La Noblesse du Cœur ▬ Tome ✯ © #Wattys2021

10 - Alexandre

9 novembre 2019

Oxford

Alexandre

Je ne me rappelais plus du nombre de fois où j'avais dit à Sophie qu'il fallait profiter de chacun de ses instants à l'université. Sûrement une bonne centaine de fois. Pourtant, c'était la deuxième soirée du samedi que je laissai filer, par manque d'envie. Je n'appelais pas ça « profiter ». Si je n'étais pas en cours, j'étais dans ma chambre. Charlie commençait à s'inquiéter tout comme... moi.

C'était d'ailleurs cette inquiétude qui me poussa à les rejoindre ce soir. « Soirée spéciale année nonante ! » m'avait envoyé Charlie par message une heure avant de se voir. Il était évident que ce n'était pas le thème mis à l'honneur qui m'avait décidé à quitter mon lit, mais l'espoir de réussir à passer une soirée sans trop réfléchir, sans trop ressentir, hormis de bonnes émotions. Il me fallait trouver cette étincelle de vie, dont je doutais d'avoir été en possession un jour. Celle qui rendait tout plus beau et vous donnait envie de vous lever le matin, de découvrir, de faire des rencontres. De tout simplement vivre et d'y ressentir de la joie.

Je jetai un regard derrière moi alors que je venais d'arriver dans la rue du pub. Je lançai un sourire à Craig, toujours à quelques mètres derrière, prêt à me protéger. Je savais qu'il s'inquiétait, lui aussi, de mon moral. Il ne le disait pas aussi franchement que je l'aurais voulu, mais il me l'avait fait comprendre ces dernières semaines. S'il l'avait remarqué, il ne faisait aucun doute qu'il avait dû en faire part à ses supérieurs, mes parents. Pourtant, je n'avais pas eu de messages plus intempestifs qu'habituellement, ce qui me faisait douter de la totale honnêteté qu'il devait pourtant avoir envers eux.

J'entrai ensuite dans le pub, espérant avoir rassuré mon garde du corps. Je me faufilai entre les personnes déjà bien nombreuses jusqu'à notre table attitrée. Je fus accueilli par une salve d'applaudissements qui me mit légèrement mal à l'aise.

— Oh, arrêtez vos conneries !

Je dus hausser la voix pour me faire entendre dans ce brouhaha de rire et de musique. L'endroit était particulièrement bruyant aujourd'hui et je suspectais le barman d'aimer un peu trop la musique des années nonante et d'avoir abusé sur le bouton du volume. J'avais aussi l'impression qu'il y avait beaucoup plus de monde que d'habitude.

— Il se passe quoi ? m'adressai-je à Charlie ? Y a des verres gratuits aujourd'hui ?

— Si seulement ! me répondit-il d'un soupir. Non, je ne sais pas ce qu'il se passe ce soir, mais je ne vais pas m'en plaindre.

Charlie m'adressa un sourire en coin et j'éclatai de rire. Me voilà à peine arrivé et mon ami arrivait déjà à me faire sourire. Je pris ça comme un bon départ... mais il ne fallait pas croire pour autant que je finirai sur la piste de danse. Si Charlie avait le rythme dans la peau, j'évitais à tout prix de me rendre ridicule en pratiquant cet exercice. Je cauchemardais parfois à l'idée qu'une vidéo de moi en train de danser se retrouvât sur Internet. Quelle horreur !

— Tu nous as manqué à la soirée d'Halloween, m'apprit l'un des gars.

Ah. J'avais totalement zappé la soirée d'Halloween dans mes comptes. Cela faisait donc trois soirées auxquelles je leur avais fait faux-bond.

— Désolé, migraine.

Je lui répondis en accompagnant mes mots de gestes, désignant particulièrement ma tête. Je savais que cette excuse ne pourrait pas être plausible très longtemps... ou ne l'était d'ailleurs plus.

— Faudrait peut-être aller consulter, me conseilla-t-il sans jugement. Ton frère porte des lunettes, non ?

— Ouais, mon père aussi d'ailleurs.