Chapitre 28

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Etre remarquée par un éditeur – et non des moindres – donne des ailes à Alice, qui s'attelle à un nouveau roman avec une énergie redoublée. Malgré quelques querelles avec l'éditeur au sujet des modifications à effectuer sur le texte, les partenaires finissent par se mettre d'accord et le roman paraît, signé du nom de plume sous lequel Alice s'est faite connaître en ligne.

Grâce au renom de l'éditeur, l'ouvrage est largement diffusé en librairie. Au bout de quelques mois, les ventes, dont les chiffres ne sont pas mauvais pour un nouvel auteur, lui rapportent une petite somme d'argent.

― Tu vas arrêter ton petit boulot pour écrire, maintenant ? interroge Carla.

Alice secoue la tête.

― Pas avant que ça me rapporte autant qu'un an de mon salaire actuel, dit-elle, pragmatique.

Elle considère un instant Carla avec un léger sourire puis sort de son sac une enveloppe qu'elle lui tend.

― En attendant d'avoir publié un best-seller, voilà ce que je compte faire pour fêter mes premiers droits d'auteurs !

Dans l'enveloppe, il y a deux billets d'avion et une réservation en demi-pension à l'hôtel pour un grand week-end à Barcelone pendant les prochaines vacances.

Carla adore l'art nouveau et a toujours rêvé de voir les réalisations de Gaudi qui abondent dans la capitale catalane, les maisons, le parc Güell, la Sagrada Familia. Quand elle était mariée à Frédéric, elle a espéré en vain que son époux finisse par saisir l'une de ses allusions et lui fasse la surprise d'un petit voyage – à Barcelone ou vers d'autres destinations, qui toutes sont restées lettres mortes.

Son mari n'a jamais saisi l'allusion et Carla, jamais eu le goût d'organiser elle-même ces escapades-là mais Alice, elle, a entendu et Carla est touchée que ce soit la première chose pour laquelle sa compagne ait choisi de dépenser l'argent de sa plume.

― Merci, ma chérie, souffle-t-elle, émue. Quelle merveilleuse idée !

C'est ainsi que quelques semaines plus tard, toutes deux, armées d'un léger bagage, se rendent à l'aéroport d'où décolle leur vol pour Barcelone. Chloé est chez son père pour la semaine avec le chien et la chatte dont elle a promis de s'occuper jusqu'à leur retour.

Les deux femmes obtiennent leur carte d'embarquement plus vite qu'elles ne s'y attendaient grâce à une borne automatique sur laquelle elles scannent leur passeport, puis passent les contrôles de sécurité avec leur bagage cabine.

Il leur reste deux heures avant le départ, coincées dans la zone d'attente entre les boutiques duty-free et les grandes parois vitrées qui permettent d'admirer les avions sur le tarmac. Elles optent bientôt pour un rafraîchissement dans un des cafés de la zone.

Elles sont attablées depuis un moment autour d'un thé et d'une viennoiserie, occupées à échafauder des plans pour leur séjour en attendant leur vol, lorsque le regard d'Alice s'arrête sur un point situé derrière Carla. La jeune femme, jusque là joyeuse et animée, se tait brusquement et son visage se fige.

― Un problème, chérie ? interroge Carla, intriguée.

Alice contemple sa tasse, l'air d'avoir vu un fantôme. Carla se retourne. Elle ne voit rien qui attire son attention, personne qu'elle connaisse, seulement d'autres voyageurs en transit comme elles qui attendent leur vol, attablés devant diverses consommations, en train de lire un magazine, de tripoter leur téléphone ou de discuter.

Alice repousse son thé sans le finir et se lève pour partir.

― Viens, on s'en va ! chuchote-t-elle d'un ton pressant.

Trop jeune pour toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant