Chapitre 3 - 1

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Je croise les jambes en retenant un énième soupir de douleur. Le tiraillement qui me vrille l'entrejambe est vraiment désagréable. D'un autre côté, il me ramène à des sensations totalement folles. Je n'ai rien dormi de la nuit et faire face ce vendredi matin à notre réunion hebdomadaire est très compliqué. De manière succincte, on évoque chaque bien immobilier proposé dans notre agence et on déblatère sur les offres en cours ou sur le moyen de vendre plus rapidement.

Malgré l'image de camaraderie et d'entre aide qui règne à chaque fois, chacun garde à l'esprit qu'il y une course pour vendre en premier et toucher les plus grosses commissions. J'ai très vite compris que l'immobilier est un monde de requin et que je ne pouvais me fier à personne. Je m'en suis accommodée, jusqu'à en tirer parti. J'ai acquis un certain charisme et une force de caractère. Toutefois, ma volonté de bien faire n'en a jamais été entachée. Pas tout le monde ne pourrait en dire autant dans l'agence.

Je réprime un nouveau bâillement en me concentrant sur le rapport de la semaine. Mon esprit vagabonde sur l'appartement que je vais devoir chercher, je n'ai pas non plus les moyens de me payer le grand luxe. De nous deux, c'est Carter qui avait le plus gros salaire et qui nous permettait de vivre dans une certaine opulence. Même si ce n'était pas une doléance de ma part, j'ai toujours pu en profiter. Maintenant, il va falloir que je me débrouille seule.

Notre directeur, Monsieur Fergusson, nous congédie enfin. Je me redresse bizarrement afin de ne pas trop souffrir et sort en même temps que les autres de la salle de réunion. Shelby me lance un regard appuyé et me fait un signe discret de la suivre aux toilettes. J'hésite un instant à l'ignorer puis me résigne, je squatte chez elle, je vais bien être obligée de m'y confronter.

Elle referme doucement la porte derrière elle et, après avoir vérifié que personne n'était dans une cabine, prend la parole.

« Où est-ce que tu as disparu cette nuit !

J'ouvre la bouche pour me dédouaner mais elle m'arrête d'un geste de la main.

- Et pas de mensonges, j'ai bien vu que tu faisais semblant de dormir dans le taxi ce matin.

Je me retiens de justesse de piquer un fard. Shelby est une vraie fouine, elle capterait chaque mouvement de mon visage. J'ai l'impression d'entendre les rouages de mon cerveau fonctionner à plein régime pour trouver une excuse valable. Autre chose que : « Pardon je tirais le coup le plus fabuleux de ma vie dans les toilettes avec une personne que je déteste et qui se trouve être le meilleur ami de mon ex-fiancé ».

- En réalité j'ai perdu l'habitude de boire autant, je prends une mine gênée. J'étais en train de vomir mes tripes dans les toilettes et de faire passer les sueurs.

- Tu aurais dû me prévenir, s'insurge Shelby.

- Je n'ai pas vraiment eu le temps ...

Mon amie me fait un clin d'œil, signe qu'elle me pardonne ma disparition de quasiment une heure. Je me penche sur le lavabo pour boire un peu, j'ai une pâteuse terrible ce matin.

- Pendant un instant j'ai cru que tu t'étais envoyée en l'air avec un type. »

Elle éclate de rire tandis que je suis à deux doigts de mourir étranglée par l'eau que j'ai avalée de travers. Tout en me tapotant dans le dos, Shelby essuie une larme imaginaire de son œil. Ce qu'il s'est passé cette nuit doit impérativement rester secret.

~

Une fois seule dans l'habitacle confortable de ma petite citadine, je peux laisser cours à ma panique. J'ai fait une connerie monumentale cette nuit et je m'en veux terriblement. Procéder de la sorte ne me ressemble pas du tout, même ivre, même en manque de sexe. J'ai agi comme une petite dévergondée, mettant Emmett et moi dans une position très délicate. Le simple fait d'évoquer son prénom me rend toute chose.

Je ravale mes émois et tente de me concentrer. J'ai couché avec une des personnes les plus proches de mon ex-fiancé même pas vingt-quatre heures après lui avoir dit que je le quittais. Je suis une horrible personne. Ma tête vient cogner contre le cuir de mon volant, l'espace d'un instant je souhaiterais disparaître. Un rapide coup d'œil à l'horloge de la voiture m'indique que si je ne me reprends pas très vite je vais être en retard pour ma visite.

Le jeune couple qui m'attend en bas des marches de l'immeuble me procure un petit pincement au cœur. Je nous revois, deux ans en arrière, en train de chercher l'appartement où l'on s'épanouirait à deux. Cela me semble tellement loin maintenant. Je me gare rapidement et m'excuse pour le retard, prétextant des embouteillages sur l'axe principal.

Nous montons les escaliers en pierre et je leur présente ce qui est, à mes yeux, le lieu qui leur conviendra le plus. Bien évidemment, les deux amants tombent sous le charme et à la fin de la matinée, une offre est réalisée. Au moins, je n'ai pas perdu mon temps aujourd'hui. Je les laisse avec des étoiles pleins les yeux et des rêves en tête.

Retour dans la voiture, panique à bord. Je m'autorise à allumer mon téléphone portable et découvre avec horreur l'ampleur des dégâts. Je n'ai pas moins de trente textos de Carter et au moins autant d'appels manqués. Tout au long de la nuit il oscille entre les « Tu es où », « Tout est ta faute », et « Je suis désolée Bébé tu me manques déjà ».

Je me sens à la fois mal et soulagée. En premier lieu, car je n'ai jamais voulu lui faire de la peine ou quoi que ce soit. Ensuite, car je n'éprouve aucune envie de m'enfermer à nouveau dans cette routine qui me consumait peu à peu. Si j'avais été amenée à regretter ma décision, cela aurait été dévastateur. Mais face à cette certitude il va falloir que j'assume mon brusque revirement de situation. Me confronter à lui et à ma famille. Je ne suis même pas sûr d'en sortir indemne.

Mon malaise s'accentue quand je retrouve sur mon bureau un bouquet de cinquante roses rouges avec pour mot « À la plus belle des fleurs, en signe de mon amour pour toi, Carter ». Shelby lève ses deux pouces en signe d'encouragement, ceux à quoi je réponds par un doigt d'honneur. Il est urgent que j'aille tirer les choses au clair avec lui. 

Comment auriez-vous réagi après une telle nuit ?

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Comment auriez-vous réagi après une telle nuit ?

Des bisous <3

I N I B I T A

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