Chap 20, un plan foireux comme on les aime

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- Laisse moi réfléchir... (Theodorus prit sa tête entre ses deux mains et ferma les yeux pour mieux se concentrer.) J'ai peut-être une idée si on part du postulat que des groupes vont se former. Du genre noblesse, police et peuple. Il faudrait infiltrer l'armée et le peuple. Les nobles vont se mettre des bâtons dans les roues mutuellement et donc il n'avanceront pas, et on ne pourra de toute façon pas infiltrer la Cour. Donc ce n'est pas le plus urgent. Par contre, la police doit grouiller d'adeptes du Sycomore, tu iras là. De mon côté, je flânerai dans les bars en plus de mon travail de journaliste. Auprès de la population, j'en apprendrai plein. Puis on se communiquerait les informations de telle manière que l'on saurait ce qu'il se passe chez l'autre sans avoir besoin d'y être. Qu'est-ce que tu en penses ?

Cendre éclata de rire.

- Attend, tu veux m'envoyer MOI infiltrer la police ? Alors que tu leur a envoyé mon portrait robot il y a moins d'une semaine ! Mais tu es génial !

Theodorus fronça les sourcils, ne sachant pas si il s'agissait d'ironie ou si le voleur était sérieux.

- Désolé, on fera autrement, se justifia-t-il. Je peux infiltrer la police sous prétexte que je suis journaliste, et toi tu...

- Tt-tt, l'interrompit Cendre avec un grand sourire. C'est hors de question. J'adore beaucoup trop cette idée pour que tu reviennes dessus.

- Hein ? balbutia le journaliste.

- J'irai infiltrer la police, ça va être drôle. Et puis c'est sûrement là qu'on va trouver le plus de réponses. Et dans tout les cas, ils ne laisseront jamais un journaliste se mêler de leurs petites affaires dans une période aussi tourmentée. En plus, ils vont engager dans tout les coins maintenant que la situation devient craignos. J'ai juste à me trouver des faux papiers pour parfaire mon image de bon petit citoyen.

- Et tu vas trouver ça où ? demanda le blond, sceptique.

Un sourire malicieux vint remplacer celui émerveillé d'enfant le matin de Noël de Cendre.

- Il y a différents styles d'artistes à l'Angelo Diablo, dit-il avec un ton de commérage. Dont des falsificateurs. Et pas des moindres.

Les sourcils de Theodorus se froncèrent encore d'un cran, si bien qu'ils se touchèrent en leur milieu.

Cendre lui adressa un nouveau sourire, de connivence ce coup ci.

- T'as assez de forces pour te lever, la belle au bois dormant ? Il est temps que je t'emmène faire le tour du propriétaire.

Theodorus grogna en se redressant, mais il avait recouvré assez de forces pour pouvoir aligner trois pas.

- Amène toi.

Le journaliste suivit le voleur à travers la maisonnée, étape par étape, parce qu'il n'était pas non plus flamboyant comme un sou neuf.

Ainsi, le journaliste fit la connaissance des étranges habitants de l'Angelo Diablo, artistes plus ou moins légaux.

L'habitat dans lequel ils se trouvaient était une vieille bâtisse à trois étages. Ça avait l'air d'être une ancienne auberge. Un couloir central divisait le pallier en deux, des chambres de tailles variables s'alignant de chaque côté. Chacune abritait un artiste ainsi que ses créations. L'ambiance qui régnait dans les couloirs était particulièrement familiale et agitée. Des éclats de voix surgissaient d'un peu partout, se répondant parfois d'un bout à l'autre du bâtiment. Au rez de chaussée se trouvaient les pièces communes : salle à manger, cuisine, salle de détente... où tout ce petit monde se retrouvait dans un tumulte sympathique de discussions et débats, entrecoupés d'éclats de rires et de voix.

Le journaliste, après avoir réussi à descendre les escaliers sans les dévaler sur les fesses, expira de répit. Ce détail n'échappa pas au voleur qui lui offrit son plus beau sourire narquois :

- Alors Grand-père, tu as survécu aux escaliers ?

Theodorus répliqua avec vigueur presque naturellement d'aller voir ailleurs si il n'y était pas.

- Oh là, doucement Grand père ! Tu risques l'infarctus à t'agiter comme ça !

- T'as bien de la chance que je n'ai pas de canne sinon je m'en serais servi pour te battre jusqu'à ce que toute bêtise soit sortie de ton corps !

- Ça va prendre du temps ! s'exclama Cendre au milieu d'éclats de rires.

Décidément, ce voleur n'était pas si désagréable, en fin de compte. Enfin, à partir du moment où les deux hommes se trouvaient dans la même équipe. Theodorus voyait déjà les avantages d'un contact dans le monde sombre de Londres, après un retour à la normale : les gros titres n'en seraient que plus alléchants !

- Bon, allez, dépêche toi ! On ne va pas camper ici ! Il y a du monde qui nous attend !

Sur ces mots, il se remit en route, Theodorus suivant derrière avec un pas encore boitillant mais de plus en plus assuré.

Finalement, le duo s'arrêta devant la chambre numéro 52. Cendre donna trois coups secs sur la porte qui s'ouvrit quelques instants plus tard sur une jeune fille d'environ un mètre cinquante. Elle avait des yeux bleus clairs, un visage fin et une peau très claire. Des cheveux blonds attaché en couettes basses tombaient sur ses frêles épaules.

- Hey, salut Oriane, commença Cendre en s'adossant contre l'encadrement de la porte. Comment vas-tu ? Dis voir, j'aurai besoin de tes services, il faudrait qu...

Il fut interrompu par la main d'Oriane, levée devant elle. Les traits de son visage laissaient deviner son exaspération. Ou son habitude ?

- Écoute, Cendre, tu sais que je t'apprécie beaucoup, mais mon affection envers toi n'est pas infinie. Elle diminue notamment quand tu ne me paies pas la totalité de ton dû.

Cendre eut un léger rire nerveux.

-  À ce propos, ne te fait pas de soucis, je te paies d'ici quelques jours ! Je voudrais qu...

La main d'Oriane l'interrompit de nouveau.

- Et donc tu comptes creuser encore un peu plus ta dette ? Est-ce vraiment judicieux, je te le demande, Cendre ?

Theodorus ne put s'empêcher d'éclater de rire. Vraiment cette scène était hilarante ! Cendre et Oriane lui jetèrent un regard interrogateur, se rappelant soudain sa présence.

- C'est juste que... Vous voir ainsi tous les deux... (Entre deux éclats de rire, Theodorus essayait vainement de s'expliquer.) Toi, dit-il en désignant Oriane, tu es si jeune et pourtant tu as l'air plus mature que Cendre... Et Cendre, il ressemble à un enfant qui cherche à convaincre ses parents mais qui s'enfonce dès qu'il ouvre la bouche, alors qu'il est bien plus vieux que toi !

- C'est très gentil tout ça, journaliste ! déclara Cendre en tapant l'épaule de Theodorus. (L'épaule meurtrie, bien évidemment, ce qui eut pour effet de faire cesser net les éclats de rire de Theodorus.) Je disais donc avant de me faire interrompre, continua Cendre en lançant un regard aux deux autres. Il me faudrait une nouvelle identité et au plus vite. C'est pour une affaire urgente, Oriane. Je te paierai bientôt, ne t'inquiètes pas, ajouta-t-il après avoir croisé le regard sceptique de l'adolescente.

De la Cendre sur les toits de LondresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant