Chapitre 12

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Etroits sont les vaisseaux, étroite notre couche, immense l'étendue des eaux, plus vaste notre empire, aux chambres closes du désir.

Un petit rire s'échappe de la gorge de Carla, ligotée de bien-être dans les bras d'Alice. La citation est pertinente. Leur désir à toutes deux était si pressant lorsqu'elles se sont enfin retrouvées seules ce lundi après-midi, qu'elles n'ont pas pris la peine de déplier le canapé-lit d'Alice avant de se jeter l'une sur l'autre. Le désir à présent assouvi pour un temps, la couche en question est en effet un peu étroite pour deux, et le moindre mouvement risque d'en faire passer une par-dessus bord, même si Carla ne voit pas d'inconvénient à se sentir enveloppée de partout par le corps doux et tendre de sa jeune maîtresse. Amusée, elle se retourne dans les bras d'Alice qui la retiennent de tomber.

― Saint-John Perse, hein ?

La jeune femme, magnifiquement nue avec ses joues encore roses de plaisir et ses cheveux auburn répandus en vagues soyeuses autour d'elle, lui sourit, malicieuse.

― Je ne comprends à peu près rien à Saint-John Perse les neuf dixièmes du temps, mais parfois comme ça, il dit quelque chose qui fait sens tout d'un coup !

Ce semestre, Alice a un cours sur le poète qui lui donne bien du fil à retordre et les notes qu'elle a prises sont déjà dix fois plus volumineuses que les minces poèmes qu'elle étudie. Carla n'a jamais fait l'expérience d'un partenaire capable de lui réciter de la poésie au débotté après l'amour et trouve cela tout à fait irrésistible. Sentant son désir se rallumer, elle se frotte sensuellement à la jeune femme comme un gros chat, ce qui arrache à Alice un gémissement ravi.

Pour Carla, l'expression « avoir un cinq à sept » vient de prendre tout son sens. Enfin, dans son cas, il s'agirait plutôt d'un deux à quatre. A cinq heures elle doit passer récupérer Chloé au collège, et certaines semaines elle a encore des courses à faire avant. Mais pour l'essentiel, grâce au changement d'horaires d'Alice au travail, elles ont enfin réussi à s'aménager du temps libre pour se retrouver chez la jeune femme tous les lundis après-midi loin des yeux indiscrets.

Le début de leurs rencontres est souvent électrique parce qu'elles ne se sont pas vues depuis une semaine malgré les messages échangés, et que le désir flambe entre elles au premier contact. Bien souvent leur deux à quatre ne se passe qu'à faire l'amour et le temps file tout de même trop vite. Tout est encore nouveau entre elles et tellement excitant, elles ont à peine commencé à se découvrir mutuellement et à prendre la mesure du plaisir qu'elles pouvaient s'apporter l'une à l'autre.

Alice aime le corps de Carla, et peu semble lui importer qu'il ait quarante ans passés et porte déjà quelques traces d'usure. Elle ne se lasse pas de l'explorer de toutes les manières possibles, d'en recenser les moindres points sensibles, de l'adorer et de s'en délecter.

― Que tu es belle, souffle-t-elle admirative entre deux baisers.

Carla la croit. Sous le regard de la jeune femme, sous ses caresses, elle se sent belle. C'est un puissant aphrodisiaque.

Et quand elle la touche comme ça... C'est Carla qui a appris à Alice cette caresse si intime, non pas qu'elle-même ait eu l'occasion de l'expérimenter sur une autre femme auparavant, mais puisqu'elle en avait déjà bénéficié... Quoi qu'il en soit, l'élève n'a pas tardé à dépasser le maître, et sa langue d'une sensualité folle entre ses jambes tient complètement Carla à sa merci, foudroyée par un plaisir d'une intensité inédite.

Carla a davantage d'expérience qu'Alice, c'est pourquoi elle s'est retrouvée sans le vouloir à jouer le rôle de mentor auprès de sa jeune partenaire. Un rôle nouveau et inattendu mais flatteur et grisant. Alice est toujours un peu timide au début, ainsi que par moments de manière tout à fait imprévisible, ce que Carla trouve adorable, mais la jeune femme est tout sauf passive. Lorsqu'elle s'enhardit, les suggestions qu'elle lui chuchote à l'oreille font palpiter Carla de désir. Alice ne manque ni de créativité ni de patience, deux qualités qui combinées s'avèrent d'une redoutable efficacité.

Trop jeune pour toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant