Chapitre 8 - 2

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Le ciel est ensoleillé, la température relativement clémente. Pourtant, j'ai l'impression d'étouffer dans mon costume noir. Je tire nerveusement sur ma cravate pour dégager ma gorge et prend une profonde inspiration. Ma mère tient fermement mon bras d'une main, et celui de mon père de l'autre pour se soutenir. Elle a enfilé une de ses plus belles robes noires, et se tient digne au milieu du cimetière. Malgré tout, je sais qu'elle est effondrée intérieurement.

Mon père est égal à lui-même, impassible. Je crois que c'est un trait de caractère dont j'ai hérité avec le temps, cela me permet de ne pas faire face à ce qui me blesse. Et à ce moment précis, face à la pierre tombale de ma petite sœur, je reste stoïque. J'essaie de me convaincre que Maya n'aurait pas aimé me voir pleurer mais c'est surtout que je suis incapable de me laisser aller. Les inscriptions sur le marbre me brûlent la rétine et s'imprègnent pour les prochaines semaines dans mon crâne.

_ Maya Polly Dawson _

11/01/1996 – 02/03/2011

À la plus merveilleuse des abeilles

Un bouquet de lavande frais repose sur la stèle aux côtés de divers portraits de familles et de dessins plastifiés. Je soupire longuement et jette un coup d'œil à l'étendue des autres tombes peuplant l'herbe verte. Je crois que j'ai encore plus envie de vomir, mon souffle se perd, la crise de panique n'est pas loin. Pour me retenir, je fixe mes pensées sur une petite blonde qui, dernièrement, m'a retourné le cerveau et la raison.

Mes pulsations se régulent lentement, ma vue devient plus nette. Je reprends une certaine contenance et redresse les épaules. Après avoir passé suffisamment de temps pour se recueillir, ma famille traversa de nouveau l'allée gravillonnée pour rejoindre la voiture. Mon père prit le volant de la Mercedes et nous conduit jusqu'à la demeure des Dawson.

Le repas est déjà préparé par la gouvernante, les couverts sont mis dans la salle à manger. Je prends place sur une chaise délicatement ouvragée et dénoue pour de bon la cravate qui m'étrangle depuis une heure. Mon père a retiré sa veste de costume maintient son visage dans ses mains. Quand il redresse enfin la tête, je ne l'ai jamais trouvé aussi vieilli. Ma mère s'assoit en bout de table, entre mon père et moi, et entreprend de nous servir un peu de salade verte. J'ai l'estomac en vrac mais me force à me sustenter pour ne pas inquiéter encore plus celle qui m'a donné la vie.

Avec les problèmes qu'avaient rencontrés sa petite sœur, ses parents se montraient dorénavant ultra-protecteur envers leur unique enfant. Il était donc inutile de les alarmer outre mesure. Avant chaque repas, lorsque j'étais petit, nous récitions le bénédicité. Dorénavant il était inconcevable que nous priions Dieu pour les bonnes choses dont il nous a doté.

« J'ai croisé Kirsten ce matin, m'informe Celia. Elle m'a appris qu'Evelyn et Carter avait rompu leur fiançailles.

Une brusque toux me ravage les poumons alors que j'avale de travers ma bouchée. Je n'avais absolument pas envisagé que la jeune femme serait mise sur le tapis par ma famille. Je mâche excessivement les restes de tomates que j'ai dans la bouche pour ne pas me laisser le temps de répondre. Ma mère, peut dupe à mon manège, reprend.

- Je ne savais pas que leur couple battait de l'aile. Tu étais au courant toi ?

J'hausse les épaules, peu enclin à m'étendre sur le sujet.

- En tout cas, je pense que c'est une bêtise. C'est pourquoi la semaine prochaine je compte inviter sa famille ainsi que celle d'Evelyn a un brunch afin de les rabibocher.

- Ne te mêle pas de ce qui ne te regarde pas.

Mon père laisse échapper sa fourchette sur le bord de son assiette. Il faut dire que j'ai usé d'un ton glacial pour dissuader ma mère. L'idée même qu'Evelyn et Carter puissent se retrouver dans la même pièce provoque un picotement désagréable à l'arrière de ma nuque. Je me sens encore plus patraque que ce matin.

- Aurais-tu quelque chose à me dire mon fils ?

- Non. Mais tu ne devrais pas forcer les choses. S'ils se sont séparés, c'est qu'ils avaient de bonnes raisons.

- Ah oui ? Et lesquelles ? Parce que, de ce que m'a avoué Kirsten, son fils est bien mal en point à la suite de leur rupture.

Je retiens un ricanement mauvais. Mon meilleur ami est bien loin de se sentir éprouvé d'avoir perdu l'amour de son ex-fiancée. Aux dernières nouvelles, il enchaînait les conquêtes d'une nuit sans attache et se félicitait de s'être enfin débarrassé de son pot de colle. Même si je ne prenais pas au sérieux sa désinvolture, je me doutais que son ego avait été blessé. En revanche, son petit cœur n'était absolument pas brisé.

- Je n'en sais rien, ce sont leurs histoires, ça ne regarde qu'eux.

- De toute façon s'est trop tard, répondit ma mère en tamponnant sa bouche avec une serviette. J'ai déjà invité tout le monde Emmett, et ta présence est obligatoire. »

J'acquiesce de mauvaises grâces et me concentre sur mon assiette. Le week-end prochain risque d'être riche en émotions.

 Le week-end prochain risque d'être riche en émotions

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