Chap 26, la secte phiiste

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Le général Redbean se faufilait dans les rues, son chapeau vissé sur son crâne pour qu'on ne le reconnaisse pas, emmitouflé dans son grand imper. D'un air de conspirateur, il passa la porte d'un hôtel miteux et toqua à la porte 34.

– Entre, fit une voix grave depuis l'intérieur.

– Sycomore, salua-t-il bien bas en pénétrant dans la pièce, réaménagée en bureau.

– Les nouvelles ? fit la grande silhouette enrobée de fumée de cigare dans l'obscurité de la pièce.

– Le pouvoir échappe totalement à notre contrôle, Sycomore, fit Redbean de sa voix aigre. L'évêque ne m'écoute pas et refuse d'être conseillé.

Un silence plana dans la pièce, éclairée seulement par le bout rougeoyant du cigare. Puis, un nouveau nuage vint s'ajouter aux précédents :

– Alors il va falloir s'en mêler de force.

***

Theodorus fumait tranquillement dans un canapé d'une des pièces communes de l'Angelo Diablo quand Cendre vint se vautrer à côté de lui. Ils venaient de finir une nouvelle réunion où chacun tirait des plans sur l'ours et vendait la peau de la comète avant de l'avoir tuée, tout en imaginant le pire. Ils avaient bien besoin d'une pause.

– Oh, t'as vu que le cirque venait quand même ? fit Theodorus. Je trouve ça vraiment bien, ça va sortir les gens de leur morosité !

– Bof, je suis pas très cirque, grimaça Cendre en craquant sa nuque.

– Quoi ? se redressa le journaliste avec de grands yeux ronds. T'aime pas le cirque ?

– Non, c'est grave ? se moqua le voleur en haussant un sourcil.

– C'est la meilleure chose du monde, le cirque ! s'écria Theodorus ! C'est...

– Avant que tu partes dans tes grands élans lyriques, j'aurai une question à te poser, l'interrompit l'autre. C'est quoi la secte phiiste ?

Theodorus s'enfonça dans le dossier du canapé et sa mine se renfrogna. Ses yeux cessèrent de pétiller, laissant régner un éclat terne et pensif.

Il tira une bouffée sur sa cigarette puis expira la fumée.

– Les Phiistes ? C'est des illuminés... maugréa-t-il.

– Je me doute, c'est une secte. Non, ce que je veux savoir c'est leur fonctionnement. Comment s'organise leur culte, autour de quel préceptes s'articule-t-il ? força le voleur, voulant à tout prix obtenir des informations.

– Et pourquoi penses-tu que je saurai ça ?

– Tu as une tête de quelqu'un qui sait. Dans mon métier on apprend à repérer les têtes qui savent, se moqua le voleur.

La remarque arracha un petit rire au journaliste.

– Des têtes savantes ? Je suis flatté !

– Oui, mais là n'est pas le sujet. Que sais-tu réellement sur eux, Tête Gonflante ?

Theodorus soupira :

– Installe toi bien, tu vas entendre un sacré paquet d'âneries.

« La secte Phiiste est une secte de petite envergure d'habitude discrète. On y entre après une longue période d'attente et une batterie de questions destinées à savoir si tu vaux le coup d'intégrer la secte, et si tu peux lui apporter quelques choses en plus.

Mais d'après ce que j'ai vu hier, ils semblent vouloir recruter de nouveaux adeptes, peut être ont-ils besoin de sang frais. À force de rester entre eux, leur intelligence s'annule et ils deviennent encore plus bête que ce qu'ils sont déjà !

Leur culte est voué à une divinité appelée Phi qui est représentée comme une flamme de bougie. Elle symbolise la connaissance révélée par la divinité. Selon eux, chacun peut en hériter, il faut juste se préparer à percevoir le monde sous un autre angle.

D'après ce que j'ai compris, c'est une bougie car c'est un symbole simple. Tout le monde en a une chez soi. Une flamme de bougie peut quant à elle paraître dérisoire mais c'est comme ça que commencent les grands incendies. Puis plusieurs flammèches réunies forment un grand feu. Des trucs du style, quoi.

Bref, ils veulent que l'État n'ai aucun secret pour son peuple, mais surtout pour les Phiistes car les autres vivraient encore dans le mensonge. En plus, ils qualifient le système politique en place de corrompu et de menteur. L'idéal, pour eux, ça serait de mettre en place leur propre système politique, similaire à une monarchie de droit divin. Le chef de secte à la tête du pays, leurs premiers fidèles auraient des places importantes pour les remercier de leur loyauté, puis les fidèles récent et ensuite, en bas de la pyramide sociale les "aveugles" ceux qui ne voient pas, ceux qui ne savent pas, ceux qui ne font pas encore partie de la secte...

Et si ils veulent faire une armée... Et bien c'est sûrement pour pouvoir accéder aux pouvoir et mieux y rester... »

Cendre siffla :

– Ah ouais, effectivement ! C'est des visionnaires avec des œillères... Comment ça se fait que tu saches tout ça ? Tu as relu les archives en prévision d'un contrôle ? taquina Cendre.

Theodorus se décolla du dossier du canapé pour étirer son bras en direction de la table où trônait une tasse de café autrefois fumante. Il la ramena à ses lèvres et en avala quelques gorgées, avant de la remettre sur la table, puis porta sa cigarette à ses lèvres avec un air pensif sur le visage. Le voleur le questionna du regard sur la raison de sa réflexion.

– Franchement, j'ai goûté mieux comme café...

Cendre sourit à la remarque, puis invita Theodorus à répondre à sa question.

– Oui, bon, c'est vrai, je me suis intéressé à eux il y a de cela quelques années ! Mais c'est parce que mes parents voulaient rejoindre la secte quand j'étais enfant, mais comme je te l'ai expliqué, avant d'en faire parti il faut être approuvé. Et eux ne l'ont pas été, les Phiistes voyaient aucun intérêt à ce que mes parents rejoignent la secte. Du coup, ils ont été recalés, conclut-il.

Il tendit un doigt accusateur en direction de Cendre, un regard déterminé sur le visage.

– Maintenant, à ton tour de parler ! Explique moi pourquoi tu n'aimes pas le cirque ? Est-ce vraiment possible de ne pas être émerveillé devant ces tours hallucinants ? De rester de marbre devant la magie du cirque ?

De la Cendre sur les toits de LondresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant