La Noblesse du Cœur ▬ Tome ✯ © #Wattys2021

30 - Alexandre

Dimanche 1er décembre

Londres

Alexandre

— Vous semblez de bonne humeur, monsieur, m'adressa Dany.

— Je le suis, avouai-je d'un air béat. Alors, surtout, tu évites de me parler du MI5, d'accord ? ajoutai-je sur le ton de la plaisanterie.

Dany m'adressa un sourire complice depuis son siège avant. Mon regard se perdit sur les rues de Londres qui défilaient tandis que mes pensées et mon cœur étaient toujours à Oxford, avec elle. Si je n'avais pas eu un aussi grand sens de la famille ou une envie de voir les voir, j'aurais sûrement accepté son offre et nous aurions marché toute la nuit. Peut-être aurions-nous parlé sans être capable de s'arrêter, ou bien le silence si tendre que nous avions partagé durant le trajet du retour nous aurait suffit. Ça et nos mains entrelacés.

Le souvenir de ce contact me fit frissonner l'espace d'un moment et fit naître un sourire. Je ne me souvenais pas la dernière fois que j'avais souri autant. De la dernière fois où je m'étais senti aussi libre. Pas de protocole, pas de peur d'être regardé comme un monstre de foire. La relation n'était pas parfaite dans l'état actuel des choses, mais ça allait le devenir. J'allais tout lui dire, le week-end prochain, et espérai que l'affection qu'elle ressentait pour moi suffirait à la convaincre de rester. Plus j'y pensais, plus mon esprit pencher sur une théorie en particulier : Jade n'allait pas apprécier que je lui ai caché un pan aussi important de ma vie. C'était évident, pour tout le monde. C'était la réaction logique. Il ne me restait plus qu'à croiser les doigts pour avoir le temps de lui expliquer et pour qu'elle pût me pardonner.

Je devais également croiser les doigts pour que rien d'autre n'interférât dans cette histoire. Il y avait toujours eu une sorte de respect au sein d'Oxford. Aussi étonnant que cela pouvait paraître, jamais aucun autre étudiant n'avait vendu d'informations à mon sujet ni même de photos. Et la seule fois qu'un paparazzi avait osé entrer dans notre pub attitré, il s'était fait violemment rembarrer par le propriétaire. Hormis cet endroit si particulier à mon cœur et le restaurant indien plutôt discret et intimiste, je ne fréquentais rien d'autre que ma chambre et les salles de cours. En l'espace de quelques années, j'avais presque réussi à me fondre dans la masse d'étudiants. Il n'y avait rien de bien excitant à me photographie à la sorte d'un de mes cours. D'autant que, cette année, toute l'attention avait été attirée vers Sophie pour sa première rentrée universitaire. Il fallait avouer que cela tombait bien. Entre ça et les nombreux engagements publics de la Reine et de l'héritier du trône, j'étais plutôt tranquille et je savourais ces derniers mois loin de cette frénésie médiatique. 

La voiture ralentit, se positionnant sous l'imposant portique en pierre. Une fois à l'arrêt, ma porte fut ouverte par un valet que je remerciai avant de rejoindre l'intérieur de la bâtisse la plus célébrée d'Angleterre : Buckingham Palace. Pour moi, elle s'apparentait à la maison. Pas très modeste, mais la maison quand même. J'étais conscient de ne pas avoir eu la même enfance que Charlie et, à certains moments, je le jalousai. Oui, parfois j'aurais voulu une maison plus petite, sans domestique, sans protocole, sans autant d'œuvres d'art qui me faisaient plutôt penser à un musée. Deux mois par an, c'était d'ailleurs le cas.

Je montai le grand escalier, un peu mécaniquement, sans trop réfléchir au trajet qui me mena jusqu'à la salle à manger située dans les appartements privés de la Reine, ma mère. J'étais devant les portes, d'où émanaient déjà quelques rires. Tout le monde avait l'air de bonne humeur et ça m'aida à retrouver un semblant de calme. Sans réaliser comment, le stress s'était emparé de moi à chaque nouvelle marche, à chaque nouveau pas. Je pris mon courage à deux mains et ouvris l'une des deux portes, puis fis un pas dans la pièce. Ils se tournèrent tous vers moi : j'étais le petit dernier arrivé.