible que tu ne le prenne pas, ton voleur !

- Tu l'a vu, toi ? demanda Theodorus.

- Tu va pas me croire, c'était un client régulier du Café du Bougeoir !

Un sourire éclaira le visage de Theodorus tandis qu'il voyait la foule. Décidément, notre voleur était connu dans le coin. Il ne pourrait plus sortir dans la rue sans être embarqué !

Un sourire vainqueur étira son visage et il demanda aux policiers à pouvoir parler avec le barman, n'ayant pas envie de perdre plus de temps. Ces derniers acceptèrent, n'y voyant aucun problème. Ils les menèrent donc dans une salle tranquille du commissariat. 

- Que sais tu sur lui ? Son nom peut-être ? lui demanda Theodorus en le fixant avec avidité.

- Tu risques d'être déçu, mon pauvre... Je ne sais presque rien à part qu'il vient souvent au café et qu'il commande toujours un demi... Mais c'est généralement seul. Il lit souvent ton journal, aussi. Ah, si, il y a quelque chose que je peux te dire !

«Une fois, un gars était venu en voulant casser du bonhomme. Il voulait que je le serve gratuitement ou bien il me refaisait la figure. Et bien ton voleur s'est interposé et a commencé à jouer avec l'autre. Et là, je te jure qu'il m'a fait peur. Il lui a cassé la gueule salement, et avec un grand sourire. Après, les potes du gars ont traîné dehors leur ami à moitié mort et ton voleur a disparu. Mais je te jure qu'il m'a filé les jetons !»

- Tout ça pour te dire de quand même te méfier, continua le barman.

- Ça s'est passé quand ? demanda Theodorus, un peu frustré de ne rien connaître de plus quant à son identité.

- Bah, je dirai un mois, deux mois ?

- Merci quand même...

Theodorus s'éloigna de lui et voulut rejoindre le hall du commissariat quand il fut tiré par la manche. C'était sa concierge. Il avait encore oublié d'aller la questionner.

- Mme Furet ? Mais qu'est ce que vous faites là ?

- C'est mon neveu, j'en suis sûre, c'est un salaud ! (Elle montra une photo d'un adolescent châtain avec une veste en cuir et un bandana rouge sur le front.) Regardez, c'est lui !

Ça n'était absolument pas lui, à part quelques traits du visage qui étaient similaires, ça ne ressemblait pas du tout ! De toute évidence, notre voleur avait pris pour fausse identité quelqu'un de déjà existant et qui lui ressemblait un peu. Parfait pour brouiller les pistes ! Mais la mémère en colère semblait bien décidée à coffrer son neveu. Les disputes ont la peau dure, dirait-on.

Theodorus prit en main la photo et soupira intérieurement.

- Mme Furet, commença Theodorus. Le voleur est certes un homme châtain mais il ne ressemble pas vraiment à cela, votre neveu n'y est pour rien. Je vous remercie cependant de votre coopération.

En entendant ça, la concierge lâcha Theodorus et balbutia quelques injures sûrement destinées à son neveu (espérait Theodorus) avant de repartir en dehors du commissariat. Theodorus, quand à lui, resta quelques heures en plus pour écouter les témoignages des gens qui ne s'avérèrent que peu fructueux, mais il récolta tout de même quelques informations qui, priait-il, pourraient être utile.

Il rentra chez lui alors que le soleil déclinait, peignant le ciel de couleurs fauves. Sur le chemin, il se félicita de ne pas avoir eu le temps d'interroger la concierge le jour de la visite de ce voleur. Cela l'aurait embrouillé plus qu'autre chose.

Une fois chez lui, il alla noter les informations qu'il avait obtenu lors de cette journée dans son calepin, attablé avec une tasse de tisane. Ç'avait été des journées trop mouvementées, avec trop de bruits et de gens autour de lui, bref, des journées comme il n'aimait pas. Il avait besoin de repos. Ou du moins de calme.

Theodorus soupira longuement et son regard se posa sur le rebord de sa fenêtre, celle là même par laquelle son visiteur surprise était parti. Il regardait tranquillement dehors quand il remarqua quelque chose sur le linteau : une nouvelle petite figurine de lutin remplaçait la première, avec une tignasse en piques au dessus de la tête et un air boudeur sur le visage.

«Ce pourrait-il que je t'ai vexé, petit voleur ? songea fièrement Theodorus, un sentiment de supériorité pointant le bout de son nez. Pour une fois que c'est moi qui gagne contre toi.»

Theodorus fut interrompu dans sa réflexion vengeresse par le téléphone mural qui donna de toute sa puissance, sa cloche martelée façon réveil matin par deux petits marteaux hystériques.

- Oui allo ? répondit-il poliment.

- C'est l'agent Frément, du commissariat. On a coffré votre homme, il faut que vous veniez vérifier que c'est bien lui.

- J'arrive.

Theodorus enfila son imper en grognant, rejoignit le tram suspendu et se rendit au commissariat, traînant les pieds mais malgré tout impatient de voir sa réussite. Mais bon, ça n'aurait pas pu attendre le lendemain, tout de même ? Il commençait déjà à faire nuit.

À peine eut-il mis les pieds dans le poste qu'on l'emmena dans une arrière salle, où un grand gars châtain attendait avec un air bougon derrière une table.

- Je vous dis que ce n'est pas moi.

Theodorus resta bouche bée dans l'encadrement de la porte. Le gars en face de lui correspondait en tout points au portrait robot. Mais ce n'était pas le voleur.

Il avait le même petit trou dans le sourcil droit, la même petite cicatrice sur la pommette gauche. Les mêmes tâches de rousseurs discrètes sur le nez. Le même anneau dans le lobe gauche. Les mêmes cheveux châtains en pétard.

Mais ce n'était pas du tout le bon visage qui portait toutes ses marques.

De la Cendre sur les toits de LondresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant