Chap 24, mauvais temps pour les vieilles à chats

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Une semaine passa doucement au sein du collectif Angelo Diablo. Theodorus se remettait de sa blessure petit à petit. Il n'avait maintenant plus de mal à utiliser son bras mais il lui était toujours difficile de porter des objets lourds.

Mais si cette semaine passa doucement, elle fut loin d'être tranquille. l'Angleterre était toujours en ébullition suite à la disparition brusque de toute la royauté dont elle était la fierté. On avait à peine fini de balayer les éclats de verre qui parcouraient les pavés que la flicaille était déjà dans toutes les rues, surveillant le moindre incident, et il devenait dangereux de négocier trop fort le prix de la salade les jours de marché, cela pouvant être pris très facilement pour une attaque terroriste. Alors les métiers plus ou moins légaux du collectif durent se faire discrets. Dure période pour les voleurs à la tire ou les vendeurs à la volée...

Les journaux ne savaient plus de quel pied danser, il y avait tellement trop de neuf chaque jour que les presses de la presse ne suivaient plus.

Au collectif, Theodorus et Cendre avaient peaufiné leur plan, les nouveaux papiers de Oriane étant terminés. Cendre s'était empressé de faire son premier essai et, comme il s'en était douté, fut vite embauché. Il apprendrait sur le tas, l'état avait trop besoin d'hommes. S'en était donc ensuivit un tas de recommandations sur sa tenue, sa posture, ses manières, si bien que le voleur maîtrisait son rôle presque parfaitement pour son premier jour. L'identité qu'il s'était inventé faisait de lui un ex-comptable, ce qui fut plutôt pratique pour arriver aux archives. Il lui fallut deux jours de zèle pour parvenir au centre de la machine sans se faire remarquer, mais la dite machine était tellement débordée que ce fut d'une inquiétante facilité.

Petit à petit, Theodorus se replongea dans le vrai monde. Il commença par aller se mêler aux gens ordinaires, laissant trainer ses oreilles à droite à gauche. Il y avait beaucoup de rumeurs qui circulaient, mais c'était surtout l'angoisse de l'incertitude quant à l'avenir qui primait sur toutes les discussions. Puis il retourna à l'Acternité où on l'accueillit comme un revenant : il avait disparu purement et simplement pendant une semaine et demie, on l'avait cru soufflé par l'explosion. Theodorus s'inventa une vérité proche de cela, comme quoi il s'était trouvé près du palais au moment fatal, et s'était fait blesser par une barre de métal qui passait par là et qui lui avait transpercé l'épaule. Il sortait tout juste de l'hôpital, et était venu voir son bon vieux journal.

Son patron et ses collègues avaient continué à le regarder comme un revenant demeuré, après quoi ils l'avaient fait s'installer dans un fauteuil en l'assommant de «Tu es sûr que tu va bien ? Tu peux rentrer chez toi, hein ?». Theodorus en avait donc profité pour demander le plus innocemment du monde les nouvelles, le tout n'étant pas très clair dans les journaux.

Les soirées étaient donc fébriles, nos deux récemment alliés notant et partageant à l'autre toutes les informations importantes dénichées dans la journée, puis analysant tout cela avec d'autres membres du collectif. Et ce nouveau monde était bien inquiétant.

Le gouvernement actuel avait beau sensé être dirigé par la police et le général Redbean, la vérité était qu'ils ne maîtrisaient rien du tout. Tout le monde se tirait dans les pattes et essayait de refourguer les responsabilités aux autres, et la seule chose qu'ils avaient réussi à faire était d'avoir rempli la tour de Londres de gens qui n'avaient rien demandé à personne, sous prétexte qu'ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment.

Et comme si cela ne suffisait pas, Londres s'était vu envahir de nobliaux réclamant le pouvoir sous prétexte qu'ils étaient «les neveux par alliance de la tante de la cousine du facteur du voisin de chambrée de la reine au huitième degré». Maintenant que la famille royale et tout son entourage était morts, tout les «Sir» and «Lady» voulaient leur part des débris de la couronne.

Les manifs et mouvements lancés le lendemain de la chute au sens propre de la couronne avaient été lourdement réprimandées par la traditionnelle réponse des forces de l'ordre lorsqu'elles sont débordées : «article premier du règlement de la police : Si tu comprends pas, tu tapes.» Il n'avaient pas compris grand chose ces derniers temps.

Mais de nombreux actes, de révolte ou de révolution, avaient frappé à de nombreux endroits.

Morale de toute cette histoire : si vous êtes une petite mémé avec cinq chats, fan de cup of tea et de porridge aux raisins, restez chez vous. Les autres aussi mais particulièrement elles, les temps qui courent pourraient les surprendre.

***

On était mardi, ça ne faisait que onze jours que le collectif Angelo Diablo s'était reconverti en centre d'information quand Theodorus et Cendre arrivèrent en courant chacun d'un côté de la rue au milieu de laquelle attendait tranquillement la bâtisse du collectif.

Les deux couraient comme des fous, l'un empêtré dans sa moustache et l'autre affublé de son imper, ou l'inverse, avec une expression entre la panique et la fierté de ramasser un scoop bien que fortement teinté d'une certaine pression. Les deux arrivèrent en même temps devant la porte écaillée de l'ancien hôtel, et dirent d'une même voix :

«J'ai des nouvelles !!»

Ils s'engouffrèrent dans le bâtiment en parfait reflet l'un de l'autre et grimpèrent jusqu'au salon numéro trois, ex salle commune reconvertie en salon des opérations. Ils en explosèrent les deux portes, faisant sursauter de concert Gladys, Jonas, Mel, Roger, Oriane et Jean Passe. Tous eurent à peine le temps de se retourner que les deux hommes étalaient les fruits de leurs recherches sur le billard qui servait de table. Combien de stylos s'étaient perdus dans les trous...

«L'Église prend le pouvoir !» beuglèrent-ils en chœur.

Ils se regardèrent avec un air suspicieux, se demandant comment l'autre avait eu l'info : Cendre avait surpris un rapport au congrès de la police, et quelques discussions, mais les horaires du taf l'avaient retenu. Pendant ce temps, Theodorus avaient choppé l'info au journal, qui avait réussi à infiltrer quelques journalistes au poulailler. Si Theodorus l'avait appris plus tard, il était, lui, parti directement.

Leur état des lieu fut cependant vite interrompu par les exclamations ébahies des anges diaboliques du coin. Ce nouveau revirement sortait de nulle part !! Et selon Cendre, même les keufs ne s'y attendaient pas.

- Mais comment on va faire pour avoir des infos de ce côté là ? finit par demander Gladys.

- C'est clair qué on peut pas dévénir moine comme ça du jour au lendémain ! ajouta Mel.

L'Église avait fait valoir son droit divin, maintenant, l'Angleterre lui appartenait.

Cendre sourit :

- On n'a plus qu'à espionner à l'ancienne. Avec des cordes, des cascades dans le vide, des gadgets bizarres et des musiques stressantes.

De la Cendre sur les toits de LondresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant