Une semaine s'est écoulée depuis le coup de téléphone d'Evelyn et je n'ai toujours pas eu de nouvelles de sa part. Je refuse de lui envoyer le moindre message ou même de l'appeler avant qu'elle ne le fasse. La dernière chose dont j'ai besoin c'est qu'elle s'imagine avoir du pouvoir sur moi. J'ai travaillé de manière un peu trop distraite dernièrement, peignant là où il ne fait pas, ou encore manquant d'écrouler le mauvais mur dans une propriété.
Ce n'est non sans un certain soulagement que le weekend arrive enfin. Je vais pouvoir me reposer un peu. Enfin autant que possible avec Carter qui m'harcèle tous les soirs pour aller se saouler en ville et draguer quelques filles. Pour la seconde partie, je vais apparemment devoir y mettre fin pour un petit moment. Encore faut-il que la personne à qui j'ai promis ça honore sa part du contrat.
J'enfile un jogging et un t-shirt avant de descendre dans la salle de sport de mon immeuble. Une bonne séance de musculation me fera le plus grand bien. J'enchaîne les exercices ciblant le dos, les pectoraux et en finissant par une dizaine de séries d'abdominaux. C'est trempé de sueurs et exténué que je remonte chez moi pour me débarbouiller.
En plus d'une bonne douche, je trouve aussi un message d'Evelyn m'ordonnant de me rendre dans un bar en ville ce soir. Une pointe d'excitation m'agite un peu plus bas lorsque je rentre dans la cabine, la petite blonde va enfin mettre son plan en action.
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J'ai réussi à faire croire à Carter que je n'allais rien faire de ma soirée. En contrepartie j'ai dû lui promettre de l'accompagner prochainement dans une boite aux mœurs légères. J'enfile une chemise et un jean cintré. Je dois dire que je suis un peu nerveux, je n'ai aucune idée de ce à quoi m'attendre. Jusqu'à maintenant je n'avais jamais été inquiet à propos de ce qu'il se passait entre Evelyn et moi. Mais ça avait toujours été spontané et absolument pas prémédité. Je suis face à quelque chose de totalement inédit, elle me fait venir dans un endroit public et je ne sais pas ce qu'elle attend de moi.
La musique du bar est assourdissante, de l'extérieur on l'entend résonner à plusieurs kilomètres. Je suis devant les fenêtres depuis au moins cinq minutes, à scruter la foule pour essayer d'entrevoir celle que j'étais venu voir. Je me décide enfin à entrer et me retrouve happé par l'ambiance festive. Je me faufile difficilement entre les buveurs et aperçois enfin Evelyn au milieu d'une bande de quadragénaire en costume et visiblement avec un coup en trop dans le nez.
Il est dix heures du soir mais j'ai la nette impression que les individus en face de moi sont là depuis un petit moment. J'essaie d'attirer l'attention de la blonde, occupée à s'enfiler des verres de mojitos à la chaîne. Quand j'arrive enfin à capter son regard, Evelyn s'approche de moi et me traîne au milieu de la foule. Son regard est légèrement vitreux, me donnant l'impression qu'elle s'est forcée à boire pour se donner du courage.
La chanson et le bruit des discussions autour de nous empêchent la moindre tentative de conversation. Danser avec Evelyn est sympa mais ça va cinq minutes, la voir ivre me laisse un arrière-goût amer dans la gorge. Je ne comprends pas pourquoi elle m'a demandé de venir ici alors qu'elle avait l'air très bien accompagnée par une groupe d'hommes sur le même modèle que Carter. Je la pousse vers un coin du bar pour trouver un peu plus de calme et comprendre ce qu'il se passe.
« Je voulais continuer de danser Emmett !
- Pourquoi tu m'as demandé de te rejoindre ici, lui demandé-je sèchement.
- C'est un pot de départ du travail et j'avais peur de m'ennuyer. Alors je me suis dit que tu viendrais me distraire un peu.
- Visiblement tu n'avais pas besoin de moi !
Evelyn rigole et trébuche avant de tomber dans mes bras. Ça ne fait aucun doute, la jeune femme est complètement ivre. Elle retrouve son équilibre et se perche de nouveau sur ses talons hauts.
- Tu es complètement bourrée, la réprimandé-je.
- Je t'ai demandé de venir si tard car je savais que Shelby rejoignait son copain et je ne voulais pas qu'elle te croise. Eh oui, j'ai peut-être un peu picolé pour passer le temps. »
Je lève les yeux au ciel et retiens un sourire de justesse, hors de question qu'elle ne se rende compte que son attitude juvénile m'attendrisse un peu soit-il. Evelyn pose sa main sur mon torse et prend appuie sur moi. Ni elle ni moi ne parlons, mais ce silence n'est pas désagréable. Jusqu'à ce qu'un homme se pointe derrière elle et ne se racle la gorge.
La jeune femme se retourne vivement, mettant un espace évident entre nous. Je retiens un soupire d'agacement et détaille notre perturbateur de haut en bas. Sa chemise impeccable, son pantalon de costume et sa cravate desserrée. L'homme doit avoir quinze ans de plus qu'Evelyn mais ça ne l'empêche pas de la dévorer du regard. J'ai envie de cracher ma bile.
« Evelyn vous vous joigniez à nous ? On va remettre le cadeau à Madison. »
Mon accompagnatrice acquiesce et me fait un petit signe d'excuse. Monsieur Berline Familiale glisse une main dans le dos de la jeune femme et me jette une œillade lourde de sens. Mes poings se serrent, je vois très clair dans le jeu de son collègue de travail. Je les suis de loin et me pose sur un tabouret de bar avant de commander une bière.
La fameuse Madison est une femme rondelette d'une cinquantaine d'année. Elle est rayonnante au milieu du groupe et remercie tout le monde pour le présent qu'on lui a remis. La rouquine sert chaleureusement chacun des participants avant de reprendre son verre de vin. L'homme de tout à l'heure se tient toujours aussi proche d'Evelyn, toujours plus tactile.
Un nouveau morceau débute et je vois le visage de la blonde s'illuminer. Son collègue se penche à son oreille et lui propose quelque chose. De là où je suis, je peux voir à son expression qu'Evelyn n'est pas clairement emballée. Pourtant il insiste et la tire en direction de la piste de danse. Il la serre contre lui et entame une danse un peu trop collée.
Ma mâchoire se crispe, je vois rouge. En temps normal, je n'en aurais eu rien à faire mais la blonde n'a pas vraiment l'air enchanté, voir mal à l'aise. Elle me jette quelques regards en biais, et je n'arrive pas à déceler si elle me demande de l'aide ou non. Monsieur Berline Familiale la tient encore plus proche de lui, je crois même distinguer ses mains descendre un peu trop bas dans son dos. Evelyn s'agite.
Sans même m'en rendre compte, je suis déjà à quelques centimètres d'eux. Mes doigts se referment durement sur le poignet du quadra et je retire ses mains. La blonde en profite pour se décaler et attrape mon épaule pour me retenir.
« C'est quoi ton problème gamin, m'attaque le grisonnant.
- Mon problème c'est que tu te tiens un peu trop proche d'Evelyn et que ça n'a pas l'air de lui plaire.
- Ne parle pas de ce que tu ne sais pas !
Je lâche un rire sarcastique et le regarde de haut. Je sais pertinemment qu'un homme avec son statut ne supportera pas qu'un simple artisan lui tienne tête. En mon for intérieur, je veux qu'il craque pour lui administrer la correction qu'il mérite.
- Laisse tomber Emmett, me supplie Evelyn. Samuel, on se voit lundi au bureau. »
Le dénommé Samuel m'adresse un regard noir. Je ne cille pas et lui tiens tête, prêt à lui montrer qu'il ne m'impressionne pas du tout. J'enroule ma main dans celle de la blonde et me laisse guider à la sortie du bar. Après m'être assuré qu'il nous fixait toujours, je claque les fesses de la jeune femme et lui adresse un doigt d'honneur.
I N I B I T A
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Primo
RomanceEvelyn a tout ce dont une jeune femme peut rêver : un travail, un bel appartement et un fiancé. Mais derrière les apparences, Evelyn étouffe. La monotonie et la perspective d'un destin déjà tracé ne lui convient pas. Lorsque tout explose, Evelyn a...