La Noblesse du Cœur ▬ Tome ✯ © #Wattys2021

36 - Alexandre

Samedi 21 décembre

Sandringham

Alexandre

Ce fut après presque trois heures de route que nous, le chauffeur, Dany et moi-même, étions arrivés dans le village de Sandringham où se trouvait l'une des résidences privées de notre famille. C'était ici que nous fêtions, chaque année, les fêtes de fin d'années. Sophie m'avait proposé de partager le même trajet, hier en fin d'après-midi, mais j'avais prétexté une soudaine fatigue. La raison était évidemment tout autre : je repoussai le moment d'avoir une discussion concernant Jade, que ce fût avec elle ou n'importe quel autre membre de la famille. Pourtant, je ne pouvais l'éviter. Il fallait même le faire avant que de voir tous les invités débarquer dès le début de la semaine prochaine. Ce serait assez gênant si grand-mère venait à en parler, je n'étais vraiment pas en état d'expliquer à des connaissances que j'avais le cœur brisé. Que la fille de mes rêves m'avait repoussé après avoir appris qui j'étais et que je lui avais menti. Pas très glorieux ni même joyeux.

Je sortis de la voiture avec une tête de dix pieds de long. Le chauffeur s'occupa de mes affaires, tandis que je traînais mes propres bagages métaphoriques, lourds de regrets, de tristesse et de colère. J'eus à peine le temps de poser un pied dans la bâtisse que je fus accueilli par Sophie. Une longue accolade plus tard, elle se recula et m'observa d'une moue attristée. Elle seule savait que ça n'avait pas marché avec Jade. Mais c'était tout. Je ne lui avais pas donné plus d'explications. Pas encore. Cependant, je savais que ça n'allait pas tarder. Peut-être me donnerait-elle quelques heures de répit, le temps de me remettre du voyage, de me reposer dans ma chambre, de prendre le dîner. Une fois tout ceci fait, une fois que j'essaierai de m'éclipser jusqu'à ma chambre, et peut-être que je réussirais à l'atteindre, Sophie réapparaîtrait avec sa curiosité.

— Edward et Cécilia doivent arriver dans l'après-midi, m'apprit-elle. Grand-mère est déjà là. Elle est dans la bibliothèque si tu la cherches. Papa doit traîner dans les cuisines, quant à maman... Elle est dans son bureau et elle a demandé à te voir.

— Tu lui as dit ? soufflai-je.

— Pas eu besoin de dire un mot. Lorsqu'elle a prononcé son prénom, elle l'a vu à ma tête. Je suis désolée, je ne suis pas une très bonne menteuse.

— Ne t'inquiète pas, Sophie. De toute façon, ça ne sert à rien de mentir, je l'ai bien compris. Je vais voir maman du coup. Je garde grand-mère pour la fin, ça va être le plus difficile...

— Je ne te le fais pas dire...

Je jetai un regard inquiet à ma sœur, sans comprendre. J'eus droit à un simple « tu verras » avant de la voir s'éloigner en direction de l'étage. Je restai un moment dans le hall d'entrée, me préparant mentalement aux deux conversations qui allaient se succéder. Je savais que je ne le serais jamais vraiment et ce fut ça qui me décida à quitter la pièce. Quelques minutes plus tard, après avoir traîné des pieds durant tout le trajet, je me trouvai devant la porte du bureau. J'y toquai sans attendre, au risque de prendre la fuite. J'y entrai ensuite, après avoir entendu sa voix me permettre d'entrer.

Une impression de déjà-vu me parcourut l'échine alors que je mis un pied dans ce lieu. Une sensation qui me renvoyait à la conversation que nous avions eue durant l'été, avant de repartir pour ma dernière année d'université. La finalité sera la même : un Alex avec le moral dans les chaussettes et une mère inquiète.

Cette dernière se leva après avoir fini de signer un papier. Elle vint à ma rencontre et déposa sur l'une de mes joues un baiser, tandis qu'elle caressa furtivement l'autre du bout des doigts.