Chap 17, roulette russe

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Theodorus avait abattu son gourdin de fortune sur la bras gauche du fuyard, déviant le canon de l'arme de sa poitrine. La frayeur lui avait fait porter son coup avec une telle force et fureur que les os de l'avant-bras du bonhomme se brisèrent net. Mais cela lui fit appuyer sur la gâchette, ses doigts se crispant de douleur. Une balle partit donc comme de juste se loger dans l'épaule de Theodorus.

Puis l'arme tomba des mains de son propriétaire, trop occupé à tenir son bras brisé. Les traits de son visage durcis par la haine et la douleur étaient mis en évidence par le clair de lune. Une lueur malsaine brillait dans ses yeux.

Theodorus, lui, se tenait l'épaule droite, de laquelle un fin filet rouge vif s'échappait pour couler le long de son bras, imbibant le tissus de sa chemise anciennement blanche. Il haletait, tout comme son ravisseur. Theodorus jeta brièvement un coup d'œil à son épaule : la balle l'avait transpercée. Une douleur lancinante lui vrillait le corps, pulsant incessamment depuis ce si minuscule trou.

À cause de l'inattention due à sa blessure, Theodorus se retrouva les fesses par terre. L'autre lui avait fauché les jambes. Les rôles étaient inversés. Theodorus gisait à terre, dominé par son ravisseur. Un pied s'abattit sur sa gorge, l'étouffant un peu plus au sol.

Un rictus sadique apparut sur les lèvres de l'agresseur anciennement agressé, provoquant un frisson d'angoisse chez Theodorus.

Pourquoi avait-il accepté de suivre ce satané voleur ? Où était-il d'ailleurs ? S'était-il fait la malle en l'abandonnant ? Le blond lui avait sûrement accordé sa confiance un peu trop vite... Si il l'avait amené aux autorités compétentes, il ne serait pas là, à la merci d'un sadique. Oui, si il l'avait amené aux autorités compétentes, il serait tranquillement chez lui, enfermé dans sa routine ennuyante mais sûre...

Dans les yeux de son ravisseur, il vit la lueur de la haine remplacée par celle de l'étonnement. Il suivit son regard et remarqua ce qui dérangeait son agresseur : le revolver n'était plus là !
Un nouveau changement survint sur le visage de l'homme, la peur semblant le figer sur place, prenant un instant le dessus sur la haine.

- Enlèves tes chaussures de mon associé ou je te fais exploser la cervelle, fit une voix froide et profonde que Theodorus identifia comme celle de son voleur.

Le cliquetis de la sécurité du revolver accentua ses paroles.

Une grimace de répulsion apparut sur le visage du terroriste révolutionnaire. Il mit cependant plus de poids sur son pied qui restreint encore la respiration du journaliste, malgré le voleur dans son dos.

- Il me suffit de marcher sur son cou pour lui briser les cervicales... (Un sourire malicieux se dessina sur ses lèvres.) Supposons que tu veuilles tirer, prendras-tu le risque que je brise accidentellement la nuque de ton ami ?

Après avoir insisté sur le mot "ami", le fuyard laissa sa phrase en suspens pour laisser le temps aux mots de s'insinuer dans l'esprit du voleur.

Un second frisson de panique s'empara de Theodorus. Elle forma une boule au niveau de sa gorge alors qu'il éprouvait déjà des difficultés à respirer. Il n'arrivait pas à croire à ce qui se déroulait sous ses yeux.

Cendre soupira avant de retirer son arme de l'arrière du crâne du fuyard.

- Ce n'est pas mon ami. Tu as peut-être raison, te tirer dessus n'a aucun sens.

Les mots du voleurs étaient froids, dénués de la moindre empathie.

Le sourire de l'homme s'agrandit encore un peu plus en voyant qu'il avait réussi à persuader le voleur, même si une expression de surprise découla de ce si brusque revirement.

Cendre baissa le canon de l'arme et se mit à la droite de l'homme, comme pour lui donner le revolver. Ce geste sembla rassurer l'homme.

Non... Voleur, pourquoi fais-tu ça ? Theodorus était choqué, chamboulé et infiniment déçu. Il allait mourir de la main d'un homme qui avait été aidé par son associé. Certes, ce voleur était mesquin, mais il ne pensait pas qu'il irait jusqu'à hâter sa mise à mort !

Il lança un regard au voleur. Colère, dégoût, tristesse, déception. Ces quatre émotions constituaient le ressenti de Theodorus envers le voleur. Il ne connaissait même pas son nom...
Que savait-il de lui, au juste ? Rien. Dès le début, le compromis entre les deux hommes était à son désavantage et ça ne pourrait pas aller mieux, cette situation en était la preuve même.

Quand son regard accrocha celui du voleur, il regretta presque immédiatement d'avoir chercher son contact. Il était vide, vide d'émotions. Aucun regret, aucune sympathie, aucune excuse tacite ! Il était simplement vide.

Cela ne fit que confirmer les hypothèses de Theodorus. C'était lui le vrai perdant dans cette histoire, le plus naïf, et il allait en payer le prix. Au moins, il n'aurait plus de motifs pour se plaindre, il ne serait plus d'ici quelques instants.

***

Cendre remarqua le regarda fulminant de Theodorus mais il conserva un visage et un regard neutre. Il remarqua aussi l'effet de son comportement sur le journaliste, ce qui au fond l'amusa beaucoup.

Le moment que Cendre attendait arriva. L'agresseur avait finalement presque baissé sa garde. Mais surtout, Theodorus occupait l'attention et l'énergie de l'homme, à se débattre comme un beau diable, alors ce dernier ne vit pas Cendre lever puis abaisser son arme violemment.

Le coup heurta la tempe de l'homme et sa vision se brouilla avant de virer au noir. Il tomba inconscient par terre, relâchant sa prise sur la gorge du journaliste.

Theodorus n'en revenait tout simplement pas, le soulagement le vidant de toute son énergie.

Cendre tendit une main vers le journaliste pour l'aider à se relever, un sourire au lèvre.

- Bon, finalement on l'a eu ! dit-il, joyeux.

De la Cendre sur les toits de LondresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant