Theodorus hocha de la tête légèrement grisé par l'adrénaline, et se reconcentra.
- Suis moi.
Rapidement mais le plus silencieusement possible, Cendre monta les échelons, suivit comme son ombre par Theodorus.
L'ascension parut interminable au détective. Ses muscles commencèrent à se plaindre et le vent semblait souffler de plus en plus fort plus il montait, comme si même l'air voulait le faire tomber.
Il jeta un œil au bas et le regretta aussitôt.
Il finit par se hisser difficilement sur le toit de la serre, légèrement essoufflé, aux prises avec un puissant vertige qui pointait un nez gros comme un pic, un cap, que dis-je, une péninsule !
Le toit était sous la forme d'une longue plateforme de taule, de laquelle partait les plaques de verre, encastrées dans une armature en dôme.
- Tu veux savoir pourquoi le verre n'a pas explosé ici ? demanda Cendre.
- Oui ?
- Le verre est blindé. Avec un alliage très léger de latex pour résister aux chocs. En gros, du verre par-explosion.
- C'est eux qui te l'ont dit ? chuchota Theodorus, curieux.
- Non, rassure toi. J'ai très peu de rapports avec eux. Non, j'avais pris un carreau que j'avais fait analyser sur une intuition, ils ne me paraissaient pas avoir un son de verre normal. Mais ça veut dire que leur QG est ici depuis très longtemps et qu'ils ont beaucoup de moyens.
Theodorus acquiesça par une onomatopée.
- Tu as dis "j'ai très peu de rapports avec eux". Donc tu en as quand même eu. Quels étaient-ils ?
- T'as pas vraiment compris, je n'ai jamais eu à voir avec eux, répondit Cendre avec une certaine impatience. Tu es têtu, hein ? Mais je t'expliquerai tout ce que je sais après ça. Sans vouloir te vexer, c'est un petit peu dangereux ce qu'on fait là maintenant.
Cendre s'avança le long de la plaque de taule qui constituait le toit à la manière d'un funambule.
Theodorus soupira. Ils avait vraiment envie d'en savoir plus, mais il n'avait réussi à arracher presque aucune info à ce satané voleur. Tant pis, il essayerait une fois descendu de ce perchoir. En attendant, le vent sifflait entre les plaques de verre, ne faisant que renforcer l'impression d'instabilité du détective. Ce qui n'était pas qu'une impression, d'ailleurs.
- Amène toi, souffla Cendre, accroupi à cinq mètres de lui.
Le journaliste avança vers lui en tâchant du mieux qu'il pouvait de ne pas faire de bruit, et s'accroupit à son tour près de la lucarne entrouverte par les soins du voleur.
Cendre se glissa à l'intérieur, et se posa sans un bruit sur le sol. Theodorus le suivit, certes un brin moins silencieux. Les deux hommes se tassèrent silencieusement au sol, leurs visages dépassant du rebord de la passerelle métallique qui longeait le dessous du toit de la serre.
De ce point de vue, ils voyaient à la perfection le conseil de guerre qui avait lieu en dessous d'eux. Une table sur laquelle étaient étalés des plans et papiers de toutes sortes était entourée d'une vingtaine d'hommes et femmes, au milieux des palmiers et autres plantes tropicales.
- C'est le moment où tu sors ton carnet et tu notes tout ce que tu entend, murmura Cendre, son visage châtain penché entre les barreaux.
Theodorus sourit et sortit son carnet pour noter de manière rapide tout ce qu'il entendait.
- Ça, tu n'as pas besoin de me le dire, c'est mon métier, répondit Theodorus en envoyant un regard assuré au voleur.
Une carte mentale prenait forme sur le carnet, suivie de plusieurs annotations semblables à des hiéroglyphes.
- Au fait, chuchota t-il, depuis quand tu sais que j'ai un carnet ? (Il accompagna ces paroles d'un regard accusateur.)
Quelques mètres en dessous, les membres de cet étrange conseil fomentaient leur plan et discutaient de l'ampleur médiatique de leur attentat.
- Ça, c'est pas compliqué, tu es journaliste et tu as toujours ton carnet dans la main. Il faudrait que tu arrêtes d'être parano, petit journaliste, sourit le voleur. Faire des déductions ne revient pas à espionner quelqu'un h/24.
Theodorus leva les yeux au ciel et se reconcentra sur la discussion qui avait lieu en dessous.
« Au vu de l'ampleur de l'explosion, la reine n'a aucune chance d'y avoir échappé. Et les autres du château non plus, sauf les domestiques vu que notre agent infiltré les a fait sortir.
- Il était sensé les éloigner de l'explosion, mais vu l'ampleur qu'elle a eu, rien ne nous assure qu'ils soient toujours en vie !
- L'agent m'a envoyé les nouvelles juste après par mécapigeon, les domestiques ne sont pas blessés, il les as tous fait sortir par question de sécurité.
- Mais c'est stupide ! Il ne va faire que les rendre suspects en agissant comme ça !
- Ils auraient été les premiers suspects dans tout les cas ! C'est toujours les petites gens qui sont accusés les premiers !
- Calmez vous, ce n'est pas le moment de s'énerver.
- Bon, qu'est ce qu'on fait pour la suite ?
- Pour le moment rien. On attend d'avoir toutes les infos et on envoie tout au Sycomore.
- Je propose qu'on aille voir l'Agent dès que possible, on a besoin de savoir pourquoi l'explosion a été aussi importante.
- Dans ce cas, il faut surtout aller voir le Technicien. C'est lui qui a dû foirer quelque chose.
- À mon avis, c'était pas du foiré. C'était programmé. Il a toujours été extrémiste, au point d'en être inconscient. »
Les hommes et femmes hochèrent la tête, puis déclarèrent la réunion terminée et se séparèrent, laissant juste dans la serre deux apprentis espions et une table perchée dans les fougères.
- On y va ? murmura Cendre.
Theodorus ne répondit pas tout de suite. Il regarda sans leur prêter attention les hommes et femmes se disperser. Puis il releva la tête et acquiesça.
- Le sycomore... C'est un arbre plutôt imposant, marmonna t-il. Qu'en penses-tu ? S'agit-il d'un nom de code ?
- Je les ai souvent entendu parler de lui et ils le mentionnent comme un homme, alors je pense que c'est un membre de leur groupe, à mon avis leur chef.
- Et tu pense que...
Cendre l'interrompit en lui posant un doigt sur la bouche.
- Je préférerais qu'on se sauve d'ici avant de se lancer dans les théories douteuses et les plans foireux.
Theodorus hocha la tête et se releva derrière Cendre. Il le regarda se hisser sur le toit et jeta un œil au bas de la serre.
Il n'y avait personne, et la table était toujours recouverte de papiers qui avaient l'air très intéressants. Peut être le moyen idéal de trouver des informations en plus ?
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De la Cendre sur les toits de Londres
Bí ẩn / Giật gânTheodorus, détective et journaliste dans un Londres steampunk, enquête sur une mystérieuse série de vols dans la haute bourgeoisie. Mais tout ne se passe pas comme prévu : entre les comtesses un peu envahissantes, les complots contre la couronne et...