02 - Alexandre

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29 août, du matin

Château de Balmoral, Écosse

Alexandre


L'été fut long. L'été fut ennuyeux. L'été fut rempli, pourtant, par une tonne d'engagements liés à ma position de prince. Visite d'un hôpital, d'un centre sportif pour les jeunes, un gala de charité, un dîner en l'honneur des vétérans. Chacun de ces moments me remplissait de joie, du moins sur l'instant. Je me délectais des rencontres et des histoires qu'elles pouvaient m'apporter. Mais une fois seul, sur le siège arrière de la voiture, je me sentais horriblement vide. Mon existence était comme dénuée de sens. De but.

Si les événements avec les personnes du peuple, comme Eddie les appelait, me donnaient un sentiment d'accomplissement sur le moment, j'étais las des bals, des gardens-parties ou de toute autre occasion que je devais passer avec l'aristocratie. Les mêmes conversations se répétaient sans cesse. J'avais toujours affaire aux pères ou aux mères, parfois aux grands-parents, trop insistants et qui me présentaient leurs filles ou petits-filles dans l'espoir d'en faire une princesse. Enfin, une duchesse. Le titre de princesse n'étant réservé qu'à celles de sang.

Lorsque ce n'était pas leurs grands-mères, je pouvais compter sur la mienne pour me présenter de jolies jeunes filles, toutes issues de la noblesse. Fille de comte, de duc, marquis ou encore de vicomte. Comme Charlotte qui, par son statut social, était souvent présente au même endroit que moi. Cela rendait la situation d'autant plus délicate et il m'était donc difficile de profiter un tant soit peu de la présence des autres ou des activités. Surtout lorsque j'apercevais son regard, mi-triste mi-furieux. J'espérais qu'un jour elle puisse comprendre que je lui avais rendu service. Cela ne servait à rien de poursuivre une relation dans laquelle elle n'aurait pas pu être heureuse. Si elle ne pouvait le comprendre, peut-être était-elle restée avec moi pour le titre après tout. C'était une pensée qui m'effleurait assez souvent et transformait le bonheur en une amère illusion.

— Je n'arrive pas à me souvenir de la dernière fois où je t'ai vu sourire, m'adressa une voix familière.

Allongé sur l'un des canapés de la bibliothèque, je me redressai pour accueillir la nouvelle venue. Sophie, ma jeune sœur de dix-huit ans, m'apparut avec les traits tirés.

— Qu'est-ce que tu racontes Soph » ? Je suis toujours en train de sourire ! Tu n'as qu'à acheter les derniers journaux pour voir mon parfait sourire en couverture.

— Je parlais d'un vrai sourire, Alex. Pas d'un sourire forcé pour les caméras ou pour les autres.

— Je sourirais à la reprise des cours, lui promis-je. Alors, stressée pour ta première année à l'université ?

— Pour les cours, non. Pour les autres, oui. Je n'ai pas envie qu'on me regarde comme une bête de foire.

— Les premières semaines sont les plus difficiles, après les gens sont habitués à toi et ils n'y font plus attention. Enfin, hormis les filles... Dans mon cas, je veux dire.

— Maintenant que t'es de nouveau célibataire, tu risques d'avoir beaucoup plus d'attention de leur part.

— Ouais...

Je soupirai. L'idée d'être pris pour cible pour mon statut ne m'enchantait guère. Car je savais que ce serait pour ma position et l'argent de ma famille. J'ignorais si j'aurais la patience de gentiment leur faire comprendre que, non, je n'avais aucune envie d'aller plus loin. Je risquais de devenir le prince ingrat, le prince désagréable si j'éclatais en public. Devoir rester calme et poli, en toutes circonstances, était plus qu'épuisant.

La Noblesse du Cœur ▬ Tome ✯ © #Wattys2021Où les histoires vivent. Découvrez maintenant