La Noblesse du Cœur ▬ Tome ✯ © #Wattys2021

19 - Jade

23 novembre

Oxford

Jade

Lorsque je l'avais vu se lever et passer à quelques mètres de moi avant de rejoindre le bar, j'avais su que c'était le moment que j'avais attendu depuis qu'il était arrivé. Pourtant, il m'avait fallu une bonne minute avant de trouver le courage de quitter ma chaise. Avant cela, j'avais dû expliquer à Mila, en deux-trois phrases, ce que je m'apprêtai à faire. La situation était inattendue et cela l'avait surprise. Si surprise, qu'elle n'avait pas eu le temps de m'adresser le moindre mot. J'étais partie de notre table, mon petit sac en bandoulière, sans lui avoir demandé au préalable son avis sur Alexandre ou sur la situation. Je m'étais laissée porter par cette nouvelle envie. Cette folle envie. Une envie qui, pour celle que j'étais, était irraisonnée, mais qu'il m'était impossible de chasser de mon esprit.

Et me voilà, assise à la table de ce jeune homme qui m'intriguait plus que n'importe quel autre homme avant lui, gênée, indécise, perdue, surexcitée. J'essayai de trouver les premiers mots de cette nouvelle conversation, mais je le sentais dans le même état d'esprit que moi. Je devais avouer que ça me rassurait, on était sur un même pied d'égalité. Néanmoins, plus les secondes passaient, plus il m'était difficile de retrouver l'usage de ma voix. Je pris pourtant mon courage à deux mains et laissai échapper la première chose qui me venait à l'esprit en pensant aux deux seuls messages échangés.

— Comment va ta grand-mère ?

Je vis les traits d'Alexandre se détendre avant de m'adresser un sourire, visiblement touché qu'une inconnue eût pensé à sa grand-mère.

— Beaucoup mieux, merci. Elle est sortie de l'hôpital maintenant et... elle est très bien suivie et surveillée, je crois que ça devrait aller.

— Je suis contente pour toi, lui dis-je sincèrement.

Alexandre hocha plusieurs fois la tête de haut en bas, comme pour approuver ses propres propos, mais j'étais suffisamment observatrice et à l'écoute pour avoir décelé de l'inquiétude dans sa voix. Cela me paraissait normal au vu de la situation, mais une petite voix me disait qu'il devait être très proche d'elle.

Un nouveau silence s'installa pendant quelques secondes et j'en profitai pour boire une gorgée de ma nouvelle boisson, dans l'espoir que cette petite accalmie lui permettrait de lancer une conversation. Mon cerveau bouillonnait tellement que je n'arrivai pas à choisir une discussion, un sujet.

— D'ailleurs, j'étais avec elle quand tu m'as envoyé ce message, m'apprit-il. Je dois t'avouer que j'étais un peu surpris. C'était...

— Inattendu ? terminai-je sa phrase.

— Oui, c'est le bon mot. Est-ce que je peux me permettre de te demander pourquoi ce changement ? Charlie n'est pas venu te parler, rassure-moi ?

— Non, pas du tout. Au contraire, je crois que s'il était venu me parler, on n'aurait pas cette discussion en ce moment. Je déteste me sentir forcée, ça aurait vraiment eu l'effet inverse.

— Je suis soulagé de l'apprendre... Alors, pourquoi ?

Je ne pouvais pas lui en vouloir d'insister un peu. Moi même j'étais curieuse de nature, sans compter que c'était, comme on l'avait dit, inattendu. C'était compréhensible de vouloir une explication dans ce genre de situations. Si j'étais à sa place, il était certain que j'agirais comme lui. J'avais toujours besoin de poser des questions, de cerner les gens et le pourquoi de leurs décisions. Dans le cas contraire, je me sentais perdue.