- Ce n'est pas lui, déclara sombrement Theodorus.
- Je me tue à vous le dire, répondit le gars. Moi j'étais juste venu porter plainte contre le gars de l'affiche. Parce qu'en plus de m'avoir cassé la gueule il y a un mois et de me faire ceci (il montra les cicatrices à sa pommette et à son sourcil), il m'a fait ça pendant l'après midi. J'ai perdu connaissance dans une ruelle pas loin, et je me suis réveillé comme ça. Avec les cheveux teints en châtain, des tâches de rousseurs au feutre et un anneau dans l'oreille. En vrai je ressemble à ça (il montra une photo où on le voyait blond, les cheveux plaqués en arrière).
Les policiers tombaient des nues. Ils ne comprenaient plus rien à rien. Kaput les flics.
- Vous dites qu'il vous a cassé la figure il y a un mois ? demanda Theodorus, le cœur battant soudain plus vite. Est ce que c'était au Café du Bougeoir ?
Le cosplayeur involontaire haussa un sourcil, l'air surpris.
- Tout pile, finit-il par répondre. Comment vous le savez ?
- Allez me chercher le barman du café s'il vous plaît, ordonna Theodorus aux keufs complètement perdus.
Un peu plus tard, le barman arrivait, tout excité d'être mêlé à l'enquête, mais encore en robe de chambre au milieux des beaux uniformes des représentants de l'ordre.
- Est ce que c'est lui, l'homme que le voleur à tabassé ? demanda le journaliste hâtivement.
Le barman eut un air étonné en voyant le pauvre casseur déguisé.
- Oui, c'est effectivement lui, fit-il au bout d'un moment, l'air perplexe. Mais pourquoi c'est lui le voleur maintenant ?
- Est ce que vous vous souvenez de la façon dont il l'a frappé ? Est ce que les cicatrices datent de là ?
- Oui, c'est bien là qu'il l'a frappé. Pourquoi ?
Theodorus réfléchissait à cent à l'heure. Son voleur s'était débrouillé pour se fabriquer un double. Mais les cicatrices lui avaient été faites un mois avant la publication du portrait robot. Le voleur s'était débrouillé pour recréer les mêmes cicatrices que lui à un homme qui ne lui ressemblait pas, pour ensuite le transformer. Comme si il se préparait des issues de secours. Ou comme si il se jouait d'eux.
Quand Theodorus rentra chez lui, il grinçait des dents à en rendre jalouse la plus grinçante des portes d'histoires d'horreur, jurant de telle façon qu'un charretier se serait offusqué d'un tel langage, et le tout en claquant des pieds tellement fort que le pauvre trottoir où il se trouvait passa les trois mois suivants chez le psy. Il claqua sa porte si fort qu'elle crut un instant être reconvertie en punchingball pour boxeur enragé.
Et la vue du petit lutin au bord de sa fenêtre qui avait encore changé au cour de son absence pour être remplacé par un lutin mort de rire n'arrangea rien à son humeur. D'un geste plein de rage, le journaliste lança la figurine au travers de ses carreaux qui se brisèrent, et il shoota violemment dans la commode à coté de lui. Il eut plus mal qu'elle.
Ce satané voleur était rusé, il devait bien l'admettre même si cela lui coûtait. Il se posa et réfléchi un peu à un moyen de coincer Cendre, qui devenait très embêtant (si ce n'est enrageant). Il s'assit dans son fauteuil brun, croisa les jambes, posa ses coudes dessus et cala sa tête sur ses mains.
Après de longues minutes de réflexion, il regretta d'avoir jeté la statuette par la fenêtre. Déjà, il allait falloir réparer ces carreaux. Mais surtout, le lutin aurait peut-être pu lui donner un indice.
Theodorus était toujours assit dans son fauteuil, mains jointes sous son menton, quand un énorme, un immense «BOUM» retentit, faisant trembler tout son immeuble et brisant ses derniers carreaux.
Affolé, Theodorus se rua à sa porte, se demandant ce qu'il se passait. Ses voisins étaient tous sur leurs paliers, la même interrogation que lui à la bouche : «Qu'est ce qu'il se passe ?»
Ils sortirent tous dans la rue, qui se voyait remplie de monde à une heure où tout le monde part habituellement se coucher.
Tout le monde était affolé, au milieu des débris de verre sous leurs pieds. Plus aucun immeuble dans le coin ne possédait de fenêtre, ni de miroir d'ailleurs, au grand dâme de Mme Furet qui hurlait que «sept ans de malheur vont nous tomber dessus, c'est terrible !!»
«Ça va surtout être le bonheur des vitriers, songea Theodorus.»
Personne ne comprenait rien, et personne n'apportait de réponse.
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De la Cendre sur les toits de Londres
Mystery / ThrillerTheodorus, détective et journaliste dans un Londres steampunk, enquête sur une mystérieuse série de vols dans la haute bourgeoisie. Mais tout ne se passe pas comme prévu : entre les comtesses un peu envahissantes, les complots contre la couronne et...