Chap 2, le couteau

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Quand Theodorus vit le couteau mécanique planté dans son bureau, il se redressa sur son fauteuil, un frisson lui parcourant l'échine.

- Tsss, mon bureau est abimé, maintenant, soupira Theodorus. Il aurait pu le poser dessus, tout simplement. Si le patron voit ça, je vais me faire tuer, déglutit-il.

Il lut le mot après avoir déplanté l'arme du bois de son bureau, en le prenant avec un mouchoir.

- Ah... C'est pour le moins surprenant, fit-il après une première lecture. Tu connais mon identité mais pas moi. C'est injuste, roi des voleurs, dit-il en s'accoudant à sa fenêtre qui donnait sur la rue en pleine effervescence.

Il plia le mot et le fourra dans sa poche.

Puis il chercha un sachet en papier et rangea le couteau mécanique à l'intérieur, en prenant garde à ne pas toucher sa surface.

Ensuite, il passa son manteau pour repartir comme il était venu.

- L'enquête continue ! lança-t-il à son chef sur le pas de la porte.

Il sortit dans les rues agitées et se dirigea vers l'arrêt de tram suspendu le plus proche.
Les wagons ne tardèrent pas à arriver, tractés le long de leurs câbles.

Theodorus en sortit quelques arrêts plus tard. Il descendit pensivement les escaliers métalliques qui reliaient la station au sol, puis entra dans une boutique dans un recoin du boulevard.

- Salut, John ! salua-t-il en entrant dans la petite échoppe. J'ai des trucs à te faire analyser !

Le dénommé John était enseveli sous un tas de paperasses dans un magasin des plus bordéliques.

Le gros barbu extirpa sa tête de ce capharnaüm, une lueur d'intérêt dans les yeux.

Un grand geste débarrassa son bureau et il commença à expertiser le couteau et le message.

Au bout d'une demie heure, il releva la tête.

- C'est du très bon boulot, ton voleur n'a laissé aucune marque !

Theodorus, qui attendait avec impatiente les résultats, tomba des nues lorsqu'il entendit le verdict de John. Il tenait enfin une piste et elle avait disparue aussi vite qu'elle était apparue, ses espoirs de coincer son voleur et d'écrire un superbe article avec.

- C'est pas possible ! râla Theodorus. Il a forcément dû laisser une trace !

- Aucune. Nada. Niet. Rien. Il n'y a pas le moindre indice. Il s'est bien foutu de toi, mon coco, ajouta John en prenant appuie sur le comptoir, d'un ton neutre et catégorique.

Theodorus se laissa tomber par terre, et grommela quelques mots incompréhensibles.

- Si je l'attrape, il va voir de quel bois je me chauffe, on ne se joue pas de moi comme ça ! Bon je vais retourner là bas et annoncer la mauvaise nouvelle au journal... pesta Theodorus, légèrement vexé de s'être emballé pour si peu.

Sur le chemin du retour, il défia du regard le couteau emballé dans son sac en papier.

***

John regarda pensivement le journaliste s'éloigner à travers la vitrine, puis retourna à ses affaires. L'antiquaire était perdu depuis deux bonnes heures dans l'expertise de vieux manuscrits quand il entendit la porte de l'arrière boutique se fermer doucement.
L'antiquaire se retira au fond de son échoppe pour trouver Cendre, assis tranquillement dans un large fauteuil, ses longue jambes appuyées au bureau et ses cheveux châtain tombant nonchalamment devant ses yeux gris.

- Salut John ! sourit-il.

- Nouvel arrivage ?

- Regarde par toi même.

John s'installa à son bureau et ouvrit le sac qui y était posé. À l'intérieur reposait de somptueux colliers de pierreries.

- Sacré joyaux, siffla l'homme. Je le vendrai en pièce détaché, celui là. Il est trop reconnaissable. Mais ça devrait pas trop baisser les prix.

Cendre sourit, vautré dans son fauteuil, de ce compliment invisible du vieil homme. John n'en disait jamais rien, mais il était toujours épaté par les talents de voleur du garçon.

John finit par s'arracher à la contemplation de ces pièces magnifiques pour relever la tête.

- Ton pourcentage pour les bijoux de Manchester est là où tu sais. Cinquante pour cent, comme convenu.

Cendre hocha la tête, puis s'en alla comme il était venu, comme une ombre.

- Au fait, rajouta John avant qu'il disparaisse complètement. Fais gaffe quand tu laisse des objets, il restait encore des traces sur le bout du pommeau de ton couteau !

- T'inquiètes pas, répondit Cendre. C'est pas les miennes ! Mais il fallait bien lui donner un bout d'indice à notre détective, non ?

John rit face à la remarque de Cendre.

- Tu es horrible Cendre... Tu l'aurais vu, il était heureux de venir ici. Il pensait tenir une piste et quand je lui ai dit qu'il n'y avait rien, il est tombé par terre !

Il sourit en se remémorant la scène.

- Tu comptes jouer un peu avec lui, Cendre, n'est-ce pas ?

Il le regarda avec sérieux dans les yeux, ses lunettes lui tombant sur le nez renforçant un peu l'aura sérieuse qu'il dégageait.

Cendre sourit en voyant l'air de connivence de l'antiquaire qui ressemblait tout à coup à une commère de village.

- Peut être, ça dépendra de comment il répondra au jeu !

Sur ces mots, il disparut par la porte arrière de la boutique.
John tenta de regarder où il voulait aller mais à peine avait-il sortit la tête de la porte arrière du magasin que le jeune homme avait disparu. Il observa la ruelle un instant mais ne vit nulle part de traces de Cendre. Alors il haussa les épaules et rentra dans son antre.

De la Cendre sur les toits de LondresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant