Chapitre 18

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Bien sûr, ce que Carla a demandé en réalité, et qu'Alice a parfaitement entendu, était « Veux-tu venir vivre avec moi ? » C'est ce qui a achevé de convaincre la jeune femme que Carla était sérieuse envers elle et ne risquait plus de la laisser tomber du jour au lendemain sans crier gare.

Depuis ce jour, les choses vont mieux entre elles, parce que Carla n'est plus la seule à essayer désormais. Les réticences d'Alice disparaissent peu à peu. Elle reprend l'initiative des contacts, cherche des occasions de voir Carla, se remet à passer volontiers du temps avec elle. Elle accepte aussi de venir à la maison en présence de Chloé.

La fillette, enchantée de retrouver son idole, se hâte de lui montrer sa nouvelle chambre qu'elle a peinte elle-même et dont elle est très fière, la supplie de rapporter sa flûte pour jouer ensemble, et lui raconte toute sa petite vie d'élève de cinquième, avide d'obtenir son approbation.

Alice se prête au jeu de bonne grâce, aide Chloé à faire ses devoirs et ses exercices de flûte. Elle reste manger puis regarder un film, installée entre Carla et Chloé sur le canapé, et reste dormir ensuite. Chloé ne semble pas plus traumatisée que cela par le fait qu'elle dorme avec sa mère.

Avec Alice à la maison, Carla a l'impression d'avoir de nouveau une famille sous son toit, ce qui fait un bien fou après ces longs mois de solitude et de désespoir. A présent, pour son nouveau départ, elle est bien décidée à trouver une maison qui corresponde à ses désirs, et sonde Alice et Chloé pour savoir ce que chacune d'elles en attend.

Chloé veut une chambre pour elle toute seule. Alice veut pouvoir jouer de la musique sans embêter personne. Carla, elle, veut un jardin, le plus grand possible. Et une chambre d'amis pour les visiteurs de passage. Pour son fils Thomas, s'il finit par lui reparler un jour.

Il faut donc trois chambres et un jardin. C'est un budget plus élevé que celui autorisé par son seul salaire de bibliothécaire, mais en vertu du jugement de divorce, l'argent que lui verse son mari lui en donne les moyens.

Après tout, Frédéric garde la maison tant qu'ils ne décident pas de la vendre. Ce n'est que justice s'il contribue à maintenir le niveau de vie de sa fille, même s'il a bien fait savoir que si cela ne tenait qu'à lui, son ex-femme pourrait aller habiter sous un pont pour ce qu'il en a à faire.

Carla encaisse l'argent de son mari sans états d'âme : elle aussi a beaucoup investi dans cette maison qu'elle ne peut plus habiter. Frédéric peut s'estimer heureux qu'elle ne la lui ait pas disputée à titre de résidence principale pour elle et sa fille.

Avec l'aide d'Alice, Carla commence à faire le tour des agences immobilières sur son temps libre. Il faut trouver un logement pas trop éloigné de leurs principaux points de chute, la médiathèque, la fac de lettres et le collège.

Lorsqu'elle a dû déménager en catastrophe, Carla a loué ce qu'elle a pu. Cette fois rien ne presse et elle n'a pas l'intention de donner son préavis avant d'avoir trouvé quelque chose qui lui donne vraiment envie de partir.

La première fois qu'un agent immobilier prend Alice pour sa fille, Carla trouve la méprise amusante. Alice et Carla ne se ressemblent pas du tout physiquement mais c'est sans doute la conclusion logique en effet, compte tenu de leur différence d'âge et du nombre de chambres qu'elles recherchent. Carla égayée sourit mais ne pense même pas à rectifier.

La seconde fois, Alice hausse les sourcils et jette à Carla un regard interrogateur. La jeune femme semble attendre d'elle qu'elle dissipe le malentendu, mais Carla incertaine hésite. Ce ne sont pas les affaires de l'agence immobilière après tout. Tandis que l'agent leur fait visiter « la chambre qui sera parfaite pour votre grande fille », elle ne rectifie pas.

Trop jeune pour toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant