La Noblesse du Cœur ▬ Tome ✯ © #Wattys2021

04 - Alexandre

Jeudi 19 septembre

Oxford

Alexandre

Quelques minutes après le décollage, mes yeux se perdirent sur l'immensité bleue qui s'offrait à eux. Je repensais à la discussion que j'avais eue avec maman quelques jours avant son départ de Balmoral, il y a deux semaines. Une conversation pleine de sens et de bons sentiments, mais qui, comme je m'y étais attendu, ne m'avait pas plus aidé que ça, au grand dam de maman. J'avais essayé de la rassurer en lui disant qu'il n'existait aucune solution à mon problème ou, en tout cas, qu'elle n'y pouvait et n'y pourrait rien. Mais plus j'avais tenté de la rassurer, moins j'avais réussi.

Le jour où papa, Edward et elle avaient repris l'avion pour rentrer à Londres, j'avais distingué de la tristesse sur son visage. Peut-être même de la culpabilité. Celle de ne pas pouvoir résoudre les problèmes de ses enfants en un claquement de doigts. Je n'imaginais pas à quel point cela devait être dur pour un parent de voir son enfant perdu et d'être absolument incapable de l'aider. C'était du moins ce qu'elle pensait, j'en étais persuadé. J'aurais dû lui dire que sa présence et son amour étaient tout ce dont j'avais besoin, mais c'était resté coincé à travers de ma gorge lorsqu'elle m'avait embrassé sur la joue avant de monter dans la voiture. Sophie était rentrée juste après que la voiture eut disparu de son champ de vision. Moi, j'avais pris racine et étais resté là un bon moment. J'avais ensuite rejoint l'intérieur et trois semaines s'étaient écoulées à une vitesse hallucinante.

Trois semaines que j'avais passées avec ma petite sœur à tenter de la rassurer du mieux que je le pouvais sur la future et nouvelle expérience qu'elle allait vivre. Trois semaines sans parents où nous étions retombés en enfance, dans une bulle d'innocence et d'insouciance.

— Argh, revoilà ta tête de découragé, me lança-t-elle.

Une bulle qui s'était fissurée lorsque j'avais bouclé ma dernière valise et qui venait tout juste d'éclater avec cette pique honnête de ma chère sœur.

— Pourquoi surgit-elle que maintenant ? Où était-elle passée ces derniers jours ?

— Enfouie avec ma vie d'adulte. Mais là revoilà, pour ton amusement.

— Mon amusement ? Cela ne m'amuse vraiment pas de te voir comme ça, Alex. Rien ne m'amuse dans cette situation. Je n'arrive même pas à me rappeler de la dernière fois où je t'ai vu sincèrement sourire avant ces trois semaines que nous avons passées ensemble. Et ça me brise le cœur, frangin.

J'aurais aimé pouvoir la contredire, mais c'était impossible. Tout l'été avait été une succession de rires forcés et de sourires calculés. De conversations assommantes et de courses hippiques qui me laissaient indifférent. J'avais passé les deux mois de vacances à penser à la rentrée et je n'avais qu'une hâte : celle de retrouver la compagnie des autres étudiants, en particulier de Charlie, mon meilleur ami.

Je l'avais rencontré au cours de la deuxième année, pendant une activité organisée par nos deux collèges. Nous n'étions pas du tout dans le même cursus universitaire et je n'étais pas sûr que nous aurions eu une chance de nous rencontrer en dehors de ces événements. Charlie était l'exact contraire des personnes que je côtoyais habituellement. Il ne faisait pas partie de la noblesse et encore moins du même milieu social, et surtout, son trait de caractère principal était la franchise. Une franchise sans aucune barrière qui était une vraie bouffée d'air frais. La plupart des gens agissaient avec moi avec une certaine réserve. Charlie m'avait fait comprendre, dès le début, qu'il se fichait pas mal de qui j'étais. Et c'était pour ça que ça avait aussi bien accroché, dès les premières minutes. Bien malgré lui, il était devenu l'un de mes piliers, je le considérais comme un frère sans jamais avoir osé le lui dire. Contrairement à lui, j'avais toujours des difficultés à m'ouvrir et à lui dire ce que je pensais, même si notre amitié m'avait permis de faire des progrès à ce niveau.