La Noblesse du Cœur ▬ Tome ✯ © #Wattys2021

32 - Alexandre

Joyeux Noël ❤

Mardi 10 décembre

Oxford

Alexandre

« C'est un autre monde ».

Les mots que Jade avait prononcés résonnaient en moi telle une épée de Damoclès au-dessus de ma tête... ou une bombe à retardement, au choix. Pourtant, je n'avais pas eu le cœur, et surtout le courage, de tout lui avouer. J'avais voulu profiter de cette journée. Une journée parfaite qui plus est, et qui resterait gravée à jamais dans ma mémoire. Peut-être la dernière...

Après le départ de Jade, peu après dix-huit heures, je m'en étais fait la promesse : à notre prochain rendez-vous, je le lui dirai. Je lui dirai tout et je répondrai à chacune de ses questions avec la transparence la plus totale que je pourrai me permettre.

La seule tache dans cette relation, c'était de lui avoir caché un pan important de ma vie. Le plan le plus important d'ailleurs, car c'était celui qui modelait ma routine. Ce n'était pas juste un hobby qu'on pouvait arrêter, c'était tout. Parfois, c'était même trop et j'avais peur qu'elle le ressentît de cette façon. Pour la première fois, l'ombre de la couronne planait au-dessus de celle qui pourrait être mon bonheur.

Je ne voulais pas penser ainsi. Il y avait même des moments où je me détestais d'avoir ce genre de pensées envers elle. Ce côté fleur bleu et ces émotions trop niais rendaient la situation plus compliquée. J'avais peur comme jamais de perdre ce qui me faisait vibrer pour la toute première fois dans ma vie. J'étais terrifié à l'idée de retourner à l'état presque sans vie dans lequel j'avais été ces dernières années. Je ne voulais pas que ça s'arrêtât, je voulais que ce feu ne s'arrêtât jamais de brûler. Je voulais continuer à voir le sourire de Jade illuminer son visage tout en irradiant mon cœur d'une chaleur sans pareil. Je voulais apprendre encore à la connaître, réussir à la faire rire, encore et encore.

Et Dieu, que son rire était contagieux. Nous avions passé le plus clair de notre temps du dimanche, initialement prévu pour travailler, à rire et à nous découvrir. Cela faisait longtemps que je n'avais pas autant eu mal au ventre à force de dire et d'entendre des bêtises, des anecdotes amusantes. Il y avait une certaine spontanéité qui était née en moi ces dernières semaines. Habituellement, j'avais toujours dû faire attention à ce que je disais, aux mots employés. Je devais être poli et mon vocabulaire était parfois restreint à des phrases types, des phrases bateaux. Mais pas avec Jade. Avec elle, tout sortait naturellement... ou presque. Il n'y avait que certains termes que je devais changer en parlant, comme « entreprise » au lieu de « monarchie ». Ou bien « bras droit » pour parler d'Edward au lieu d'« héritier ».

Le mensonge, c'était ce qui bloquait. Le dire pouvait tout détruire. L'attente était une torture. Je m'imaginais mille et un scénarios, encore plus depuis dimanche. Avant, c'était là, présent, mais plus comme une voix lointaine. Mais maintenant, c'était presque comme si Charlie était là, avec un parlophone, et qu'il criait à mon oreille. Il n'y avait aucun moyen de le mettre en sourdine.

J'attrapai mon téléphone et ouvris l'application « message ». La conversation avec Jade apparut ensuite et je tapai les mots sans trop réfléchir.

« Coucou toi,

est-ce que ça te dit qu'on se voit avant samedi soir ? J'ai envie de te parler de quelque chose en particulier. Surtout, ne panique pas, il y a rien de grave alors ne t'imagines pas des films, d'accord ? »

Si Jade était comme moi, elle finirait de toute façon par se faire des films même si je lui certifiai qu'il n'y avait rien de grave. D'un côté, c'était vrai, n'est-ce pas ? Je ne voyais pas le mal à lui avouer que j'étais un prince. Après tout, que ma mère fut Reine au lieu de baronne de la drogue devrait plutôt la rassurer, non ? Oui, ça ira... C'était plus l'omission qui me posait problème. Qui me pesait. C'était pour ça que je lui avais demandé de se voir avant samedi. Et aussi parce que je ne voulais pas risquer une autre soirée avec ses amis et que l'un d'eux lâcha la bombe. Il fallait le faire avant, entre quatre yeux.